Au moment ou madame Van der Layen fanfaronne, du haut de ses 30 000 euros mensuels (nets d’impôts puisqu’elle est exonérée d’impôts) prononce un pompeux “discours sur l’état de l’Union” pour être sure d’être bien conforme au Président des Etats-Unis, Alain Juillet, professionnel éprouvé de l’intelligence économique, fait un portrait réaliste de l’état de notre pays qui a l’avantage de définir les défis à relever pour tenter de le redresser.
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Ancien Directeur du renseignement à la DGSE de 2002 à 2003, Alain Juillet a ensuite occupé, jusqu’en 2009, les fonctions de Haut responsable à l’intelligence économique, rattaché au Premier Ministre. Conseiller au Cabinet Orrick Rambaud Martel, il est également Président de l’Académie d’Intelligence Économique.
Nous sortons du Covid appauvris par le plus important accompagnement social d’Europe et une politique sanitaire très contraignante, s’appuyant sur un vaccin dont l’efficacité dans la durée semble relative. L’honnêteté oblige à se comparer à la Suède, qui n’a rien imposé et a obtenu finalement les mêmes résultats sans casser sa dynamique économique. De toutes manières, il fallait faire un choix dont la responsabilité fut déléguée à un Comité scientifique.
L’absence de remise en cause de notre organisation de la santé, dans laquelle la gestion prime les soins – les administratifs sont 34 % contre environ 25 % en Italie Allemagne ou Espagne -, a montré combien la France a du mal à se réformer pour retrouver ses fondamentaux.
La carence du système de cogestion éducative qui nous fait descendre chaque année dans le classement Pisa des pays européens n’a toujours pas permis d’entamer une véritable réforme pour reconstruire sur des modèles ayant fait leurs preuves ailleurs.
L’insécurité galopante, qui va de l’incivilité et du refus d’obtempérer au règlement de compte ou aux embuscades contre la police et les pompiers, montre que plus personne ne craint l’application de la loi par une justice souvent idéologique et toujours débordée.
À force de rogner sur les budgets, notre Armée ne peut mener une guerre conventionnelle au niveau des munitions, des effectifs et surtout des moyens de combat dans la durée. Conçue pour des projections dans des pays étrangers en développement, elle y a pourtant fait preuve de son efficacité militaire malgré des lacunes dans l’information et la relation avec les autochtones.
On pourrait ajouter l’immigration, qui doit être contrôlée et choisie pour assurer les tâches, de serveur à médecin de campagne, que nos concitoyens ne veulent plus faire car elles sont trop dures ou trop contraignantes.
Enfin, on ne peut ignorer l’évolution climatique dans un monde qui est passé de 1,5 milliard d’individus en 1900 à 8 milliards aujourd’hui. Il est temps de remplacer l’écologie idéologique égoïste et punitive, prônant la récession pour tous, par l’écologie humaniste qui fait confiance à l’homme pour trouver des solutions intelligentes adaptées au changement climatique. Plutôt que la voiture électrique qui transfère la pollution sur les populations des pays producteurs de terres et de métaux rares ce sont les pièges à carbone et le basculement vers l’hydrogène qui sont les solutions d’avenir.
Pour dépasser la confrontation sur ces sujets essentiels, il faut une vision à moyen et long termes, du courage, de la ténacité et ne pas utiliser les institutions européennes comme un paravent. Malheureusement, les déclarations de nos gouvernants montrent quotidiennement que l’État refuse d’affronter la réalité des problèmes en substituant la magie du verbe à la réalité de l’action. C’est ainsi qu’on agite le hochet des retraites et on multiplie les “Grenelles de…” pour focaliser l’attention sur le futur ou botter en touche au lieu de régler les vrais problèmes du moment. “Il est important que tout bouge pour que rien ne bouge“, disait le Comte Salinas dans Le Guépard.
EDF est en quasi-faillite parce que, depuis longtemps, nos politiques l’ont utilisé pour satisfaire les ONG idéologiques et les écologistes totalitaires. S’appuyant sur la transition énergétique allemande qui se révèle un énorme échec avec une production en énergies nouvelles juste équivalente à celle de leurs centrales à charbon, ces derniers nous ont imposé le remplacement du nucléaire, énergie la moins chère et la plus décarbonée, par des énergies renouvelables, en sacrifiant sur l’autel de la vertu climatique les plus pauvres d’entre nous et la compétitivité de nos entreprises. Pour y arriver, on a imposé à EDF d’acheter beaucoup plus cher que sa propre production ces nouvelles énergies qui déstabilisent en fonctionnant à temps partiel. Évidemment, le prix du Kilowatt/heure a explosé mais, pour que le consommateur soit apparemment préservé, l’État a imposé un blocage des tarifs pour lutter contre l’inflation en reportant son paiement à plus tard. La réalité nous a rattrapé : par suite des pertes abyssales et pour éviter la catastrophe, l’État va renationaliser et refinancer EDF avec des taxes et des impôts payés par tous les Français. Pendant ce temps, alors que Bercy assurait que c’était impossible, l’Allemagne et l’Espagne n‘ont pas hésité à baisser la TVA sur le gaz. Le choix d’un rabais de 30 centimes sur l’essence permet de garder beaucoup plus d’euros dans les caisses de l’État.
