De Sigmaringen à Raspoutine

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Le préfet de police qui se défausse sur le ministre de l’intérieur qui n’est au courant de rien, un Premier ministre absent, un prince président qui fanfaronne… Rien ne va plus au gouvernement. Cela n’est pas sans rappeler la décomposition du gouvernement de Vichy délocalisé à Sigmaringen pour cause de défaite où les ministres et partis politiques qui ne gouvernaient plus rien et ne représentaient plus que leur propre décrépitude s’entre-déchiraient dans un théatre d’ombres.

Mais au-delà de l’affaire Benalla, la question sans réponse à ce jour est: qui l’a déclenchée? Benalla c’est Raspoutine, cet intrigant qui avait acquis un rôle clé auprès de la tsarine au point de dresser contre lui l’aristocratie et le pouvoir militaire. Il fut assassiné par le prince Felix Ioussoupov. Mais qui est Ioussoupov aujourd’hui? Enfant chéri et créature des oligarques, le jeune prince s’est attaché durant sa première année de présidence à s’engager dans la destruction systématique des accquis du CNR.  Il commençait à détricoter ce qui reste – pas grand chose – de la Constitution de 1958 pour en faire une chose à sa petite mesure, qu’il est hors de question, le Frankenstein neurasthénique qui fait office de ministre de la justice l’a déclaré, hors de question de soumettre au vote du peuple français, ce qui est ni plus ni moins qu’un coup d’Etat par la loi, le Parlement n’ayant pas compétence pour changer la loi fondamentale. Pour donner une idée de cette réforme, était en débat le jour où celui-ci a été arrété, un amendement de l’UDI imposant à la France de prévenir l’Union européenne en cas d’engagement militaire à l’étranger. Outre qu’un tel détail, qui est de l’ordre d’un règlement de copropriété définissant l’heure de sortie des poubelles, n’a rien à faire dans une constitution, cela en dit long de l’éternel esprit de Vichy qui anime nos oligarques.

L’activisme de M. Macron n’est donc pas pour déplaire à ses maîtres. Alors pourquoi? La révélation de l’affaire est venue de la presse contrôlée par les oligarques: Le Monde et Libération, et même la presse pipole laisse tomber  le couple présidentiel. Il y a de l’eau dans le gaz. Lancé comme un produit, le jeune Macron a séduit par son absence de programme et quelques postures les classes instruites nourries de mots-clés du modernisme managérial, excédées par la succession de vulgarité des présidences Sarkozy et Hollande.

Cela est-il suffisant? Grâce à Mélenchon et à sa pseudo “France insoumise”, à son dogmatisme, son sectarisme et son soutien sans faille à l’icône de la politique des oligarques – l’accueil de migrants pour contribuer, précisément, à la destruction de notre système de protection sociale – un scénario à l’italienne d’une victoire d’un mouvement populiste (rappelons que ce terme définit, depuis Thomas Paine dans l’Amérique du XVIII° siècle à la contestation du tsarisme en Russie au XIX°, le désir du peuple de gérer ses propres affaires et de se défier d’une démocratie représentative qui n’est que celle des représentants ) est impossible. Il n’y a aujourd’hui aucune opposition en France, aucun leader susceptible d’incarner un changement de régime. Le ridicule et l’indécence du jeune prince, notamment dans ses déplacements à l’étranger, incommoderaient-ils ses maîtres au point qu’ils désirent en changer?

Une autre option est le mécontentement dans l’armée, constamment humiliée, et dans la police, sommée de ne pas réprimer les racailles. L’incident de l’erreur dans les couleurs de la patrouille de France le 14 juillet était-il une erreur volontaire? On ne sait.

Mais laissons à l’avocat Régis de Castelnau le soin de faire le point.

CR

Macron : Une erreur de casting ?

Par Régis de Castelnau

Source : Vu du droit, Régis de Castelnau, 27-07-2018

Emmanuel Macron semble avoir décidé de traiter ce que l’on appelle « le Benallagate » avec sa désinvolture habituelle. Cet homme trop sûr de lui ne semble pas comprendre grand-chose à la politique. Pour s’être frotté à quelques oligarques, il s’imagine que le président de la République n’est qu’une sorte de PDG aux pouvoirs de potentat. Ses dernières saillies de cour de récré, d’abord en forme de bras d’honneur avec la phrase « qu’ils viennent me chercher ! »,et ensuite avec la bravade sur sa fierté d’avoir embauché son gorille, outre qu’elles sont objectivement consternantes, constituent autant d’erreurs tactiques.

