Grèce : les créanciers se sont sauvés eux-même

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 L’incroyable plan des dirigeants de la zone euro est souvent présenté comme permettant de sauver la Grèce et la zone euro. Et c’est bien plus cette dernière qui a été sauvée, et notamment les créanciers, qui se sont sauvés eux-même avec un plan aussi illusoire, court-termiste, irresponsable qu’inhumain.

La troïka sauve… la troïka

Déjà, en 2010, le premier plan de sauvetage était bien plus destiné aux banques françaises et allemandes qu’aux pauvres Grecs. Bien sûr, certains noteront que les banques ont accepté de voir leurs créances à la baisse. Mais il est bien évident qu’en cas de défaut non accompagné de la Grèce avec une sortie de l’euro, l’addition aurait sans doute été bien plus lourde pour les banques. En revanche, difficile de soutenir que ces plans ont aidé d’une quelconque manière les Grecs, tant la facture a été lourde pour eux, bien plus que les créanciers d’alors ne les menaçaient s’ils sortaient de l’euroIdem pour le plan de 2012, un moyen pour la troïka d’éviter un défaut qu’elle n’aurait pas organisé, et donc probablement bien plus sévère que celui qu’elle s’est auto-infligée, au prix d’une saignée de la Grèce.

Trois ans après, ce nouveau plan permet surtout à la troïka d’éviter de reconnaître la moindre perte sur les prêts faits à la Grèce. Ainsi, Athènes va pouvoir régler le FMI, puis la BCE, et devrait pouvoir, dans les trois prochaines années, honorer les échéances prévues. Angela Merkel, qui avait promis que les Allemands ne perdraient pas d’argent, préserve ainsi sa promesse faite aux électeurs allemands. D’où la volonté pourtant a priori totalement ubuesque, de rajouter 80 milliards de dette à la Grèce, alors même qu’elle n’arrivait plus à payer ses plus de 300 milliards de dettes ! Il est d’ailleurs étonnant que cela ne soit pas davantage noté, tellement cela montre les limites de l’accord de la zone euro de lundi.

Un accord irresponsable et inhumain

Ce faisant, cet accord est totalement irresponsable. De même qu’il n’était pas compliqué de prévoir que les précédents accords seraient des échecs (comme je l’avais fait en 2010 et en 2012), il est bien évident que ce nouvel accord est encore plus intenable, même si le profilage de la dette devrait permettre de repousser l’échéance de la réalisation de cette impasse. Car cela est le véritable objectif des créanciers de la Grèce : se protéger le plus longtemps possible d’un éventuel défaut, si possible au-delà de la prochaine échéance électorale au minimum. Voilà pourquoi les trois ans réclamés par Alexis Tsipras convenaient bien à Merkel et Hollande. Mais on ne voit pas comment une Grèce qui ne parvenait pas à payer une dette de 180% du PIB aujourd’hui pourra en honorer une de 220% en 2018…

Et ce qui est humainement insupportable, c’est que, pour ne pas reconnaître leurs pertes, et parce que les dirigeants de la Grèce refusent d’envisager l’opportunité d’une sortie de l’euro, les dirigeants de la zone euro vont continuer à faire payer très cher les Grecs. Il faut rappeler ici que contrairement aux mythes véhiculés sur l’inefficacité du pays, il a été le plus efficace du continent pour réduire ses déficits de 2010 à 2014, selon les chiffres mêmes de la Commission, quatre fois plus que Londres ! Et aux horreurs consécutives aux plans des cinq dernières années, va s’ajouter une nouvelle couche, qui, même si elle est moins brutale, n’en viendra pas moins en addition des plans du passé, que Syriza promettait pourtant de corriger, notamment sur la question du salaire minimum, qui ne semble plus à l’ordre du jour…

Cet accord est bel et bien une horreur. Une horreur démocratique qui contredit les votes du 25 janvier et du 5 juillet et remet le pays sous une tutelle stricte. Une horreur humaine par les conséquences sociales qu’il aura. Et une horreur pour la raison tant il est évident qu’il échouera. En revanche, ce faisant, les créanciers se sont sauvés eux-mêmes, en faisant de la Grèce une colonie qu’ils dépècent.

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