La guerre en Ukraine est le fruit de l’incapacité franco-allemande de faire respecter les accords de paix négociés à Minsk en 2014 et 2015 dont ils étaient les garants. Il est vrai que, depuis 2014, les néoconservateurs américains avec l’OTAN ont tout fait pour qu’elle éclate. Quand le 24 février, à la Munich Security Conference, le Président Zelensky a franchi la ligne rouge en annonçant sa volonté d’être dans l’OTAN et de nucléariser l’Ukraine, il ne faut pas s’étonner que 5 jours plus tard les Russes aient lancé leur opération dans la précipitation en espérant faire tomber Kiev en 3 jours sur une erreur d’analyse de leurs Services de renseignement. Une base de l’OTAN à Odessa à 300 km de Sébastopol serait à la même distance que La Havane de Miami pour ceux qui se souviennent de l’Affaire de Cuba en 1962 où les Américains ont failli déclencher une guerre mondiale avant que les Russes ne décident de retirer leurs missiles.
Pour soutenir l’Ukraine, l’Amérique, riche de l’expérience acquise dans plus de 52 interventions militaires dont 22 guerres depuis 1945, lui a livré à partir du 29 février l’équivalent de 20 % du budget de défense français car elle ne veut pas faire la guerre directement. Cela tient sans doute au déséquilibre sur les armes spéciales hypersoniques que l’on ne sait pas arrêter, sur lesquelles elle est en retard par rapport aux Russes et aux Chinois, tout comme elle est obligée de soutenir Taiwan jusqu’en 2025 où elle aura une usine de semiconducteurs de dernière génération sur le sol US pour couvrir ses besoins.
Comme l’avait compris le Général de Gaulle, accepter le prix de la liberté n’est pas de suivre aveuglément l’OTAN, surtout après l’avoir annoncé en état de mort cérébrale. Appliquer des séries de sanctions successives, imaginées par les États-Unis et relayées par la Présidente de la Commission européenne, sans comprendre qu’elles pénalisent et affaiblissent essentiellement l’Europe, montre une carence dans l’analyse stratégique. L’absence de débat parlementaire sur des décisions de cette gravité pose question. L’effondrement de l’économie russe annoncé comme objectif par notre ministre des Finances se révèle un échec démontré par l’euro qui a perdu 20 % face au dollar tandis que le rouble progresse. Il est temps de faire un point réel et sans parti pris sur leur impact pour la France et les Français.
En réalité, nous sommes au coeur d’un conflit de valeurs et de principes qui oppose le monde unipolaire regroupé autour des États-Unis et le reste du monde qui ne supporte plus l’impérialisme américain et souhaite un monde multipolaire. L’expérience de ces 30 dernières années montre que la mondialisation est bénéfique pour les élites et le commerce international avec des conséquences très négatives pour le reste : elle rend les riches plus riches, les pauvres plus pauvres et fait disparaitre la classe moyenne. L’affaire ukrainienne a joué le rôle d’accélérateur quand la grande majorité des pays, en commençant par les BRICS, ont refusé d’appliquer les sanctions et certains ayant même commencé à trouver des alternatives au dollar comme monnaie de référence.
Pour préserver un système mondialiste qui leur donne un pouvoir absolu, nos politiques ne veulent pas comprendre que cette évolution du monde vers une multipolarité, dans laquelle tous les groupes de pays peuvent s’exprimer et agir, est une formidable opportunité pour l’Europe du Sud et la France en particulier. Elle nous permet de retrouver une réelle souveraineté dans nos choix et nos relations de tous ordres, y compris avec l’Europe. La libération de la parole, certes brouillonne, et le débat d’idées dans un Parlement qui retrouve son rôle législatif et politique sont une première ouverture, mais on peut faire confiance à notre administration pour retarder les décrets d’application de lois perturbant l’ordre établi.
De 2002 à 2005, le Chancelier Gerhard Schröder, constatant que l’Allemagne était derrière la France, s’est comporté en homme d’État en lançant toute une série de réformes fondamentales qui en ont fait la première puissance européenne. Il a été battu à l’élection suivante par Angela Merkel qui a bénéficié durant 17 ans du sacrifice de son prédécesseur. L’un comme l’autre avait compris les avantages de la multipolarité, bien que la Chancelière ne soit pas allée jusqu’au bout en se focalisant dans la défense sur l’OTAN et les États-Unis, l’économique avec la Chine, les énergies avec la Russie, tout en exploitant le marché de libre échange européen.
Aujourd’hui, les Américains utilisent, au-delà de la Russie, l’Ukraine et le gaz de schiste pour affaiblir l’Europe et casser la puissance allemande qui devenait trop indépendante. Avec un couple franco-allemand qui n’existe plus, subissant les diktats de pays du Nord qui n’ont pas les mêmes intérêts, devons-nous trembler devant les menaces démagogiques du Président Zelinski et nous aligner sur une Amérique qui veut garder son leadership par tous les moyens ?
Au début de la cinquième République, nos présidents, de Pompidou à Mitterrand et Chirac, avaient une vision à long terme et un amour de leur pays qui ont amené les premiers à lancer des projets industriels fédérateurs et porteurs d’avenir. Ils savaient tenir tête aux plus grands pays quand l’intérêt du nôtre était en jeu. Ils ne tremblaient pas d’assumer les conséquences de leurs actes. C’étaient des hommes d’État qui savaient dépasser la politique politicienne quand l’avenir de la France était en jeu. La situation actuelle donne à notre pays une formidable opportunité d’exister en affirmant nos spécificités et notre capacité d’action dans un monde multipolaire. En dehors de la Grèce, ce n’est pas en Europe et chez nos alliés occidentaux que nous vendons nos Rafales et nos sous-marins, et ce ne sont pas quelques Caesar qui vont sauver l’Ukraine. Il est temps de reprendre notre destin en mains en affirmant nos spécificités mais, pour cela, il faut que nos politiques abandonnent le pilotage à vue et la phobie du risque pour devenir des hommes et des femmes d’État.