La France des djihadistes et des Pokémons

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Je mets en ligne ce papier de Christian Authier qui peut le publier dans son hebdomadaire au nom bien parlant puisqu’il est effectivement indépendant et que la publication dans les médias mainstream lui aurait valu une volée d’épithètes aussi idiotes que méchantes, dont nos oligarques usent faute d’avoir une pensée et d’être capables de confrontation d’idées. Le relativisme promu par la gauche et à sa suite par notre droite qui tient à son titre d’être “la plus bête du monde”, a détruit depuis 1968 les fondements de ce qui fut la France, de ce qui est son identité, au profit d’une idéologie consumériste et mièvre promue par des crétins subventionnés, des journalistes aux ordres ou simplement applicant les principes qu’on leur a appris à “Sciences Po”, ce temple du positivisme où l’on croit que la politique est une science avant d’être une pratique de la sagesse, comme nous l’ont transmis les pères de la philosophie politique.

Il appartient de mettre à bas leur idéologie nauséabonde et de reconstruire les fondamentaux de cette nation, dont la description qu’en faisait Tocqueville reste d’actualité:

” Quand je considère cette nation en elle-même, je la trouve plus extraordinaire qu’aucun des événements de son histoire. En a-t-il jamais paru sur la terre une seule qui fut si remplie de contrastes et si extrême dans chacun de ses actes, plus conduite par des sensations, moins par des principes; faisant toujours plus mal ou mieux qu’on ne s’y attendait, tantôt au-dessous du niveau commun de l’humanité, tantôt fort au-dessus; un peuple tellement inaltérable dans ses principaux instincts qu’on le reconnaît encore dans des portraits qui ont été faits de lui il y a deux ou trois mille ans, et en même temps tellement mobile dans ses pensées journalières et dans ses goûts qu’il finit par se devenir un spectacle inattendu à lui-même, et demeure souvent aussi surpris que les étrangers à la vue de ce qu’il vient de faire; le plus casanier et le plus routinier de tous quand on l’abandonne à lui-même, et lorsqu’une fois qu’on l’a arraché malgré lui à son logis et à ses habitudes, prêt à pousser jusqu’au bout du monde et à tout oser; indocile par tempérament, et s’accommodant toutefois de l’empire arbitraire et même violent d’un prince que du gouvernement régulier et libre des principaux citoyens; aujourd’hui l’ennemi déclaré de toute obéissance, demain mettant à servir une sorte de passion que les nations les mieux douées pour la servitude ne peuvent atteindre; conduit par un fil tant que personne ne résiste, ingouvernable dès que l’exemple de la résistance est donné quelque part; trompant toujours ainsi ses maîtres, qui le craignent ou trop ou trop peu; jamais si libre qu’il faille désespérer de l’asservir, ni si asservi qu’il ne puisse encore briser le joug; apte à tout mais n’excellent que dans la guerre; adorateur du hasard, de la force, du succès, de l’éclat et du bruit, plus que de la vrai gloire; plus capable d’héroïsme que de vertu, de génie que de bon sens, propre à concevoir d’immenses desseins plutôt qu’à parachever de grandes entreprises; la plus brillante et la plus dangereuse des nations de l’Europe, et la mieux faite pour y devenir tour à tour un objet d’admiration, de haine, de pitié, de terreur, mais jamais d’indifférence? “

Conclusion de “L’Ancien régime et la Révolution”


L’islam radical nous a déclaré une guerre qui est aussi une guerre de civilisation et de valeurs.  Ces dernières semaines, exactement entre l’attentat de Nice et celui de Saint-Etienne-du-Rouvray, un phénomène de société a littéralement enflammé des centaines de milliers de Français : l’arrivée du jeu Pokémon Go qui permet via son téléphone portatif et une application de «capturer» des créatures virtuelles nées il y a des années d’un dessin animé japonais. Selon les spécialistes, le nombre d’utilisateurs de Pokémon Go devrait rapidement dépasser ceux de Twitter. On nous pardonnera de rapprocher des événements si tragiques et un fait apparemment si futile, mais ils contribuent ensemble à donner un tableau de la France d’aujourd’hui. Chez nous, en 2016, des individus sont obsédés par l’idée de tuer par tous les moyens les «mécréants», les «croisés», les «infidèles» (c’est-à-dire tous ceux qui ne veulent pas se soumettre à leur vision de l’islam) tandis que d’autres, bien plus nombreux et constituant par leur âge (essentiellement des 15-30 ans) les forces vives et l’avenir du pays, sont obsédés par l’idée de collectionner des icônes imaginaires.

