Par Anne-Sophie Chazaud
Ainsi que nous l’annoncions dans notre dernière tribune pour Front Populaire et ici-même, il était évident que le Conseil dit «Constitutionnel» auquel on prête par réflexe des qualités de sagesse qu’il n’a plus depuis belle lurette (à supposer qu’il les ait jamais eues), présidé par un vieux routier des scandales sanitaires, a validé sauf en le retoquant sur quelques marges insignifiantes le Passe Sanitaire de la Honte, instaurant de fait une ségrégation de la population selon son statut vaccinal, mais aussi, et c’est plus grave, instaurant le contrôle électronique des faits et gestes quotidiens de la population désireuse de s’approprier ce qui lui appartient de fait : l’espace public.
On pourra se répandre en arguties juridiques infinies pour détailler les motifs casuistiques et jésuitiques de cette forfaiture du Conseil Constitutionnel, mais cela n’aura pas grande utilité pour comprendre ce qui se joue véritablement ici.
Une partie non négligeable de la population cautionne cette bascule dans la Société de Surveillance, par inculture, par confort petit-bourgeois, par haine de classe aussi, souvent par désir bourdieusien d’afficher sa «distinction», par besoin obscène de se montrer toujours du côté du pouvoir, et parce que, disons-le clairement, le goût de la liberté n’est plus une priorité pour beaucoup de gens.
L’enjeu de ce Passe de la Honte n’est en rien sanitaire et en tout politique. Les pitreries vestimentaires de ce qui nous tient lieu pour encore quelques mois de Président de la République aisément grimé en influenceur prépubère sont là pour le démontrer pour qui ne le comprendrait pas.
Le but est donc celui-ci : quoi qu’il puisse se passer (et toutes les données mondiales témoignent de la très rapide redescente de ce pseudo tsunami grippal), le pouvoir macronien cherche à montrer qu’il ne recule pas devant les décisions les plus clivantes et les plus arbitraires possibles. Il ne cherche pas à convaincre les récalcitrants ou sceptiques face au vaccin : il cherche à parler à son possible électorat pour lui rappeler qu’il demeure bien le même que celui qui a fait éborgner les Gilets Jaunes sans le moindre scrupule. Ses récentes déclarations afin de dénoncer les manifestants anti-passe sanitaire sont faites de cette matière-là, de celle dont on fabrique les LBD : tourner perversement les mots de la langue, contourner la sémantique démocratique pour lui faire dire le contraire de ce qu’elle signifie.
Ainsi, on le sait, la privation de liberté devient la liberté, et la paix c’est la guerre etc, on connaît la chanson. On s’adresse en vérité à un électorat en période pré-électorale. Rien de plus, rien de moins. Et l’on compte pour cela d’une part sur certains boomers nombrilistes terrifiés à l’idée de leur propre finitude, mais également sur certains jeunes, politiquement et philosophiquement incultes, de ceux qui abondent aux time-lines stupides de la «Start-Up Nation» managériale avec un petit frisson pseudo-subversif toléré le vendredi en friday wear dans quelque after-work en roof top où l’on boira des cocktails-smoothies à la mangue et au poulpe. So hype. So fun. So cool.
Le scénario de la «radicalisation» des manifestations était quant à lui déjà écrit d’avance et, ainsi que je vous l’avais déjà indiqué dernièrement, la seule et unique façon de combattre ce passe indigne et d’obtenir sa disparition le plus rapidement possible, c’est de frapper les collaborateurs au porte-monnaie, car c’est la seule chose à laquelle les médiocres et les macronnards accordent une valeur: l’argent. Il convient donc clairement de BOYCOTTER autant que possible non pas la vaccination pour tous ceux qui le souhaitent (et dont je fais partie), mais les lieux qui collaborent à ces mesures indignes.
Enfin, au plan institutionnel, il faut bien comprendre que nous avons quitté les rives de l’État de droit depuis déjà belle lurette. Il est inutile de chercher à répondre aux petits macronnards qui vous expliquent en ricanant que «la dictature ce n’est pas ça». D’abord parce que ces gens sont stupides et feignent de penser que tous les modèles de dictature sont enfermés dans le carcan des systèmes totalitaires des années 1930 auxquels ils ne manquent toutefois jamais de faire abondamment référence, dans leur fascination obsessionnelle pour la réduction ad hitlerum (qui leur a permis la conquête du pouvoir avec sa rhétorique à deux balles). Nous sommes en 2021 et il est bien évident que la dictature peut désormais se déployer selon des schémas entièrement renouvelés, armés notamment par le soft power, les technologies numériques et les médias de masse aux airs faussement cool et pseudo-pluralistes : à ce sujet, ceux qui ont pu observer la dérive de CNews au cours de l’été auront compris qu’il n’y a pas de réel contrepouvoir médiatique au sein du mainstream et de la Société du Spectacle qui, à la manière de l’antimatière extrême-centriste, absorbe tout en son sein pour le faire disparaître et non pour en révéler le Sens. D’autre part, parce que dans «Dictature Sanitaire », il y deux mots : cela signifie une Dictature DU sanitaire, une dictature PAR le sanitaire, et non pas une dictature comme ça toute seule sortie du chapeau. Il est à noter que cette obsession sanitariste convient parfaitement à ceux qui ne manquent pas, par ailleurs, de se livrer à tous les tripatouillages nihilistes de la bioéthique post-moderne : aucun paradoxe là-dedans mais au contraire une parfaite cohérence. L’humain comme matériau.
Enfin parce que, justement, il n’y a plus de contrepouvoirs en France : le Parlement ne sert plus à rien et la forfaiture du Sénat sur le Passe Sanitaire l’a encore démontré (on ne va pas te licencier, tu comprends, on va juste te priver de ton salaire, puisque tu vas au travail juste pour te marrer avec tes potes, mais pas vraiment parce que tu as besoin d’argent pour faire vivre ta famille), comme il l’avait démontré lors du Traité félon de Lisbonne entérinant la sécession des élites consécutive au «non» du référendum de 2005. Le Parlement est clairement là désormais, non pour représenter le peuple, mais pour le trahir en tant que de besoin, au service du pouvoir exécutif.
Les pouvoirs locaux ne résistent qu’à la marge. La magistrature est couchée du côté d’un manche dont elle lèche le pommeau abondamment depuis des années, il n’y a plus rien à attendre de ces gens-là, pour ne rien dire du Conseil d’État qui se tient depuis des années à genoux avec le croupion bien en l’air.
Il faudra du reste bien se souvenir de tout cela lorsque le nettoyage des écuries d’Augias (façon Mitterrand en 1981) sera de mise pour remettre la démocratie en place.
Bref, la solution sera politique, à supposer que les scrutins ne seront pas truqués par le recours au vote électronique, non plus que par un nouveau coup d’état médiatico-judiciaire.
Il me reste donc à vous souhaiter bon courage et haut les coeurs…
Anne Sophie Chazaud