L’exception culturelle menacée
On pourrait presque remercier José Manuel Barroso pour sa déclaration tant il a provoqué une réaction unanime des politiques, des artistes et des médias du pays, démontrant par là-même qu’il y a bien une identité nationale qui peut transcender tous les clivages, et qui peut rassembler la patrie quand elle est mise en danger. Le Monde, dans un éditorial saignant, a dénoncé son comportement, ni respectueux, ni loyal, rappelant ses plans de carrière anglo-saxons. Hervé Nathan, pour Marianne, a publié un papier savoureux critiquant son comportement de « mauvais perdant ».
Malheureusement, il semblerait que les cocoricos de vendredi soir soient un peu prématurés. En effet, le commissaire européen en charge du commerce, Karel de Gucht, a indiqué que l’audiovisuel pourrait être néanmoins ajouté plus tard dans le mandat de négociation. Certes, la ministre du commerce, Nicole Bricq, indique que la France mettrait son veto, mais cela pose un double problème. Tout d’abord, il faut rappeler que la ministre fait partie des membres les plus libéraux du gouvernement. Ensuite, le diable se cache toujours dans les détails dans ce genre de négociations…
Consensus pour le protectionnisme culturel
Bien sûr, les produits culturels ne sont pas des biens comme les autres. Cependant, quand on voit comment se lancent la plupart de grosses productions culturelles, il est difficile de voir une différence par rapport aux produits industriels ou aux services pour lesquels il ne faudrait pas de protection. Mieux, pourquoi faudrait-il que les professions culturelles bénéficient d’une protection étatique et nationale de la concurrence étasunienne et pas les agriculteurs, les ouvriers ou les employés ?
Menace sur notre santé et notre économie
Car même si nous conservons cette exception, qui a permis de quasiment doubler la fréquentation des cinémas et la part de marché des films français en 20 ans, nous risquons gros sur tous les autres sujets abordés par cette négociation commerciale. En matière agricole et alimentaire, promouvoir le libre-échange, c’est, la plupart du temps, s’accorder sur le moins-disant, souvent les Etats-Unis dans ce cas et accepter leur bœuf aux hormones,leurs poulets lavés à l’acide, leur maïs OGM (sans indiquer aux consommateurs qu’ils en mangent). Quand le libre-échange passe avant notre santé.
Le gouvernement a, pour une rare fois, fait preuve de fermeté sur la question de l’exception culturelle (même si sa réaction à la déclaration de Barroso est totalement insuffisante). Malheureusement, on peut craindre que cette fermeté soit cantonnée à ce seul et unique secteur…