Ne jamais négliger les signaux faibles

Qu’on le veuille ou non, la première a provoqué la réponse du juge d’instruction, le lendemain, avec la perquisition dans les bureaux de l’Élysée. Hérésie juridique à laquelle il était dans l’incapacité politique de s’opposer. Encore bravo ! Et ce comportement, fruit d’un mélange de narcissisme puéril et de mépris social a nourri depuis quelques semaines l’hypothèse de l’erreur de casting. Les interventions de certains de ses parrains, à commencer par le premier des oligarques français, François Pinault, suivi par les gardes flancs que sont Jacques Attali et Alain Minc, témoignent de leur perplexité, face, non pas à ce que le jeune roi ferait, mais à la façon dont il le ferait. Le choix du terme « insurrection » par Minc n’est sûrement pas dû au hasard. Emmanuel Macron fit répondre à Pinault par Ferrand de manière insultante. Il a eu tort, oubliant qu’il ne faut jamais négliger les signaux faibles.
C’est pourquoi il faut essayer de comprendre le pourquoi de la volte-face du journal Le Mondejusque-là soutien assidu d’Emmanuel Macron, qui a envoyé un sacré missile avec la révélation de l’existence et du comportement du chouchou du président. Ne nous laissons pas impressionner par les éléments de langage des godillots, et la risible invocation de l’article 73 du code de procédure pénale. Il faut quand même rappeler la brochette de graves infractions manifestement commises à cette occasion. De façon inattendue, quelques heures après la victoire en Coupe du Monde de football, en pleine période de congés d’été, l’étincelle lancée a embrasé la plaine.
Que s’est-il passé ? La première interrogation c’est la raison du missile du Monde, ceux d’Ariane Chemin ne sont jamais gratuits. Les rafales de révélations qui ont suivi dans les deux jours montrent bien que le dossier était prêt. Et ne pouvait être seulement le fruit d’un travail de journaliste d’investigation. Règlement de comptes au sein de la sphère policière ou opération de plus grande envergure visant à affaiblir durablement le chef de l’État ? Impossible de répondre aujourd’hui, mais il est clair que quelqu’un a appuyé sur un bouton. Et qu’à la surprise générale de nombreuses forces par effet d’aubaine se sont mises en mouvement et ont convergé pour en faire une affaire d’État.

Parce que c’était leur projet

On rappellera à ce stade que la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de 2017 est le fruit d’un ensemble d’éléments dont quelques-uns relèvent de l’opération concertée. Il y a le choix d’Emmanuel Macron par la caste de la haute fonction publique de l’inspection des finances – incarnée par Jean-Pierre Jouyet -, l’appui de l’oligarchie, l’incroyable soutien médiatique, et des moyens financiers considérables. Mais surtout le raid judiciaire organisé par le couple infernal Parquet national financier (PNF) et Pôle d’instruction du même nom contre la candidature de François Fillon. Lancé par Le Canard enchaîné, il a vu une partie de l’appareil judiciaire conduire une procédure à une vitesse sans précédent pour ce type d’affaires. En liaison, de façon grossière, avec la presse destinataire en urgence de pièces tronquées. Que Fillon ait été un mauvais candidat choisi par la primaire, et qu’il se soit défendu comme un manche n’est pas contestable. Cela ne change rien et s’il se trouve des gens ignorants ou de mauvaise foi pour le contester, tous les professionnels sérieux du monde judiciaire savent à quoi s’en tenir : le comportement du PNF et du Pôle financier était destiné à détruire le candidat de la droite républicaine. La seule question qui reste posée aujourd’hui est de savoir si la volonté des acteurs était de détruire Fillon présenté quasiment comme de droite extrême, ou de créer les conditions pour faire élire Emmanuel Macron. L’étonnante complaisance affichée par les mêmes instances par la suite vis-à-vis de l’entourage politique de celui-ci pourrait amener à retenir la deuxième hypothèse. En l’état, personnellement je ne choisis pas.

