La politique d’armement de François Hollande illustre une fois encore le phénomène d’amnésie qui frappe la « pensée » économique de nos dirigeants. Après Jacques Chirac, Lionel Jospin, Nicolas Sarkozy, le président de la République en exercice s’ingénie à trouver des économies budgétaires en ciblant les dépenses de défense, mais surtout celles d’armement. Il ne sait plus, n’a jamais su peut-être que les dépenses d’armement étaient les dépenses keynésiennes par excellence.
Les budgets de la Défense évalués dans le Livre Blanc prévoient un déclin progressif de la dépense totale entre 2014 et 2019. Aucun programme nouveau annoncé. Les industriels de la défense, ignorant comment ils pourront maintenir leur potentiel de production et de recherche, s’interrogent. Mais leurs voix résonnent en vain dans un espace public encombré par d’innombrables sujets.
Nous leur suggérons de plaider leur cause avec les arguments de l’économie. Maintenir ou renforcer notre politique d’armement constituerait la preuve que la France entend garder une capacité d’action contre les menaces du monde, cela va de soi. Mais ce serait aussi s’appuyer sur l’un des rares leviers d’action économique dont dispose notre pays dans le contexte débilitant de l’euro trop fort et de la déflation salariale qui est à l’œuvre dans l’Europe du Sud.
En quoi les dépenses concernées sont-elles vraiment keynésiennes ?
Elles le sont d’abord en ce qu’elles représentent des dépenses d’investissement, aux côtés des dépenses d’investissement productif des entreprises, de logement et d’infrastructures. Mais cela d’une double manière. Elles s’ajoutent aux autres dépenses tout en suscitant des dépenses liées d’investissement en biens d’équipement et en R&D. Les nombreuses entreprises fortement techniques concernées peuvent, grâce à elles, déployer et moderniser leur capacité.
Elles le sont ensuite parce qu’elles permettent le perfectionnement des nombreux savoir-faire abrités par les entreprises spécialisées. L’abandon du projet de deuxième porte-avions, qui était techniquement prêt, constitue le contresens typique en la matière. La réalisation de ce type de navires n’est à la portée que de cinq pays au plus dans le monde. En donnant un compagnon de mer au Charles de Gaulle, nous aurions renforcé notre avantage. Chose dont n’ont plus cure les hôtes de l’Elysée.
Elles le sont enfin en ce qu’elles procurent des recettes fiscales et sociales par le biais des investissements et des emplois liés. La dépense nette occasionnée par le développement des équipements militaires s’avère à l’usage moindre que la dépense brute sur laquelle les comptables de Bercy gardent rivé leur regard.
Mais, dira-t-on, où est la marge de manœuvre d’une telle politique ? Ne sommes-nous pas accablés par le déficit acquis et la dette héritée du passé ? La première marge de manœuvre serait dans la dépense sociale, de plus en plus massivement fraudée. La seconde serait dans la création monétaire, aujourd’hui consacrée à maintenir à flots un système bancaire aventuriste. Deux questions taboues, nous en convenons. Mais peut-on encore rester l’arme au pied, dans tous les sens du terme ?
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