Un couple hétéro interdit de mariage
Le mariage devait avoir lieu le 27 juillet prochain, mais un courrier de l’Elysée a réduit à néant le rêve des tourtereaux en leur rappelant que leur union était prohibée par la loi.En effet, Elisabeth fut précédemment mariée au père d’Eric qui la quitta en 2006. Elle continue cependant de côtoyer son ex-beau-fils (parrain de sa fille) qui travaille dans la même entreprise qu’elle. Tous deux se rapprochent et emménagent ensemble voici cinq ans avant de prendre, en novembre dernier, la décision de se marier. Or, la loi française interdit en effet le mariage entre beau-père et bru ou belle-mère et gendre, mais, bizarrement, pas celui entre beau-frère et belle-sœur. Imaginons qu’Eric se soit prénommé Erica. L’Etat aurait-il osé interdire le mariage entre Elisabeth et Erica au motif que la seconde fut naguère la belle-fille de la première ? On voit d’ici les réactions indignées d’associations, de médias et autres belles âmes chantres du «mariage pour tous», du moins s’il est homosexuel… On souhaite d’ailleurs bon courage aux magistrats en charge de ce type d’affaires quand elles se présenteront.
Elisabeth et Eric ont découvert les subtilités de notre Code civil en se rendant à leur mairie où on leur expliqua que l’interdiction visant leur union pouvait être levée, mais uniquement «sur dérogation du Président de la République» et «si l’ancien époux est décédé». Leurs demandes à François Hollande et Christiane Taubira sont longtemps restées lettre morte jusqu’à une réponse négative de l’Elysée voici peu. Néanmoins, le couple ne compte pas en rester là et s’apprête à aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme pour obtenir satisfaction en s’appuyant sur un précédent juridique. En 2005, la CEDH avait condamné la Grande-Bretagne pour avoir empêché un mariage et autorisé une union entre un beau-père et une belle-fille…
Vichy : interdit aux moins de treize ans
On a sans doute oublié que la loi permettant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, dite de façon charmante «mariage pour tous», ne levait pas pour autant les interdits pesant encore sur bien d’autres personnes. Par exemple, si l’inceste entre adultes consentants et non-mariés n’est pas puni par la loi dans l’hexagone, le mariage leur est prohibé. La polygamie est également interdite chez nous, même si elle existe. Rappelons aussi qu’il faut être âgé de dix-huit ans pour se marier sous nos contrées. Ces barrières juridiques – qui ne sont que le reflet de la «morale» et des interdits promulgués par une société à un moment donné – sont évidemment mouvantes et l’on voit mal comment elles pourraient résister longtemps aux arguments invoqués lors des débats sur le «mariage pour tous» : l’égalité et l’amour. Pourquoi en effet interdire le mariage entre beau-père et belle-fille ou belle-mère et beau-fils, d’autant que celui entre beau-frère et belle sœur est permis ? De même, alors que le mariage avec des mineurs est monnaie courante dans nombre de pays (ainsi que la polygamie), au nom de quoi maintenons-nous cette barrière arbitraire de dix-huit ans pour le mariage, d’autant que la majorité sexuelle dans notre pays est fixée à quinze ans ? On peut donc avoir des rapports sexuels en toute légalité à quinze ou seize ans avec un adulte (sauf si les notions d’ «ascendant» et d’ «autorité» interviennent), mais pas se marier avec lui.
Tout est relatif, comme dirait Einstein. Les textes de loi et les mœurs évoluent selon les époques et les sociétés et les nôtres seraient surprises de découvrir qu’elles demeurent parfois plus «répressives» que la France d’hier ou d’avant-hier. Ainsi, contrairement à une légende savamment entretenue par la gauche et les gens de «progrès», l’homosexualité n’a pas été pénalisée en France jusqu’en 1981, lieu commun ou mensonge servant à décréter que notre société serait foncièrement «homophobe». La loi du 4 août 1982 abolissait simplement la distinction dans l’âge du consentement entre hétérosexuels et homosexuels. L’âge fut fixé à quinze ans pour tous alors que la majorité sexuelle était jusque-là à dix-huit ans (depuis 1974) pour les hétérosexuels et à vingt-et-un ans pour les homosexuels, mesure décrétée par le régime de Vichy en 1942. En réalité, l’homosexualité avait été dépénalisée en France en… 1791. Nos «aïeux» étaient d’ailleurs bien plus «permissifs» que nous en matière de mœurs. En 1832, la majorité sexuelle était fixée à onze ans, avant d’être repoussée à treize ans en 1863. Vichy et son «ordre moral» se contentèrent de relever à l’âge de vingt-et-un ans la légalité des rapports homosexuels tandis que celui entre hétérosexuels restait à treize ans.
Extension du marché
Les «pour tous», les partisans de «l’égalité» et de «l’amour» ont encore du pain sur la planche. S’ils poussent leur raisonnement et leur logique au-delà d’une simple catégorie de la population (les homosexuels), il reste bien des «tabous», des «interdits», des «discriminations», des «injustices» à faire sauter. La gestation pour autrui (GPA) et la procréation médicalement assistée (PMA) seront les prochaines digues. La première est interdite à ce jour en France (bien qu’elle soit pratiquée), la seconde est encadrée et pour l’instant réservée aux couples hétérosexuels.
François Hollande s’était prononcé en avril 2012, dans un entretien au magazine homosexuel Têtu, en faveur de son accession aux couples homosexuels. Plus récemment, le ministre de la Famille préférait temporiser : «Il faudra en reparler dans trois ou quatre mois. Tant qu’il n’y a pas d’apaisement sur le mariage et l’adoption, on ne peut pas. Si c’est pour se réagiter, ça n’a pas de sens. Il faut peut-être que les premiers mariages aient lieu… Des couples vont sortir de l’ombre. Là, il y a trop de choses qui ont besoin d’être mûries.» Cela prendra six mois, un an ou deux, mais la GPA sera légalisée. Comme cela existe dans d’autres pays, des femmes loueront légalement leur ventre, feront des enfants comme on visse des boulons dans une usine (selon la désormais célèbre image utilisée par Pierre Bergé), accoucheront pour une poignée de dollars ou d’euros. L’Histoire retiendra que ce sera un gouvernement «de gauche» qui aura permis cette nouvelle étape de l’extension du marché dans les vies humaines. Une avancée sans limites ni frontières. Tout peut s’acheter. Au nom de «l’égalité», bien sûr. Cet autre nom qu’ont pris désormais l’argent et les «eaux glacées du calcul égoïste.»
Article paru dans l’édition du 21 juin 2013 | Par Christian Authier