Macron en mode Jeff Tuche

Le résultat a été de fausser le premier tour de l’élection présidentielle et de permettre à Macron de devenir président de la République grâce à moins de 18% des inscrits au premier tour qui était le seul qui comptait. Cette opération, qui a amené à l’Élysée un candidat inconnu et improbable au CV politique particulièrement léger, et à l’Assemblée une cohorte de parlementaires incompétents, a bien sûr particulièrement brutalisé les mondes politique et administratif existants. Emmanuel Macron est comme quelqu’un qui a gagné une fortune au Loto. Il est persuadé que ce sont ses qualités et non un concours de circonstances qui l’ont amené là. Ce concours de circonstances qui a imposé la fusion des deux composantes du bloc bourgeois, la nationale et la mondialiste. Comme l’avait fait à sa façon Valéry Giscard d’Estaing en 1974 quand il s’était débarrassé de Jacques Chaban-Delmas pour accéder à la présidence. Et comme rêvait de le faire Alain Juppé. Contraints et forcés, les loden-barbours qui avaient choisi Fillon à la primaire LR avaient dû se rallier, sans enthousiasme, voire avec résignation.
Narcissisme, ego boursouflé, autoritarisme et absence de véritable culture politique, Emmanuel Macron a adopté des comportements et des attitudes qui ont transformé, pour les battus, les humiliations en exaspération. Notamment devant le comportement incroyable de suffisance de la petite caste de ses amis, verrouillés dans le bunker de Bercy. Plus récemment, la gay pride pornographique dans la cour de l’Élysée, l’exhibitionnisme gênant de la célébration de la victoire en Coupe du Monde de football, le retour au galop d’un sociétalisme que les bourgeois de province exècrent, et quelques autres incidents ont sérieusement fissuré ce bloc bourgeois dont il ne faut pas oublier que le ralliement de la partie nationale fut contraint et forcé. En son sein, beaucoup des perdants de l’année dernière, battus aux législatives par des chèvres, sont avides de revanche. Il ne fallait pas croire non plus que cette façon de gouverner en solitaire entouré d’une petite poignée d’affidés et de favoris peu recommandables n’allait pas heurter l’administration française. Un État est aussi un monstre administratif, il ne se réduit pas à trois bureaux à l’Élysée et quelques petits marquis répartis entre la rue du Faubourg Saint-Honoré et Bercy.

La facture de la mystification de 2017 ?

Finalement, la révélation du journal de Matthieu Pigasse est entrée en résonance avec une sorte de climat insurrectionnel. Non pas au sein des couches populaires, qui en général détestent Macron mais pour l’instant comptent les coups, mais plutôt dans des secteurs divers de la bourgeoisie, des couches moyennes et de l’administration. Personne n’a envie de prendre les armes évidemment, mais on sent la rage et l’envie de régler des comptes. Et ce d’autant que, pour l’instant, le bloc populaire est divisé et les partageux silencieux. Le jeune roi se verrait-il présenter la facture de la mystification de 2017 et de son comportement ?
Que peut-il se passer maintenant ? Il est impossible de le prévoir. Mais l’on peut déjà constater que l’autorité de cette Assemblée nationale est anéantie et qu’il sera difficile pour le pouvoir de poursuivre sa destruction de la Constitution et son programme d’atteintes aux libertés. C’est déjà une bonne nouvelle. L’une des clés de la suite réside aussi dans l’attitude de la justice. Car la diversion de l’Élysée qui tend à focaliser sur la « faute » commise par Benalla ne devrait normalement déboucher que sur une impasse. Le problème ne réside pas dans les violences exercées par celui-ci, mais dans le fait qu’il fut présent en violation de toutes les règles, et en commettant avec d’autres plusieurs infractions invraisemblables. Et ça, c’est la responsabilité d’Emmanuel Macron. Qu’ensuite ce favori au comportement douteux ait pu bénéficier, ce qui est le problème essentiel, de tout un tas d’avantages, dont certains loufoques, et en tout cas illégaux et inacceptables, par la seule volonté du prince, sans qu’aucun fonctionnaire d’autorité ne fasse son devoir en s’y opposant… Mais qui sont ces gens ?

