Présidentielles: la logique de discipline en marche?

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Dans son ouvrage de 2010 “la logique de discipline” le professeur Alasdair Roberts analysait ainsi l’évolution de la “démocratie occidentale”: les choses sérieuses sont confiées au marché (la gestion des infrastructures de la mondialisation, la finance, etc. ) et deviennent des questions de rationalité de gestion apolitiques, qu’on ne saurait questionner pour les soustraire aux errements des peuples, ce que “le système” appelle désormais improprement le “populisme”. Le reste, car il faut bien un reste, est réduit à un “concours de beauté“.

La campagne présidentielle française illustre de manière parfaite cette évolution, mais “le système” n’en est pas pour autant à l’abri de surprises.

Il y a deux camps très nets dans cette campagne: Le camp euro-atlantiste qui est celui du  “système” aligne cinq candidats, et “les autres”.

Revue des troupes

Le camp euro-atlantiste, dit “le système”

Le général en chef du système est bien sûr Emmanuel Macron qui en est un pur produit. “Produit” en ce que sa personne un produit de l’oligarchie (haute-administration, banque d’affaire, finance mondialisée…) mais surtout produit fabriqué pour l’occasion. La stratégie est maintenant claire: François Hollande avait enfin réalisé la fusion parfaite des programmes des pseudo droite et gauche dans une soumission servile aux injonctions de l’Union européenne et de l’Otan. Son discrédit, lié tant à sa politique qu’à la médiocrité du personnage, étant total, “le système” décida d’officialiser la fusion de l’UMPS et de présenter un candidat unique supposé venu de nulle part, ou plutôt sorti de Gala et des magazines people, jeune, beau avec l’apparence du nouveau. Le nom de son mouvement exprime à merveille l’injonction de “bougisme“, selon l’expression popularisée par Pierre André Taguieff: l’important est d’être “en marche”, on ne sait pas vers où, mais tout cela marche avec des discours vides fabriqués avec les algorithmes de logiciels prétendant traduire les préoccupations de l’opinion. “Le feux çà brule”, “l’eau çà mouille”, le discours macronien est une suite de truismes  d’un candidat qui est par définition “d’accord avec vous”, à tel point, fait rare dans les annales des meetings politiques, qu’on a vu des participants quitter ses meetings devant la vacuité du télévangéliste. La bulle se dégonfle, souhaitons qu’elle explose et nous épargne la présidence de ce nouveau naufrageur.

François Fillon avait fait une belle campagne pour les primaires, en mettant l’accent sur son opposition aux réformes sociétales des bobos de droite et de gauche et mobilisant l’indignation contre l’instauration du mariage “pour tous” et du bouleversement de la filiation qu’il impliquait. Réforme emblématique du néolibéralisme, le “pourtoussisme” s’est attaqué à la dernière ligne de défense d’une société sommée de se sacrifier sur l’autel de la marchandise. François Fillon a trompé les sondeurs en s’appuyant sur le mouvement “la manif pour tous” et a renvoyé à leurs petites affaires l’islamophile Alain Juppé et l’affairiste Sarkozy. Deux de moins. Bien décidé à faire élire Hollande II, “le système” a sorti les “affaires” complaisamment offertes par le candidat qui a révélé ainsi, outre un amateurisme certain,  son total manque de scrupules et son goût immodéré pour l’argent. Le fait qu’une partie de l’opinion préfère en fin de compte “un candidat corrompu mais compétent” à une “classe politique” totalement corrompue mais incompétente, en dit long sur l’état de décrépitude de l’esprit civique en France… Mais si Fillon tient, c’est précisément qu’il reprend les thèmes des opposants au système sur les questions sociétales, de l’immigration et de la sécurité et confronte les oligarques de son propre parti, prêts à le sacrifier à la vindicte médiatique pour sauver leurs places.

