«Jésus est pédé», la raillerie très sélective des rebelles officiels de France Inter

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J’ai déjà dit tout le bien que je pensais d’Anne-Sophie Chazaud qui incarne cette nouvelle génération de chroniqueuses talentueuses s’exprimant en excellent français pour décrire avec une dent dure mais juste l’abjection dans laquelle sombre la France, ou plutôt ses “élites” au premier rang desquelles les journalistes. Quand j’étais étudiant et même jusqu’il y a encore une vingtaine d’années, mon bonheur était d’écouter France-Inter. J’y fus invité pour raconter mes aventures dans l’Himalaya. Aujourd’hui France Inter est non eulement une radio de propagande  qui ne cesse de vômir sur la France qui est – par nature – toujours “en retard” (Ach, l’Allemagne!) mais atteint des niveaux insondables de vulgarité.

La dernière trouvaille “humoristique” de cette Radio est cette chanson qui est censée être une oeuvre de ces rebellocrates. Les rebellocrates sont ceux qui jouent aux rebelles au sein de l’ordre établi pour lu!i donner un air un tantinent subversif.

Il faut écouter cette chanson que je diffuse ci-dessous, et surtout l’analyse percutante d’Anne Sophie Chazaud...

CR

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FIGAROVOX/TRIBUNE – Cinq ans après Charlie, un chroniqueur de France Inter défend la liberté d’expression à travers une chanson «subversive» sur… Jésus. Anne-Sophie Chazaud y voit une provocation facile, et ratée.

Par Anne-Sophie Chazaud

Anne-Sophie Chazaud est philosophe, haut-fonctionnaire et auteur d’un livre à paraître chez L’Artilleur consacré à la liberté d’expression.

La semaine écoulée fut celle, triste et poignante, de commémoration des 5 ans de la tuerie islamiste qui décima la rédaction du magazine satirique Charlie Hebdo en cette journée de janvier 2015 restée de manière traumatique dans toutes les mémoires.

Ce fut l’occasion, pour de nombreux observateurs, journalistes, philosophes, humoristes, intellectuels, caricaturistes, écrivains, de faire le point sur l’état dans lequel se trouve la liberté d’expression, et notamment satirique, avec le recul d’un temps décanté qui fut marqué, force est de le constater, non pas par un sage ressaisissement des principes démocratiques fondamentaux dont cette liberté constitue le pilier, mais au contraire par une accumulation toujours plus grande de tueries, d’actes de terreur, de reculs et renoncements effectifs sous forme de pressions diverses. Et ce constat, terrible: depuis la tuerie, plus aucune caricature de Mahomet n’est de fait possible. Pressions militantes, censures activistes, pusillanimité des pouvoirs publics, lois liberticides (songeons par exemple que l’exposé des motifs de la loi Avia contenait, avant une saine levée de boucliers, la notion de délit d’ «islamophobie», réhabilitant de facto celui de blasphème pour lequel fut versé le sang des journalistes de Charlie).

Une courageuse geste satirique et poétique à nulle autre pareille…

Face à ce péril et n’écoutant que son courage, l’équipe de troubadours officiels de la radio de service public France Inter a choisi précisément cette semaine pour manifester sa brave résistance contre la révérence rétrograde aux préceptes religieux. Ainsi le baladin multirécidiviste Frédéric Fromet qui s’était déjà distingué en commettant la chanson «Elle a cramé la cathédrale» quelques jours après l’incendie dévastateur de ce haut lieu du catholicisme mais aussi du patrimoine national, s’est-il fendu cette fois-ci d’un ardent «Jésus, Jésus, Jésus est pédé» (sur l’air de l’inoubliable scène «Jésus reviens» du film La Vie est un long fleuve tranquille).

Comme à l’accoutumée en de telles circonstances où il s’agit d’attaquer de manière monomaniaque la religion chrétienne, on pouvait entendre tout à loisir les gloussements d’un plateau esbaudi devant tant d’audace au son de paroles d’une exceptionnelle finesse, telles que «du haut de la croix, pourquoi l’avoir cloué, pourquoi l’avoir pas enculé». Cette courageuse geste satirique et poétique à nulle autre pareille intervenait pour manifester toute l’indignation de circonstance de nos fiers résistants de la liberté d’expression, non pas contre le péril qui décima leurs confrères de Charlie et tant d’autres centaines de leurs concitoyens, non, mais pour s’indigner de la censure brésilienne frappant une série télévisée Netflix intitulée La première tentation du Christ, mettant en scène des penchants homosexuels de Jésus, et finalement autorisée par la Cour Suprême du pays après quelques batailles et hésitations judiciaires dans un pays multiconfessionnel mais très majoritairement catholique.

On comprend naturellement qu’il soit urgent de s’indigner pour un danger inquisitorial et réactionnaire menaçant le lointain Brésil désormais coupable de tous les maux pour avoir mal voté, puisqu’aucune censure ne saurait en effet trouver de justification en régime démocratique, mais on s’amuse de ce qu’il suffisait, quitte à s’émouvoir, de regarder dans son propre pays avant de donner des leçons aux antipodes, d’ouvrir les yeux autour de soi et de simplement écouter les débats qui se sont tenus en cette triste semaine commémorative à défaut d’avoir de réelles convictions.