La justice peut retrouver son honneur

Et que, de la même façon, les infractions commises par Benalla aient été couvertes par l’Élysée… Pas de dénonciation au parquet, absence évidente de sanction au contraire de ce qui nous est dit, poursuites des agissements du gorille. De tout ceci, les personnes concernées devront en répondre. Devant la justice, si celle-ci fait son devoir. Je considère pour ma part qu’avec le raid Fillon et le soutien apporté par la hiérarchie et les syndicats de magistrats à l’opération, l’institution judiciaire s’est lourdement déconsidérée l’année dernière. Elle ne s’est pas reprise avec les complaisances dont ont bénéficié les amis d’Emmanuel Macron.
Avec l’affaire Benalla, qui n’est en fait qu’une affaire Macron, et l’intérêt enfin porté par les juges d’instruction au comportement de Madame Pénicaud à la tête de France business, il semble tout de même qu’il soit possible de faire preuve d’un peu d’optimisme…

Source : Vu du droit, Régis de Castelnau, 27-07-2018


Macrongate : Le petit roi et son mépris du droit, par Régis de Castelnau

Source :Vu du Droit, Régis de Castelnau, 23-07-2018

La presse nous rapporte ce qu’aurait déclaré, en garde à vue, celui que beaucoup appellent désormais « le gorille à Manu ». La première chose qui frappe, c’est l’étonnant culot dont il fait preuve. La seconde, c’est qu’il est clair qu’il a été dûment chapitré et que la stratégie de la Macronie sera de semer la confusion en espérant continuer à profiter de la complaisance dont elle a bénéficié d’une partie du haut appareil judiciaire. C’est la raison pour laquelle il est utile sinon indispensable de revenir sur un certain nombre d’aspects essentiels de la partie qui se joue aujourd’hui. D’autant plus essentiels qu’ils constitueront les enjeux du débat judiciaire. Or, avec un exécutif aujourd’hui plaqué au sol et un législatif transformé en cirque, la justice est le seul des trois pouvoirs dont on puisse espérer qu’il sera capable de rester à peu près debout.

Gare au « gorille »

Le jour du déclenchement du scandale, après avoir vu la vidéo des faits, nous avions établi la nature des infractions qui devaient être reprochéesà Alexandre Benalla et le caractère inadmissible de la protection dont il avait bénéficié après ses exactions. Le feuilleton qui se déroule désormais nous apporte une révélation toutes les heures sur le statut et les avantages délirants, et manifestement indus, dont bénéficiait le « gorille ». Chacun de ces faits doit faire l’objet d’une analyse juridique qui permette d’en caractériser l’aspect pénalement répréhensible, et d’en identifier les auteurs.
Dans la mesure où les événements que nous allons étudier ont fait l’objet de décisions prises par des fonctionnaires dans le cadre de structures hiérarchiques, rappelons les principes de responsabilité qui gouvernent cette matière.
Tout d’abord, en application de l’article 28 de la loi sur le statut de la fonction publique, le fonctionnaire est tenu à un devoir d’obéissance. Assorti d’un devoir de désobéissance si l’ordre qui lui est donné est manifestement illégal. L’article 122–4 du Code pénal exonère le fonctionnaire auteur d’une infraction accomplie sur ordre à la condition qu’il n’en ait pas connu le caractère illégal. Apparemment accordés à la demande d’Emmanuel Macron, les avantages dont a bénéficié Monsieur Benalla ont fait l’objet pour chacun de décisions administratives. Tous les fonctionnaires impliqués sont donc responsables et il est indispensable qu’ils en répondent.