On ne peut que glousser de contentement de l’effondrement de Benoit Hamon, le candidat de la gauche éparpillée façon puzzle. Le “programme” de ce candidat est la synthèse de toute l’abjection de ce que sont devenues les “idées de gauche”: légalisation du cannabis et parodie de revenu universel – une idée qui aurait son intérêt mais ô combien dangereuse à manier. Fumette anesthésiante et assistanat, voilà le programme de la partie la plus dégénérée des soutiens du système. J’ai analysé cela dès 2001 dans “Gouverner par le Bien commun” et Jean Claude Michea a brillamment disséqué l’arnaque de ce qu’est “la gauche”. Inutile d’en dire plus.

Un mot des bouffons trotskistes qui ne sont là que pour apporter une caution, bien faible, à un système représentatif qui ne représente plus que lui-même et qui a besoin de présenter des “révolutionnaires” pour étayer sa crédibilité. Soutien à la construction européenne, à l’interventionnisme américain en Syrie, immigrationistes à tout crin, ces idiots même plus utiles tentent d’apporter la caution de l’internationalisme hérité de la tradition communiste à la mondialisation financière. Un accessit à ce pauvre Poutou et son QI de 40 qui pense qu’arriver dépenaillé à un débat et être grossier est un signe d’appartenance à la classe ouvrière. J’ai été élevé dans les mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, animés par les organisations ouvrières,  communistes et chrétiennes. Jamais un tel comportement n’a fait partie des valeurs populaires et ouvrières. Régis de Castelnau a dit ce qu’il y avait à dire de ce pitre méprisable.

Le camp républicain

Improprement appelé “souverainiste” alors que le principe même de république est  la souveraineté. C’est la grand surprise de cette campagne qui semble se refuser à n’être qu’un concours de beauté: Sept candidats sur onze contestent le système européen et atlantiste et l’ogre mondial néolibéral, attestant que la construction européenne comme horizon indépassable de l’avenir de l’humanité a du plomb dans l’aile. Mais si les idées républicaines sont majoritaires, les troupes sont pour le moins divisées.

Marine Le Pen a réussi à opérer le virage d’un parti lancé par la gauche euro-atlantiste au pouvoir pour servir de repoussoir et assurer la réélection des oligarques. Mais Frankenstein est sorti de sa cage, a cessé de faire des jeux de mots foireux et s’est doté d’un vrai programme. Celui-ci, élaboré avec le concours d’éléments particulièrement brillants et compétents comme Philippe Murer et Jean Messiha, est de qualité, malgré le besoin compulsif de reprendre çà et là de vieilles lubies de l’arrière boutique du FN. Un programme que l’on aurait en d’autres temps classé “à gauche” car reprenant, en gros, le programme du CNR, ce qui rend les accusations de “fascisme” totalement ridicules. Le fascisme, ce sont les bandes armées dans la rue qui tabassent les opposants. Les seules que l’on voit ce sont celles de l’extrême-gauche, qui, sous leur rhétorique habituelle, servent le système. Mais le problème du FN reste cette arrière boutique d’une organisation qui compte encore des restes de l’OAS et d’apologistes de l’assassinat du Général de Gaulle, comme Tibaut de Bougrenet de la Tocnaye, fils d’un des organisateurs de l’attentat du Petit Clamart. De quoi en refroidir plus d’un (dont moi).

Jean-Luc Mélenchon est une des révélations de cette campagne. Il a choisi de la mener sur le mode de l’éducation populaire, parlant avec justesse des problèmes qui sont ceux des Français, allant au-delà de son électorat traditionnel de profs d’histoire-géo syndiqués et d’enseignangnans jamais contents. Il parle de la vraie vie et on ne peut l’écouter sans émotion. Il a changé: il réconcilie une vieille gauche doctrinaire avec la nation, le drapeau tricolore et la Marseillaise. Le bouffeur de curé qu’il se complaît de jouer se réfère même à des concepts issus de la théologie chrétienne comme le Bien commun et brandit le rameau le dernier dimanche avant Pâques! On peut changer, mais ce n’est pas une raison pour oublier son passé et ses déclarations absurdes antérieures sur la catastrophe qu’a été la victoire  de Charles Martel sur les arabes à Poitiers! Et je n’oublie pas les persécutions de ses sbires contre Etienne Chouard, alors qu’il se convertit aujourd’hui à des formes de démocratie directe. Il y a d’autres raisons de douter de Mélenchon: l’entreprise est absente de ce programme. Il reprend le discours de la vieille gauche fonctionnarisée pour qui la production de richesses est un processus spontané et naturel qu’il ne s’agitait que de répartir. Enfin, la présence à ses côtés de bolchéviques de salon comme Clémentine Autain et Danielle Simonet qui trimballent le poncifs les plus éculés du gauchisme mondain n’est pas pour séduire. Et l’idée d’une réforme constitutionnelle concomitante avec la sortie des traités européens ne se justifie pas et alourdit inutilement la barque. Bref, malgré son talent de bateleur et la qualité de son discours, Mélenchon ne convainc pas quand on entre dans le détail.

