Genre, végétarianisme, euthanasie: les nouveaux visages du nihilisme

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Dans “Gouverner par le Bien commun“, publié en 2001 – dont je prépare une réédition – j’analysais la montée du nihilisme comme idéologie centrale d’un Occident en peine décadence, tournant le dos aux principes de la philosophe politique classique qui a fait son rayonnement. Il est heureux que le livre capital d’Allan Bloom , soit enfin réédité en français. Il était introuvable car mettant en cause toutes les vaches sacrées de l’intelligentsia, forcément “de gauche”, qui a pris le pouvoir dans les universités et qu’il apparaît comme impossible de mettre en cause, à peine de passer pour fou relevant d’une convocation pour examen psychiatrique par la “justice”. Je n’en ai qu’une édition québécoise de l’époque, aucun éditeur français ne s’étant risqué dans l’aventure.

Le relativisme obsessionnel est devenu religion d’Etat: tout se vaut, tout contrainte héritée de la nature de l’homme – identité sexuée, empathie, mort – est une oppression intolérable, “ma volonté est la seule source de légitimité de mes décisions”. Leo Strauss en a dit “si tout se vaut alors le cannibalisme n’est qu’une affaire de goût”.  L’écologisme est un antihumanisme qui trouve dans “la lutte contre le réchauffement climatique” – terme absurde s’il en est: que veut dire lutte contre un phénomène naturel?  – son aboutissement qui nourrit le mythe des “énergies renouvelables” hautement polluantes comme les éoliennes et la décroissance, délaissant les voies d’un développement alternatif capable de produire du bien-être. S’est ainsi développé en Occident tout un appareillage intellectuel qui a envahi la philosophie et toutes les sphères de la vie et de la décision publique, et qui le mène à sa perte. On voit aujourd’hui difficilement comment faire marche arrière. La Chine nous offre un autre visage du refus de ce déclin mais qui ne nous concerne pas, nous en sommes trop loin par nos origines civilisationnelles. Il reste la troisième Rome, la Russie, nation spirituelle par essence, qui entend porter l’héritage de l’Europe chrétienne. Son irrédentisme face à l’offensive culturelle de l’Occident qui n’aura de cesse tant que le défilé de la victoire du 9 mai ne sera pas remplacé par une gay pride, est une des rares sources d’espoir qui nous reste.

CR

«Le genre, l’animal, l’euthanasie: ravages d’une philosophie devenue folle»

TRIBUNE – Le remarquable ouvrage de l’universitaire Jean-François Braunstein, La Philosophie devenue folle , permet de mesurer les périls qui menacent l’humanisme, s’alarme le philosophe*.

Les réformes sociétales – du «mariage pour tous» à l’«écriture inclusive» – mises en œuvre dans de nombreux pays occidentaux ces dernières années n’ont de réformes que le nom. Elles visent en réalité à bouleverser la structuration commune de la vie humaine et les fondements symboliques (au sens de ce mot pour la psychanalyse et d’autres sciences humaines) de l’individu, tout en charriant une nouvelle idée de l’homme. Le terme de réforme masque la portée de ces bouleversements. C’est de révolution anthropologique qu’il convient de parler. Une telle révolution n’est pas l’expression des caprices de Najat Vallaud-Belkacem hier ou de Marlène Schiappa aujourd’hui. Elle plonge ses racines dans les œuvres de théoriciens américains que l’universitaire Jean-François Braunstein soumet à une salutaire enquête philosophique. Le lecteur de son livre ‘La Philosophie devenue folle’ (Grasset) saisira la cohérence et l’ampleur de l’ouvrage.

La ligne de combat est triple: le genre, qu’il s’agit de substituer au sexe ; l’animal, qu’on entend rendre égal à l’homme ; et la mort, qui serait transformée en événement technique. Trois intellectuels (deux américains et un australien) inspirent ces batailles: Judith Butler, Donna Haraway et Peter Singer.