Viens chez moi, j’habite chez un copain

Premier exemple, la rémunération exorbitante (environ 10 000 euros par mois) perçue par l’homme de main, selon Le Parisien. S’agissant de fonds publics, il est clair qu’il ne peut y avoir d’arbitraire dans la fixation de la rémunération des collaborateurs de l’Élysée. De ce que l’on comprend aujourd’hui, le montant était directement lié, non pas à l’utilité de la mission, mais à la faveur du prince. Celle-ci ne saurait servir de support à une décision régulière. Les chiffres qui circulent dans la presse sont effectivement complètement excessifs, et peuvent encourir les foudres de l’application de l’article 432–15 Code pénalrelatif au détournement de fonds publics. Le président de la République et ses collaborateurs, et notamment son chef de cabinet, sont responsables du maniement des fonds publics dont ils sont dépositaires. Les engagements de dépenses doivent être conformes à l’intérêt public et non pas le fruit de faveurs voulues et dispensées par le chef de l’État. Emmanuel Macron sera protégé par son immunité présidentielle. Ce n’est pas le cas de son directeur de cabinet qui a dû signer le « contrat de travail » et saisir le comptable public de l’engagement des dépenses correspondant à la rémunération. Il est indispensable qu’il en réponde dans le cadre d’une procédure judiciaire. Ceci n’a rien de fantaisiste, on apprend par un télescopage du calendrier, que Maryse Joyssains, maire d’Aix-en-Provence,vient d’être condamnée pour avoir promu indûment son chauffeur et fourni à ses proches des emplois de complaisance !
Deuxième exemple, le logement de fonction. Accordé, rappelons le, le 8 juillet dernier, alors même que les communicants de l’Élysée, empêtrés dans leurs mensonges, nous affirment que le « gorille à Manu » était puni. Dans la fonction publique, concernant les logements de fonction, en application du décret du 9 mai 2012, il existe deux régimes de « concession de logement». D’une part, celle par « nécessité absolue de service » qui impose au fonctionnaire une disponibilité totale, et ne donne pas lieu à perception d’une contrepartie, c’est-à-dire d’un loyer. D’autre part, une concession avec paiement d’un loyer, pour les fonctionnaires qui sans être assujettis à la nécessité absolue sont tenus d’accomplir un service d’astreinte. Il est clair que Monsieur Benalla, au statut complètement flou, ne rentre dans aucune des catégories. Et que l’on ne nous parle pas de sécurité, celle-ci est assurée dans le cadre de la loi républicaine par le Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), composé de fonctionnaires formés. Qui a pris la décision d’attribuer ce logement ? Quelle modalité a été choisie ? Quelle est la justification de cet avantage en nature ? Monsieur Benalla est-il assujetti au versement d’un loyer en application des stipulations du décret du 9 mai 2012 ? Si cette attribution, ce qui est fort probable, est contraire à la réglementation, l’article 432–15 du Code pénal trouvera encore à s’appliquer. Même motif, même punition pour celui qui a signé sur ordre le contrat de bail.

Aux armes, etcaetera

Parlons maintenant de la pseudo-sanction infligée au faux policier après ses exploits place de la Contrescarpe. Il apparaît d’ores et déjà que les soi-disant mise à pied et rétrogradation sans salaire n’ont jamais été appliquées. Qu’en est-il de la rémunération? Le bruit court qu’elle aurait quand même été versée, contrairement à ce qui a été dit. Et pourquoi donc ? À la demande de qui ? Encore le 432–15 ? Cela devient une habitude. Il serait bien de s’en expliquer devant un juge d’instruction.
Il y a également l’attribution au « gorille » d’un permis de port d’armes. Autorisation invraisemblable, mais manifestement sur ordre du château après un premier refus circonstancié de la préfecture de police. Tout simplement parce que les conditions juridiques n’étaient probablement pas réunies. Qu’à cela ne tienne, le prince cède à son homme qui rêve depuis longtemps d’être « enfouraillé ». Comme le démontre la lecture des «Macronleaks », il en avait formé la demande pendant la campagne présidentielle. La valeur juridique de cette nouvelle autorisation mériterait d’être regardée de près. Son grand ami Vincent Crase, le salarié du parti LREM, s’est quant à lui passé de l’autorisation légale puisqu’il parade, place de la Contrescarpe, avec un flingue bien visible sur les photos et les vidéos. Sous les yeux des policiers vrais et faux mélangés que ça n’a pas l’air de gêner. Port d’arme prohibé, et de première catégorie, excusez du peu. Là aussi, il serait intéressant de savoir pourquoi et comment des civils aussi douteux que nos duettistes peuvent se promener ainsi armés jusqu’aux dents. Cela relève des investigations d’un juge d’instruction.