Terroristes made in France

Depuis janvier 2015 et les spectaculaires attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, succédant à d’autres attentats annonciateurs (Merah) et précédant d’autres attentats encore plus meurtriers, une multitude d’analyses de journalistes, d’intellectuels, de politiques, de responsables religieux et autres a tenté d’éclairer, de comprendre, d’expliquer comment nous en étions arrivés là. Parmi cette foule d’interprétations, évidemment contradictoires, on entendit le classique discours culpabilisateur fait d’auto-flagellation et de repentance mettant en accusation la «France moisie», xénophobe, islamophobe, colonialiste, etc. D’Emmanuel Todd à Edwy Plenel en passant par toute une frange de la sociologie compassionnelle et du vieux tiers-mondisme dévoyé, on nous dit que la France était coupable et qu’elle subissait en retour les conséquences de ses fautes envers les «damnés de la terre» (populations issues de l’immigration, musulmans…).
De telles fariboles ne tiennent pas face à l’examen des faits. La plupart des auteurs des attentats qui nous ont frappé ces dernières années ont eu le privilège de naître ou de grandir dans un pays démocratique et développé, où l’école est gratuite et obligatoire, où l’État-Providence garantit un système de santé performant, des aides sociales, des indemnités chômage, la CMU, le RSA… Dans quel autre endroit de la planète auraient-ils eu autant d’atouts et de circonstances favorables pour construire une vie décente ? Par ailleurs, la France n’est pas un pays raciste et son histoire, en particulier au XXème siècle, nous montre qu’elle a été une formidable machine à créer des Français quelles que soient la couleur de leur peau, leur religion, leur origine. Bien sûr, comme dans toute société, il y a des racistes et des discriminations en France (bien moins que dans d’autres pays, notamment musulmans où les minorités et les femmes sont des citoyens de second rang, voire carrément persécutés), mais les véritables discriminations sont sociales et économiques. Que la France n’ait pas à se repentir de péchés imaginaires n’empêche pas toutefois un examen de nos responsabilités dans l’apparition de ces individus prêts à égorger, poignarder, mitrailler hommes, femmes ou enfants, ici et ailleurs comme en Syrie. Car ces jeunes terroristes et dijhadistes sont malgré tout made in France. Alors, que s’est-il passé, que s’est-il passé vraiment pour que le pays des Lumières et de la Raison, ce pays qui est aussi «la fille aînée de l’église», devienne l’une des matrices de soldats d’Allah, de kamikazes, d’assassins de masse ?

Génération décérébrée

En janvier dernier, le philosophe Michel Onfray déclarait dans une interview au Figaro Magazine : «Aujourd’hui, et ce depuis la gauche, on nous présente des modèles tragiques qui font rêver les jeunes : Bernard Tapie, la Rolex, la Ferrari, Cyril Hanouna, un joueur de foot qui donne des coups de boule, etc., alors qu’il y a soixante ans ou plus, un jeune rêvait d’être médecin, avocat ou professeur d’université, Jean-Paul Sartre ou Maurice Chevalier. Vouloir ressembler à Serge Reggiani ou à Yves Montand, c’est tout de même moins déshonorant que vouloir ressembler à Cyril Hanouna ! Il est donc logique que de nos jours, la kalachnikov devienne le rêve ultime. C’est la toute-puissance, car face à une kalachnikov, tout le monde obéit. On nous explique qu’il ne fallait pas parler du service militaire, de l’Éducation nationale, des valeurs de la République, car c’était “rance”, “moisi”, “nauséabond”, “vichyste”, “pétainiste”. Et pourtant, à ces jeunes, aujourd’hui, quelqu’un dit “tu vas honorer le drapeau”, sauf que c’est celui de l’État islamique, “et tu vas accepter l’autorité”, sauf que c’est celle des terroristes, et cela leur plaît. Alors que dans notre société, nous assistons à la disparition du père, disparu ou démissionnaire – remplacé par le père-copain –, et celle de l’autorité du maître d’école, menacé par tous les syndicats quand il hausse le ton, le jeune qui part au djihad apprend une nouvelle chose que finalement, il adore : “Tu vas fermer ta gueule, tu vas obéir et tu vas faire ce qu’on te dit de faire !” Il trouve enfin un idéal et des valeurs. Pas besoin d’être philosophe pour comprendre que s’il avait eu tout cela avant, il n’aurait pas eu besoin du djihad pour “s’épanouir”.»
Cette interview – comme d’autres d’Onfray – suscita une polémique car on l’accusa de suggérer un lien de cause à effet entre Hanouna – idole de la nouvelle télévision suivie par des millions de fidèles – et l’État islamique. Est-ce cependant stupide de considérer que des armes de distraction massive – comme les émissions particulièrement abêtissantes d’Hanouna ou le jeu Pokémon Go – ne sont pas totalement innocentes de l’œuvre de décérébration perpétrée par une certaine industrie du divertissement dans les démocraties marchandes ? Que le pays de Descartes et de Voltaire, de Molière et d’Hugo, de Jaurès et de De Gaulle, de Bernanos et de Camus (pour faire très court) soit devenu celui de Nabilla et d’Hanouna serait-il tout à fait anodin ? Que l’inculture et la vulgarité soient érigées en fiertés ne compterait pour rien ?