«Racontant son histoire torride d’amour physique avec sa chienne, Donna Haraway se fait, avec un véritable esprit de sérieux, grande prêtresse de la zoophilie»

Leurs livres sont pour le moins pittoresques. Dans les trois cas, l’affaire revient à expulser l’humanisme – qui suppose une différence ontologique entre les sexes, entre l’homme et les animaux, entre la vie et la mort – de la culture. L’humanisme est l’attitude d’esprit qui extrait l’homme du reste de l’univers, lui conférant par ce geste sa dignité, c’est-à-dire, au sens propre, son rang. Les courants de pensée et d’action issus de nos trois auteurs jettent aux orties cet humanisme et cette dignité.
Puisqu’il n’y a ni insularité ni privilège de l’homme dans l’univers, toutes les frontières sont appelées à être détruites. Ces courants prétendent en finir avec les différences imposées par la biologie et par la culture. Poussant la logique du genre jusqu’à son terme, la théorie queer suppose que l’on peut choisir son sexe et en changer à tout moment de sa vie. La négation de la différence entre les sexes s’articule à celle de la différence entre hommes et bêtes. Racontant son histoire torride d’amour physique avec sa chienne, Donna Haraway se fait, avec un véritable esprit de sérieux, grande prêtresse de la zoophilie. L’effacement des frontières entraîne également une justification de la pédophilie. Aux yeux de Singer, «les attitudes envers la pédophilie ou la zoophilie ne sont en rien différentes des attitudes anciennes à l’égard de l’homosexualité». Bref, ces tabous, liés aux monothéismes et aux découpages arbitraires de la réalité, seraient destinés à passer aux oubliettes.

«Pour Peter Singer, la vie d’un chien en bonne santé aurait plus de valeur que celle d’un enfant handicapé ou qui rendrait difficile la vie de ses parents»

Père de l’antispécisme, le philosophe australien utilitariste Singer se fait également le propagandiste de l’infanticide sur la base de la supériorité de certaines vies sur d’autres. Pour lui, la vie d’un chien en bonne santé aurait plus de valeur que celle d’un enfant handicapé ou qui rendrait difficile la vie de ses parents ; d’où il serait pour cet auteur criminel de tuer ce chien et innocent de tuer cet enfant. L’antispécisme et la zoolâtrie conduisent à une préférence animale dans certaines situations. La notion de «qualité de la vie», utilisée pour justifier l’infanticide mais aussi l’élimination des personnes handicapées, voire improductives ou gênantes, déclasse le vieil héritage civilisationnel venu de l’Ancien Testament, honni par cette «philosophie devenue folle»: la vie comme essence absolue et sacrée.
» LIRE AUSSI – Étienne Bimbenet: «L’homme est infiniment plus qu’un animal»
Ici se révèle le cœur de ce dispositif: mener la guerre contre les essences, ces entités conceptuelles stables (l’homme, la femme, l’animal, la mort). Le mot «essentialisme» est devenu dans les débats de société – à l’image d’un autre, «populisme» – une accusation destinée à discréditer son interlocuteur, à l’éliminer de la conversation en faisant peser sur lui un double soupçon, celui de la bêtise et celui de la réaction.
En réalité, tout ce qui est humain n’existe qu’à l’intérieur de frontières qui délimitent ce que Pascal nommait la dignité – au sens propre: ce qui sépare – de l’homme. La guerre contre les essences et les frontières conceptuelles est une subversion destinée à mettre à bas l’humanité de l’homme.
Pareille folie est contagieuse. Inspirateurs de nombreuses réformes sociétales, de maints mouvements d’illimitation des droits, de l’état d’esprit d’une partie de notre société, les intellectuels fustigés par Braunstein développent leurs idées jusqu’à des conséquences peu connues en France, bien qu’impliquées dans leurs énoncés.
Le langage quotidien lui-même est affecté par ces courants de pensée. On retrouve une partie du vocabulaire issu de cette galaxie intellectuelle chez nos gouvernants, quelques universitaires et de nombreux journalistes, ainsi que dans le néoféminisme, le véganisme et l’antispécisme. Or adopter un vocabulaire, c’est, parfois inconsciemment, soutenir un projet. Le livre de Jean-François Braunstein dévoile la vision du monde qui se cache derrière un lexique d’apparence sympathique. Une lecture indispensable.
* Robert Redeker a récemment publié Peut-on encore aimer le football? (Le Rocher, 2018).

Cet article est publié dans l’édition du Figaro du 24/09/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici

 
 

Envoyé par : Robert Longeon <longeondelassise@free.fr>


 
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