Et ça continue encore et encore…

Nous avons ensuite l’hérésie d’attribuer un pass d’entréedonnant accès à tous les locaux de l’Assemblée nationale et notamment à l’hémicycle (!) à notre homme de main qui ne pouvait bien sûr y avoir droit… Il serait intéressant que François de Rugy, le président de l’Assemblée nationale, vienne s’expliquer sur ce manquement gravissime, qui serait de nature à éclairer sur le dispositif qu’Emmanuel Macron commençait à mettre en place pour privatiser à son profit les services de sécurité de l’Élysée.
On parlera aussi de la fulgurante montée en graded’Alexandre Benalla (il était réserviste) dans la gendarmerie. Plusieurs fonctionnaires de police ont déjà été mis en garde à vue et mis en examen. Trois d’entre eux, aux grades conséquents, ont trouvé tout à fait normal de trahir leur secret professionnelet de mettre à la disposition d’une personne visée par la justice des éléments strictement confidentiels. Encore bravo !
La liste devrait normalement s’allonger. Alors à ce stade, à tous ceux qui, par cupidité, arrivisme ou lâcheté, ont prêté la main aux dérives voulues par le chef de l’État, on rappellera l’existence d’un autre article du Code qui les concerne tous. L’article 433-1 du Code pénal, celui qui réprime tous ceux qui ont pris des mesures pour faire échec à l’exécution de la loi. Tous les faits, toutes les manœuvres, tous les ordres qui viennent d’être décrits ci-dessus en relèvent.

Mais que fait la justice ?

Depuis déjà un moment, la justice s’est laissée déshonorer par les agissements de la juridiction d’exception du Pôle financier flanquée du Parquet national financier (PNF). Outil politique acharné à fausser l’élection présidentielle, d’abord contre Nicolas Sarkozy puis contre François Fillon. Outil dirigé plus récemment contre le Rassemblement national.Il semble symétriquement avoir servi d’étouffoir dès lors que des choses très gênantes pouvaient être reprochées aux amis du Parti socialiste ou à la Macronie. Que sont devenus Kader Arif, Bruno Leroux, Faouzi Lamdaoui ? Où en sont les affaires Ferrand, Collomb, Las Vegas, les irrégularités financières grossières de la campagne électoraledu candidat Macron ?
En allant au fond des choses, le parquet de Paris et les juges d’instruction du même tribunal ont l’occasion de commencer à reconstruire une crédibilité et une légitimité lourdement entamées auprès de l’opinion. Il serait vraiment opportun de la saisir. Pas sûr que l’histoire repasse les plats.
Quant au président de la République, il pourrait apparaître comme l’auteur initial, et par conséquent le responsable, de tout ce que le scandale vient de mettre au jour. Sachant que ce n’est probablement pas fini. À l’abri de son immunité, il va peut-être enfin faire un peu l’expérience du fait que la politique est d’abord et avant tout un rapport de force.
Son inconséquence l’a singulièrement isolé et il pourrait faire l’expérience de l’ingratitude des hommes, et de leur capacité à rapidement chercher des passerelles pour quitter le navire.
Source :Vu du Droit, Régis de Castelnau, 23-07-2018


Affaire Benalla : Le Code Pénal ? Pour quoi faire ?

Source : Vu du droit, Régis de Castelnau, 19-07-2018

Le comportement d’Emmanuel Macron est désarmant de sincérité. Le président de la République affiche un narcissisme permanent et infantile auquel vient s’ajouter un étonnant sentiment d’impunité. Et avec lui, aucune relâche, nous avons droit tous les jours à un épisode destiné à nourrir notre stupéfaction devant l’absence de limites du personnage. Il y a eu l’épisode qui a suivi la victoire française en Coupe du Monde de football, occasion à laquelle Emmanuel Macron a été incapable de se maîtriser, en a fait des tonnes de façon gênante, avant de signifier son égoïsme méprisant avec la confiscation de la descente du bus sur les Champs-Élysées. « Moi d’abord, les autres ne sont rien. »

Une sanction ridicule

Il y a maintenant l’incroyable affaire qui concerne une espèce de « garde-du-corps-porte-flingue-conseiller » à l’Élysée auprès du chef et dont on apprend qu’il joue les nervis en allant casser du passant dans les rues de Paris. Une vidéo nous montre Monsieur Alexandre Benalla profitant d’un temps libre pour revêtir les signes liés à la fonction de policier et passer à tabac les gens qu’il soupçonne d’être des opposants à son patron. Au plan juridique, judiciaire et administratif, cette affaire est d’une gravité exceptionnelle. Elle s’est déroulée il y a plus de deux mois et demi et jusqu’à présent, la seule conséquence avait été une mise à pied de 15 jours de l’apprenti milicien !
Ce simple petit exposé suffit à provoquer une forme de sidération à la fois devant le comportement du « collaborateur », mais aussi devant celle de son patron administratif, le Secrétaire général de l’Élysée qui a pris cette sanction absolument ridicule. Et s’est surtout bien gardé d’accomplir les actes que lui impose l’article 40 du code de procédure pénale, c’est-à-dire de transmettre au procureur de Paris les informations dont il disposait. C’est presque pour moi la partie la plus importante du scandale en ce qu’elle caractérise l’incroyable et arrogant sentiment d’impunité de la petite caste qui entoure le chef de l’État.

