Michel Goya : «Le refus de célébrer la victoire de 1918, une faute envers nos aïeux»

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Ainsi donc, notre petit prince se lance à nouveau dans le révisionnisme historique en voulant supprimer la victoire militaire de 1918, qui fut bien une victoire (même si c’est d’une guerre absurde) et ce fut bien une défaite pour l’Allemagne (contrairement à la fable qu’ont racontée ses dirigeants d’après-guerre, et qui a servi de tremplin au nazisme). Le sacrifice des soldats de 14-18 a été une déclaration d’amour à la France, d’autant plus qu’elle se fit dans des conditions horribles avec très peu de défections, en dépit de ce que se complaît à raconter le boboisme officiel sur les désertions et les révoltes, dont même le PCF des années 1920 et 1930 n’avait pas fait ses choux gras. Pour construire leur “Europe”, ce sont les oligarques qui chantent aujourd’hui “du passé faisons table rase”.  Tout le contraire de la réconciliation orchestrée par le Général de Gaulle, qui s’est faite dans la reconnaissance du passé et de son abomination.

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TRIBUNE – Ne pas placer les commémorations du 11 Novembre sous le signe de la victoire revient à nier la motivation patriotique des soldats français d’alors et à laisser entendre qu’ils sont morts pour rien, considère l’ancien officier et historien.

Il se murmure que le président de la République ne souhaiterait pas célébrer le centenaire de la victoire de la France et de ses alliés le 11 Novembre prochain. À la place, il ne serait question que de la fin des souffrances des soldats, mais sans évoquer le sens de ces souffrances.

Le président, pour reprendre les termes d’un de ses conseillers, «regarde l’histoire en face» et souhaiterait d’abord que l’on retienne que la Grande Guerre fut «une grande hécatombe» lors de laquelle «les combattants, qui seront au cœur des commémorations, étaient pour l’essentiel des civils que l’on avait armés». Si ces mots sont exacts, ce qui paraît difficile à admettre en 2018 tellement cette vision est datée, il s’agit d’une histoire non pas vue de face mais de biais. Non, Monsieur le président, il ne s’agissait pas de «civils que l’on avait armés» mais de citoyens, qui pour reprendre les termes de la loi du 5 septembre 1798, étaient forcément «aussi des soldats et se devaient à la défense de la patrie».

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Le citoyen défend la cité lorsque celle-ci est menacée, c’est un des fondements de la République. Or, il ne faudrait pas l’oublier, la République française était menacée en août 1914. Elle fut partiellement envahie et ravagée. Les quatre millions d’hommes qui se sont rassemblés alors, c’était tous, d’active ou de réserve, des soldats qui répondaient à l’appel à défendre la patrie. Il n’y avait et il n’y aura jamais aucun doute parmi eux sur la justesse de ce combat – sinon sur la manière de le mener. Les «mutineries» de 1917 sont bien plus des grèves que des révoltes, l’idée d’arrêter le combat en étant exclue.

Ce n’est pas rien maréchal de France, c’est une dignité dans l’État. Ne pas les évoquer serait donc étonnant, ce serait surtout renier l’histoire

Ce combat, ils ne l’ont pas mené sous la contrainte impitoyable et au profit d’une classe de profiteurs et de généraux bouchers, mais pour «faire leur devoir», selon les mots qui reviennent sans cesse dans leurs lettres. Ils n’auraient jamais combattu avec une telle force si cela n’avait pas été le cas. Le nombre d’exemptés demandant à aller au combat a toujours été très supérieur à celui des réfractaires. Ce nombre très faible de réfractaires n’a cessé de diminuer au cours de la guerre. Dire que leur combat n’avait pas de sens, ce qui est le cas lorsqu’on refuse d’évoquer la victoire, équivaut à traiter ces hommes d’idiots. Ils méritent mieux que cela.

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D’ailleurs ces «civils que l’on a armés», de qui faudrait-il les distinguer? Des professionnels? Car ceux-ci ne souffraient peut-être pas, eux et leurs familles, parce qu’ils étaient volontaires? Des officiers, dont un sur quatre a laissé la vie dans l’infanterie? Des généraux, ceux-là même dont 102 sont «morts pour la France» en quatre ans? Des ministres et parlementaires, dont 16 ont été tués par l’ennemi? Les uns et les autres avaient leurs fils en première ligne. Le général de Castelnau en a perdu trois, le sénateur et futur président de la République Paul Doumer quatre, et il ne s’agissait pas hélas de cas isolés.

Loin de la vision idéologique que les conseillers du président semblent reprendre à leur compte, ces généraux ont conduit les troupes à la victoire sur le champ de bataille et réussi la plus importante transformation de toute notre histoire militaire. L’armée française de novembre 1918 était la plus forte et la plus moderne du monde. Cela n’a pas été pas le produit d’un heureux hasard mais d’un immense effort et peut-être d’un peu d’intelligence.

Parmi ces généraux, les plus illustres ont reçu le titre de maréchal de France, ce n’est pas rien maréchal de France, c’est une dignité dans l’État. Ne pas les évoquer serait donc étonnant, ce serait surtout renier l’histoire. Tout cela parce qu’il y aurait parmi eux un certain Philippe Pétain. On sait son rôle lors de la Seconde Guerre mondiale, mais il n’en reste pas moins un des artisans majeurs de la victoire de 1918. Comme il est vrai on ne veut pas parler de celle-ci, nul besoin de parler non plus de ses artisans. Les maréchaux seront donc effacés de l’histoire comme les indésirables des photos dans les régimes totalitaires.

La victimisation est une tendance actuelle, elle n’était pas du tout celle de mon grand-père, combattant des tranchées qui n’aurait absolument pas compris qu’on lui vole sa victoire et celle de ses camarades

Ce sont les nations qui font les guerres et non les armées. La guerre est un acte politique. Célébrer la fin de la guerre sans célébrer la victoire, c’est refuser la politique et sans politique l’emploi de la force n’est que violence criminelle ou psychotique. Refuser la politique et donc la victoire, c’est placer Poincaré ou Clemenceau au rang d’assassins et tous les soldats à celui de victimes. La victimisation est une tendance actuelle, elle n’était pas du tout celle de mon grand-père, combattant des tranchées qui n’aurait absolument pas compris qu’on lui vole sa victoire et celle de ses camarades. Ils ont toujours des droits sur nous.

Nul besoin de défilé militaire pour cela mais au moins une reconnaissance, un remerciement, un mot. Sans la défaite de l’armée allemande concrétisée par l’armistice du 11 novembre 1918, la France et l’Europe n’auraient pas été les mêmes. Il n’est pas évident qu’elles en fussent meilleures sous la férule du Reich. La moindre des choses serait de s’en rappeler et de le dire.

Pour le reste et célébrer l’heureuse amitié franco-allemande, incroyable au regard de l’histoire, il sera possible le 22 janvier, de fêter l’anniversaire du traité de l’Élysée qui la marque bien plus dans l’histoire que le 11 Novembre. Il n’y a pas d’«en même temps» en histoire, il n’y a que des faits réels et distincts, et on peut tourner le 11 Novembre dans tous les sens, cela restera toujours l’anniversaire de la victoire de la France.

*Colonel (ER) des troupes de marine, docteur en histoire et ancien titulaire de la chaire d’histoire militaire à l’École de guerre. Dernier ouvrage paru: «Les Vainqueurs. Comment la France a gagné la Grande Guerre» (Tallandier, 2018, 320 p., 21,50 €).

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