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·On se souvient de ce que certains opposants à une dissolution de l’Euro, ou une sortie de l’Euro, opposent à ceux qui sont convaincus que c’est la seule solution aujourd’hui pour l’économie française, l’argument des dettes. Selon ces opposants, les dettes de la France seraient multipliées du simple fait de la dépréciation du Franc retrouvé. Ils affectent de ne pas croire en ce principe du droit international, la Lex Monetae, ou Loi Monétaire, qui indique précisément que toute dette émise dans le droit d’un pays peut-être re-dénominée dans une nouvelle monnaie, si ce pays se décide à changer de monnaie. Un ancien président de la République, Nicolas Sarkozy pour le nommer, s’était fait la spécialité de discours apocalyptiques sur cette question. L’Institut Montaigne avait repris ce thème, et affectait de ne pas croire en l’existence de la Loi Monétaire.
Lex Monetae et droit européen
Pourtant, cette « loi », qui fut évoquée en droit international dans les années 1920-1930 quand fut réglé le problème des dettes des Etats successoraux de l’Empire Austro-Hongrois, figure bel et bien dans le droit de l’Union européenne. C’est d’ailleurs en vertu de ce principe de droit international que la dette publique émise en Francs fut convertie en 1999 en Euro.
On trouve la référence dans le Règlement (CE) nº 1103/97 du Conseil du 17 juin 1997 fixant certaines dispositions relatives à l’introduction de l’euro, règlement publié dans le journal officiel[1], et qui peut être consulté sur internet[2]. Cette référence apparaît dans le paragraphe (8) et on la reproduit ici :
« (8) considérant que l’introduction de l’euro constitue une modification de la loi monétaire de chacun des États membres participants; que la reconnaissance de la loi monétaire d’un État est un principe universellement reconnu; que la confirmation explicite du principe de continuité doit entraîner la reconnaissance de la continuité des contrats et autres instruments juridiques dans l’ordre juridique des pays tiers; »
Bon, c’est déjà assez nigaud de prétendre défendre une institution sans en connaître le droit. Car, et c’est un point important, il est dit « que la confirmation explicite du principe de continuité doit entraîner la reconnaissance de la continuité des contrats et autres instruments juridiques dans l’ordre juridique des pays tiers ». Autrement dit, si le gouvernement français décide de repasser au franc avec un taux de conversion de 1 euro pour 1 franc, il en a le droit pour l’ensemble des instruments juridiques et des contrats émis dans l’ordre juridique français. Mais il est à tout le moins étrange que des « experts » européens ignorent leur propre droit. C’est un peu comme si le Président de la République nous disait que, dans la Constitution, le Président est élu par le Parlement…
Lex Monetae et agences de notation
On vérifie aussi que la citation d’une agence de notation qui sert de base aux propos catastrophistes de l’Institut Montaigne[3] est directement invalidée par le règlement européen cité : « « Il n’y a pas d’ambiguïté (…) Si un émetteur ne respecte pas les termes du contrat passé avec ses créditeurs, y compris la devise dans laquelle les paiements sont effectués, nous déclarerions une situation de défaut », disait récemment Moritz Kraemer, directeur des notes souveraines chez Standard & Poors. On peut ignorer les agences de notation, il n’en reste pas moins que leurs avis sur le risque de crédit (donc de défaut) sont indispensables à une bonne gestion du risque par les investisseurs institutionnels (assurances, fonds de pension, banques). »
Si l’agence Standard & Poors décide de déclarer un « défaut » de la France, elle ne sera évidemment pas suivie par d’autres agences, et surtout elle ne pourra trouver aucun tribunal de stature international pour faire valider sa décision. Car, les juristes savent bien que ce qui s’est passé en 1999 se rejouerait alors, en vertu du principe de précédent qui existe en droit. Le gouvernement français pourrait même l’attaquer en justice pour obstruction sur le marché des dettes.
Combattre le « Projet Peur »
La beauté de la Lex Monetae réside donc dans le fait que la dette publique émise en droit français (ce qui correspond à 97% du montant de cette dette) doit être remboursable dans la monnaie ayant cours légal en France. Quant la France décide que c’est l’Euro, cette dette est donc remboursée en Euro, au taux de conversion décidée par la France. Que la France décide que la monnaie ayant cours légal sur son territoire est (à nouveau) le Franc, et il en sera de même. Autrement dit, les quelques 1649 milliards d’euros de la dette négociable française[4] se transformeront en 1649 milliards de francs.
Pour ce qui est des dettes de la population et des entreprises, si elles ont été émises en droit français, il en sera de même. Le travail de Cédric Durand et Sébastien Villemot, que publie l’OFCE et qui donnera naissance d’ici quelques mois à un article dans une revue internationales, établit très précisément les conséquences d’une sortie de l’Euro[5], et montre que les entreprises et les ménages seraient gagnants dans une telle situation.
Il convient donc ici de comprendre que bien des personnes qui parlent sur cette question ne le font qu’en vue d’attiser les peurs et les craintes des français. Nous sommes bien en présence, comme ce fut la cas dans les six mois précédant le référendum britannique sur le BREXIT d’un « projet Peur ». Il fut défait lors du vote de juin 2016. Il faut espérer que les électeurs français sauront lui opposer la robuste confiance de ceux qui connaissent leurs droits.
[1] Journal officiel n° L 162 du 19/06/1997 p. 0001 – 0003
[2] http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:31997R1103
[3] Chaney E., « A propos du monde imaginaire de ceux qui prônent une sortie de l’euro », Institut Montaigne, 2 mars 2017,
[4] http://www.aft.gouv.fr/rubriques/encours-detaille-de-la-dette-negociable_159.html
[5] http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/balance-sheets-effects-of-a-euro-break-up/
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