Car, s’il est loisible (voire philosophiquement souhaitable) à quelque humoriste que ce soit de railler avec impertinence la religion – ce qui, en dépit des outrances auxquelles ce genre d’expression donne inévitablement lieu, constitue une très solide tradition française -, on peut légitimement s’interroger sur les objets de raillerie très sélectifs de nos troubadours de l’humour officiel. On imagine la vaillance, le courage indéfectiblement chevillé au corps de cette fine équipe qui, pour défendre ardemment ce beau principe bafoué de manière répétée par la terreur islamiste, s’est motivée sans l’ombre d’une hésitation pour réaffirmer ses valeurs, mais tout de même bien à l’abri de la religion du père Hamel, pour plus de prudence. Il ne faudrait pas aller jusqu’à risquer sa peau, tout de même…

Cette même semaine, de nombreux lieux de culte chrétiens ont fait l’objet de dégradations, statues détruites, églises vandalisées.
En admettant par ailleurs que cette saillie drolatique digne d’un mauvais remake post-moderne du film Ridicule ne soit rien d’autre qu’une plaisanterie légère sans conséquence (et pour cause), on est en droit de s’interroger sur l’absence de pluralisme dans les cibles répétées de cet humour facile, pluralisme qui, rappelons-le, constitue l’un des impératifs sur lesquels se fonde la concession du service public audiovisuel, financé avec l’argent de l’auditeur-contribuable, et pour le compte duquel notre valeureux Assurancetourix intervient régulièrement.

Le hasard, mais aussi désormais la routine antichrétienne, ont par ailleurs voulu que cette même semaine, de nombreux lieux de culte chrétiens ont fait l’objet de dégradations, statues détruites, églises vandalisées, dans la relative indifférence qui est désormais de coutume. Il est en revanche apparu urgent à nos indignés de studio de produire sur les ondes une chanson du meilleur goût sur Jésus. Là encore, le courage et l’à-propos se manifestent avec magnificence puisque l’on comprend bien l’ardente nécessité qu’il peut y avoir à tirer sur une ambulance.

On aurait pourtant aimé entendre la même irrévérence déployée, en particulier cette semaine-ci, à l’égard du Prophète pour la caricature duquel tant de vies talentueuses de notre humour gaulois sont morts dans le sang de la manière la plus abjecte. Les défenseurs de cette pathétique séquence, qui ne manquent pas de stigmatiser une réaction de «la droite et l’extrême-droite», arguent, pour faire bonne figure, du fait que le même baladin s’était fendu, après les attentats, d’une chanson intitulée «Coulibaly Coulibalot» (sur l’air de Bali Balo) ponctuée du refrain «Ah ah Allah hou Akbar! Les fous de dieu sont des tocards». Quelle débauche d’audace!

Imagine-t-on la radio de service public assumer des paroles identiques (du reste complètement stupides) appliquées au Prophète Mahomet en lieu et place de Jésus? Aussitôt, le monde s’embraserait, comme ce fut le cas pour les caricatures danoises, il y aurait des morts, les pouvoirs publics alerteraient sur la nécessité de se montrer «responsables», de «ne pas jeter de l’huile sur le feu», de «ne pas provoquer»… Cette chanson-là, cette chanson du pleutre, on ne la connaît que trop. Et c’est exactement en raison de cette peur atavique des petits baladins appointés que la religion catholique sert de facile dérivatif à la veulerie généralisée.

Il est indispensable de ne pas attaquer cet imbécile moment de radio en excipant de son caractère blasphématoire.
Il n’est pas question de juger de la stupidité (réelle) de cet humour pas très évolué, que l’on qualifierait assez volontiers de tocard, car, dans le fond, le principe de la liberté d’expression ne saurait tolérer d’évaluations de cette nature dans l’appréciation de son principe. Comme l’affirme Noam Chomsky: «la liberté d’expression ne se divise pas». Cette énième saillie appelle toutefois, dans ce registre, deux observations: est-il normal que le service public audiovisuel, qui n’est pas un organe de presse indépendant, se prête à l’agression verbale devenue systématique envers une catégorie de ses auditeurs? La neutralité et une certaine réserve ne sont-elles pas, dans ce cas, de mise, à la différence de ce qui prévaut dans un média indépendant et privé? Par ailleurs, on notera que ces paroles feraient l’objet, en toute autre circonstance, d’une incrimination et d’un procès en sorcellerie homophobe. Rappelons par exemple que la valeureuse ministre des sports Roxana Maracineanu avait défrayé la chronique il y a quelques mois en revendiquant l’interruption des matchs de football lorsque des paroles comportant le mot «enculés» étaient entonné dans les gradins, tout en s’étant prudemment tue quant à la condition des homosexuels en terre islamique du Qatar, organisateur de la prochaine Coupe du Monde. Là encore, l’indignation est à géométrie variable selon que le danger correspond à un présupposé idéologique et sociétal bien confortable ou un réel péril pour lequel on risquerait de perdre beaucoup d’argent et, accessoirement, sa vie.

Pour toutes ces raisons, il est indispensable de ne pas attaquer cet imbécile moment de radio en excipant de son caractère blasphématoire, sauf à réintroduire soi-même ce délit d’arrière-garde dont les militants de l’islam politique auraient tôt fait de s’emparer. Il convient en revanche de souligner avec force d’une part le deux-poids, deux-mesures désormais caricatural qui règne en la matière sans que le contribuable ne soit jamais consulté, et d’autre part l’absence totale de courage réel dont témoigne cette irrévérence de pacotille.

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