Quand Benalla se déguise

Parce qu’à la vision de la vidéo, la commission d’un certain nombre d’infractions, semble-t-il, très graves saute aux yeux. Il apparaît tout d’abord que Monsieur Benalla a revêtu et porté des insignes (casque et brassard) tendant à le faire passer pour un policier dans l’exercice de ses fonctions. Premier délit prévu et réprimé parl’article 433-5 du Code Pénal.Imparable.
Ensuite, le même Monsieur Benalla, affublé de son déguisement, a exercé des violences contre des personnes visant à les faire passer pour des interventions des forces de l’ordre elles-mêmes. Il a donc lourdement violé les articles 433-12 et 433-13 du Code Pénalqui interdisent de s’immiscer dans une fonction publique réservée à son titulaire, et de le faire en introduisant une confusion dans l’esprit du public, et notamment par le port de cet uniforme. Cela s’appelle en bon français une « usurpation de fonctions ». C’est une infraction très grave.
Il suffit par ailleurs de regarder la vidéo pour constater que l’énergique collaborateur du président a exercé des violences illégitimes sur la personne de ces deux passants. Dont il semble bien qu’ils ne participaient même pas à la petite manifestation sur cette place de la Contrescarpe. Application de l’article 222–13 du Code Pénal,le « policier » de circonstance a, semble-t-il, bien commis les coups et blessures volontaires interdits par la loi. Le palmarès de notre paramilitaire 2.0 commence à sérieusement s’étoffer. Mais ce n’est pas fini.
L’auteur de la vidéo semble dire qu’Alexandre Benalla l’aurait menacé s’il s’avisait de la diffuser. De façon à la fois retenue et nuancée, il lui aurait lancé : « Si tu la diffuses, je te crame ! » Bien, bien, bien, comment interpréter cette menace ? Celui qui l’a lancé a fait la démonstration que la violence physique ne lui faisait pas peur et qu’il en avait même un certain goût. C’est que la loi fait une distinction entre les menaces de violence et les menaces de mort. Le tarif du Code pénal pour les menaces de mort, c’est plus cher.Alors « cramer » ?

Et la justice dans tout ça ?

Chacun ici connaît mon attachement au principe de la présomption d’innocence. Alexandre Benalla y a droit, comme tout le monde. Encore faudrait-il que la justice soit saisie. Et c’est là que se pose à mon avis le problème le plus grave dans ce qui vient de se produire. L’inertie dont a fait preuve le Secrétariat général de l’Élysée à cette occasion constitue le cœur du scandale. Qu’Emmanuel Macron ait besoin d’un garde du corps n’est pas anormal, même si la qualité du recrutement renvoie à la légèreté du chef de l’État. Mais que l’administration ayant connaissance des faits et de leur extrême gravité ait jugé pouvoir s’en tirer, avec cette sanction administrative, caractérise un mépris de la loi et des règles inacceptable de la part de fonctionnaires de ce niveau.
Car, en effet, au-delà du caractère ridicule de ladite sanction administrative, il y avait l’obligation de transmettre au procureur la connaissance des faits de nature à constituer les graves infractions pénales que j’ai relevées. L’inobservation par un fonctionnaire de l’obligation qui lui incombe prévue par l’article 40 du Code de Procédure pénalen’est pas assortie de sanctions pénales dans le texte. Pour une bonne raison c’est que c’est une obligation administrative. Qui engage la responsabilité professionnelle du fonctionnaire et par conséquent celui qui ne la respecte pas encourt une sanction disciplinaire.
Le Secrétaire général de l’Élysée n’a plus rien à faire à son poste. Nous sommes bien sûrs que le prince lui demandera d’y rester. Sentiment d’impunité quand tu nous tiens.
Source : Vu du droit, Régis de Castelnau, 19-07-2018

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