Ce reportage diffusé sur Arte le 24 février 2014 décrit avec justesse la possibilité de manager une entreprise ou une administration intelligemment sans hiérarchie, sans petits chefs et sans bureaucrates qui vivent aux dépens des producteurs. Cela est le reflet des expériences de management que j’ai eues dans ma carrière en entreprise et que j’ai illustrées dans mon livre “gouverner par le bien commun“. La performance économique et financière est totalement corrélée avec un management qui donne le pouvoir aux employés, qui se montrent parfaitement capables de définir les normes, l’organisation du travail et même le système de rémunération.
Ce reportage souligne avec pertinence la dérive que les bureaucrates ont réussi à introduire dans ce système avec les “bullshit jobs” (selon l’expression de David Graeber) – les jobs à la con – de communicants, de directeurs de ressources humaines, de contrôleurs de gestion qui ne contrôlent rien et ne produisent rien mais inventent en permanence de règles pour empêcher l’innovation et tuer l’initiative, d’informaticiens qui conçoivent des systèmes dont l’objectif essentiel est d’affirmer leur pouvoir, sans faciliter le travail des utilisateurs.
L’Université française dans sa course ridicule à la fusion vers des mégastructures fait proliférer les “jobs à la con” d’autant plus parasitaires qu’elle n’a pas les moyens de se payer les professionnels compétents, si besoin était. DRH et services comptables décident des orientations des programmes de recherche, voire de la carrière des professeurs sur des critères administratifs tout aussi à la con. Et, plus ce système perd de l’argent, plus on multiplie les jobs à la con.
Dans une entreprise participative, il n’y a pas besoin de services de contrôle qui vexent les collaborateurs, font baisser la productivité et ne font que nécessiter plus de contrôle… C’est la loi de Parkinson qui postule que plus une organisation est inutile plus elle s’organise pour justifier son existence en multipliant services et jobs à la con..
A voir et à méditer car tout est vrai dans ce reportage: je l’ai vécu tant dans sa version de l’entreprise intelligente que dans la machinerie bureaucratique minée par les jobs à la con. Et à méditer sur l’absurdité du capitalisme qui, au nom de la recherche du profit et de la performance, en détruit les sources pour satisfaire aux délires narcissiques de présidents qui, pour être et responsables et coupables, n’en sont pas moins incompétents.
De toute ma carrière, qui est loin d’être finie, à chaque fois que j’ai fait le pari de donner le pouvoir aux gens et de leur faire confiance pour résoudre les problèmes ce pari s’est révélé gagnant. Bien sûr, il ne faut pas être neuneu et cela suppose un gros travail d’organisation. Le rôle du chef change radicalement: il n’est plus là pour donner des ordres, mais pour crée un cadre et des processus qui permette à l’intelligence collective d’émerger. Les cimetières sont pleins de chefs qui se croyaient indispensables, les chefs meurent, les systèmes de vie intelligents, résilients, capables d’évolution, vivent.
Le bonheur au travail – ARTE from GELINOTTE Emmanuel on Vimeo.