Délocalisation, un mauvais choix: le cas d’Apple

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Apple, la délocalisation, l’emploi

 

L’article de Charles Duhigg et Keith Bradsher (« How U.S. Lost Out on iPhone Work », The New York Times, 21 janvier 2012) explique pourquoi, tandis qu’Apple n’emploie directement que 43 000 personnes aux États-Unis et 20 000 dans d’autres pays, 700 000 autres travaillent principalement en Chine pour produire ses iPhones, iPads etc.

90 % des centaines de composants que contient un iPhone sont produits hors des États-Unis : les semi-conducteurs proviennent d’Allemagne et de Taïwan, les mémoires de Corée et du Japon, les écrans et le câblage de Corée et de Taïwan, les puces d’Europe, les terres rares d’Afrique et d’Asie. L’ensemble est monté en Chine.

Ce ne sont pas les bas salaires qui expliquent la préférence donnée à la Chine car produire l’iPhone aux États-Unis laisserait à Apple une marge bénéficiaire confortable : alors que chaque iPhone lui procure un profit de plusieurs centaines de dollars, le coût de production unitaire ne serait augmenté que de 65 $. Pour les entreprises des TIC le coût du travail est d’ailleurs secondaire en regard du coût des composants, de la capacité des entreprises à accroître et réduire leur taille rapidement et de la souplesse des approvisionnements.

L’explication réside dans une meilleure organisation des entreprises et une meilleure disponibilité des compétences : on trouve en Chine, contrairement aux États-Unis, beaucoup d’ingénieurs de niveau Bac + 4. Tandis qu’il aurait fallu six mois pour trouver aux États-Unis les 8 700 ingénieurs nécessaires pour encadrer les 200 000 ouvriers qui produisent les iPhones, il a suffi de quinze jours en Chine.

Ce réservoir de compétences procure aux entreprises chinoises la flexibilité qui leur permet de tenir le rythme imposé par une succession rapide d’innovations et de versions des produits. Elles sont capables de démarrer très vite, de produire en quantité selon un flux soutenu, puis de s’arrêter brusquement et de se réorganiser sans délai s’il faut lancer une autre production.

C’est cette souplesse qui permet à Foxconn Technology d’assembler à Shenzhen, pour des donneurs d’ordre comme Apple, Amazon, HP, Dell, Motorola, Nintendo, Nokia, Samsung, Sony etc., 40 % de la production mondiale des biens de consommation électroniques.

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Que reste-t-il donc aux États-Unis ?

Le logiciel de l’iPhone y a été conçu, ainsi que les innovations de sa campagne de vente. Apple a construit en Caroline du Nord un « data center » qui a coûté 500 millions de dollars, mais il n’emploie que 100 personnes à temps plein. Ses semi-conducteurs les plus complexes sont produits au Texas par une usine de Samsung, mais elle n’emploie que 2 400 ouvriers.

La conception des produits des TIC est d’ailleurs « à coût fixe » : si une fabrication passe chez Apple d’un million à trente millions d’unités, cela ne nécessite pas d’embaucher davantage de programmeurs.

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Il ne suffit pas d’embaucher des Américains pour produire aux États-Unis : il faudrait transformer l’ensemble de l’économie et même la société car les États-Unis ne forment plus en nombre suffisant les personnes ayant les compétences nécessaires : les Américains semblent avoir perdu ce goût pour l’ingénierie qui faisait naguère leur succès.

On observe cependant qu’Apple a aujourd’hui plus de salariés qu’avant aux États-Unis et que son succès a profité à l’économie en créant des emplois dans des activités de service comme les réseaux mobiles et la distribution, notamment chez FedEx et UPS.

L’article du NYT n’indique pas le nombre de ces emplois mais on comprend que pour faire le bilan d’une délocalisation il ne convient pas de se focaliser sur la seule production des biens : il faut aussi considérer les services que le produit nécessite et donc, si l’on sait bien s’y prendre, comporte.

C’est l’une des leçons que cet article suggère. En voici une autre : la clé du succès reste lamaîtrise de l’ingénierie – mais alors qu’il s’agissait naguère de celle de la mécanisation, il faut maintenant maîtriser l’ingénierie de l’informatisation.

Nota Bene : on trouvera d’utiles informations sur Apple, Foxconn et la relation de sous-traitance dans Charles Duhigg et David Barboza, « In China, Human Costs Are Built Into an iPad », The New York Times, 25 janvier 2012.

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