Nicolas Dupont-Aignan est une autre révélation grâce à TF1 ! Mais son mérite fondamental est la qualité de son programme qui a résulté d’un processus collectif réunissant des professionnels de haut niveau,  animé par Eric Anceau qui a fait un travail de grande qualité. Il est sorti de l’ambiguïté où le cantonnait son obsession de se distinguer du FN avec ce mot d’ordre absurde “Ni système, ni extrême“. A-t-on jamais vu un leader reconnu pour ce qu’il n’est pas plutôt que pour ce qu’il est? Son expérience de 20 ans comme maire le mieux élu de France, la crédibilité et la sincérité de son discours en font un candidat crédible. TF1 l’a rendu hargneux, ce qui l’a aidé à sortir de son image de jeune homme trop bien élevé! Il frappe juste et bien.

Dernière surprise, François Asselineau. Il était venu me voir il y a une dizaine d’années quand il envisageait de créer son nouveau parti. Je ne l’ai pas suivi en raison de sa haine viscérale et hors de raison envers Nicolas Dupont Aignan. Il a patiemment construit son parti par une ascèse toute janséniste qui lui permet de maîtriser par cœur tous les articles des traités européens, heureusement égayés de proverbes chinois. Un parcours strictement inverse de Dupont Aignan, il part de l’Etat quand NDA part de la Commune, et s’inscrit dans une perspective présidentielle rigoureuse.  La querelle de l’art. 50 qu’il soulève à chaque instant n’a pas grand sens: les stratégies de sorties évoquées par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et NDA sont des stratégies, voire des tactiques, pour mettre le système en déséquilibre face à l’opinion dont il s’agit de gagner le soutien face à l’Organisation de Bruxelles (comme l’appelait Maurice Allais). Ajoutons qu’appliquer l’art. 50 à la sortie de l’euro est absurde, comme l’a relevé Jacques Sapir: une discussion de deux ans, comme en Angleterre (qui ne change pas de monnaie) aurait une influence néfaste sur les mouvements spéculatifs de capitaux. Une monnaie se change en un weekend et en décrétant des vacances bancaires pour stabiliser les flux internationaux de capitaux. En tout cas, il faut saluer ce travail d’éducation populaire qui rencontre un succès mérité et que l’on a plaisir et intérêt à écouter.

Ces candidats sont d’accord sur  trois points:

    • Instaurer le référendum d’initiative populaire
    • Sortir de l’UE et de l’OTAN
    • Rétablir les fondamentaux du programme du Conseil National de la Résistance.

Face à un péril majeur, des partis qui se combattaient ont su constituer un front uni face à l’ennemi principal, ce que propose Jacques Sapir. Le Kuomintang cessa un temps de jeter les communistes chinois dans les chaudières de locomotives pour constituer le “Front uni anti Japonais” … et reprirent leur guerre après la victoire. Est-il trop de demander à ces candidats de cesser de s’insulter (Mélenchon se ridiculise en classant Asselineau et NDA à l’extreme droite) et de cesser de combattre un fascisme imaginaire quand la seule tyrannie est actuellement celle de la finance mondialisée, pour faire triompher l’essentiel? Il semble que oui et que les égos, les sectarismes, les querelles de bébé, ne soient pas prêts de s’effacer devant les urgences de l’heure.

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