Valeurs morales

Oui, la France doit faire son examen et son autocritique. Quelles sont les valeurs de notre société, quels sont nos modèles ? Sur quoi se fonde le fameux «vivre ensemble» invoqué par nos politiques ? Quelles sont les valeurs de notre sacro-sainte République ? Que signifie la laïcité – elle aussi tant invoquée – quand certains quartiers de nos villes ressemblent à Islamabad ? Dans une tribune parue dans Le Monde le 29 juillet, Abderrahim Hafidi, universitaire et animateur de l’émission «Islam» sur France 2, appelait les musulmans à la suspension des prières dans les rues et invitait à «Comprendre que certains comportements vestimentaires, notamment le port de l’habit religieux, signifient pour nos concitoyens non musulmans un refus du vivre ensemble en se barricadant dans une posture d’exclusion.» Pour ne pas avoir été réactive et offensive face à un islam revendicateur et ostentatoire, notre laïcité s’est désarmée. Qu’est-ce que la France ? Qu’est-ce qu’être Français ? Qu’est-ce qui nous réunit au-delà de nos convictions et de nos croyances, de nos origines et de nos identités ? Qu’est-ce qui dépasse nos différences pour faire un  pays ? Nous ne pourrons faire l’impasse sur ces questions sous peine de  disparaître, en douceur ou dans la violence.
À la fin du XXème siècle, le capitalisme a triomphé du communisme. On ne pleurera pas ce dernier, mais cette victoire s’est notamment traduite par un arasement de valeurs morales élémentaires – solidarité, dévouement… – au profit du bonheur individuel, ou du moins d’une certaine idée de ce bonheur parfaitement incarnée par de célèbres slogans publicitaires : «Just do it», «Parce que je le vaux bien». C’était «la fin de l’Histoire». Les idéologies étaient mortes. Nous serions tous des «citoyens du monde» bercés par la main invisible du marché propageant la concorde dans le village global. Un nouvel ordre mondial instaurerait la démocratie et l’économie de marché. Le 11 septembre 2001 (après des avertissements passés inaperçus comme le djihad en Afghanistan et en Bosnie où s’engagèrent des volontaires venus du monde entier) sonna la fin de cette illusion lyrique. La civilisation n’était pas qu’occidentale et les religions n’avaient pas dit leur dernier mot.

Nihilismes

Malgré les nouvelles technologies et la révolution numérique, la suppression des frontières et l’avènement d’un «small world» où chacun est censé être relié à chacun, les identités et les racines ont survécu. Les individus et les peuples en ont un besoin naturel et vital. En France et en Europe, quelles sont nos racines et nos identités ? Nous n’avons pas osé les nommer ni les assumer, à l’instar de l’Union européenne jetant un voile pudique sur ses «racines chrétiennes». Nous avons alors avancé d’autres valeurs : l’individualisme consumériste et le point de croissance, la jalousie et l’envie. Un véritable désert moral, intellectuel et spirituel. Comment s’étonner alors que des gens (des désaxés, des délinquants, des déracinés, des cas psychiatriques, mais aussi des êtres en quête d’idéal et de repères) soient à la recherche d’autre chose ? Dont cet islamisme fou, criminel, dévastateur – tel le  fascisme ou le communisme avant lui – mais qui propose une réponse globale – sur terre comme au ciel – avec la promesse entre autres d’un paradis et de dizaines de vierges. Oui, une guerre se joue, ainsi que le répètent nos dirigeants. Cette guerre a évidemment une dimension militaire et sécuritaire. Elle a surtout, sur le moyen et le long terme, une dimension culturelle, intellectuelle, civilisationnelle. On ne vaincra pas le nihilisme djihadiste avec un autre nihilisme.

Article paru dans l’édition du 5 août 2016 | Par Christian Authier

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