par Christian Authier
Avant le référendum sur le Brexit, nous avons eu les sondages, les projections, les pronostics, les hypothèses, les avertissements, les noirs scénarios, les analyses et les sur-analyses produits par les médias, les politiques et autres «experts», puis la même chose – ou presque – après le vote avec en prime une avalanche de déplorations. Ces mêmes commentateurs ont embrayé sur le «comment» du Brexit en brandissant encore une fois des peurs et des scénarios apocalyptiques (alors qu’ils accusaient précisément les partisans de la sortie de l’Union de jouer sur les peurs…).
Cassandre et Nostradamus
Comment allait-on faire ? Et les droits de douane ? Et ceci, et cela… Non, décidément, c’était trop compliqué. Le plus simple serait que la Grande-Bretagne reste dans l’Europe. On pourrait la faire voter à nouveau, comme cela s’est produit quand naguère les Danois ou les Irlandais avaient eu eux aussi l’audace de faire le «mauvais choix». Ou bien on pourrait ne pas suivre la volonté exprimée par les électeurs. Ce fut la méthode choisie par Nicolas Sarkozy (avec la complicité du PS de François Hollande) lorsque 55 % des Français avaient refusé par la porte d’un référendum le projet de Constitution européenne qui revint par la fenêtre sous l’intitulé de traité de Lisbonne adopté par le Parlement… On comprend bien que c’est le désir caché d’une grande partie de nos élites. Le Monde d’ailleurs expliquait – comme pour s’en convaincre – dans son édition du 27 juin que «Le Brexit n’aura pas lieu».
Rassurons les esprits inquiets. Si le vote exprimé par le peuple britannique est respecté, la Grande-Bretagne rejoindra tout simplement les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Brésil, l’Inde, l’Argentine, la Norvège, la Suisse, l’Islande, l’Iran, la Turquie et quelque 170 autres pays… Nous avons des relations économiques, politiques, diplomatiques avec eux et il ne devrait pas être insurmontable d’en faire autant avec la Grande-Bretagne demain |
Au rayon des grandes interrogations craintives de nos médias et de nos responsables politiques, on relevait entres autres : y aura-t-il une tempête boursière ? La crise de l’euro va-t-elle revenir ? Faut-il craindre un effet domino de sortie de l’UE dans d’autres pays ? Les footballeurs étrangers pourront-ils rester dans le championnat anglais (sic) ? Comment va-t-on faire ? Rassurons les esprits inquiets. Si le vote exprimé par le peuple britannique est respecté, la Grande-Bretagne rejoindra tout simplement les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Brésil, l’Inde, l’Argentine, la Norvège, la Suisse, l’Islande, l’Iran, la Turquie et quelque 170 autres pays… Nous avons des relations économiques, politiques, diplomatiques avec eux et il ne devrait pas être insurmontable d’en faire autant avec la Grande-Bretagne demain.
Cependant, les Cassandre ne s’en laissent pas compter et annoncent la fin du Royaume-Uni, voire même «le début de la destruction de l’Union européenne, mais aussi de la civilisation occidentale» (et pourquoi
Ce terrible présage n’est pas l’œuvre d’un Nostradamus quelconque, mais de Donald Tusk, président du Conseil européen, et l’on comprend mieux devant de telles stupidités pourquoi certains ont envie de quitter le bateau européen. Plus raisonnable, Jean-Louis Bourlanges, député européen centriste pendant dix-huit ans et europhile convaincu, déclarait avant le référendum que la Grande-Bretagne avait un pied dans l’Europe et l’autre dehors. Si elle vote pour le Brexit, ajoutait-il, ce sera l’inverse… |
pas la fin du monde tout court ?). Ce terrible présage n’est pas l’œuvre d’un Nostradamus quelconque, mais de Donald Tusk, président du Conseil européen, et l’on comprend mieux devant de telles stupidités pourquoi certains ont envie de quitter le bateau européen. Plus raisonnable, Jean-Louis Bourlanges, député européen centriste pendant dix-huit ans et europhile convaincu, déclarait avant le référendum que la Grande-Bretagne avait un pied dans l’Europe et l’autre dehors. Si elle vote pour le Brexit, ajoutait-il, ce sera l’inverse…
Quelle Europe ?
L’explication du vote en faveur du Brexit est simple. Ce sont les banlieues, les campagnes, les pauvres, les personnes âgées et les classes populaires qui ont voté pour la sortie de l’UE. En bref, les perdants de la mondialisation et du libre marché européen. D’une certaine façon, les Britanniques ont aussi voté pour les Espagnols, les Grecs, les Hongrois, les Polonais, les Français, les Danois et autres peuples auxquels on se gardera bien de demander leur avis. Ils ont voté contre le dumping social, l’immigration, l’Europe des marchés, des normes absurdes, des critères budgétaires (de rigueur et de destruction des services publics), de la finance dérégulée dont la City est le symbole. Les Britanniques, comme d’autres, subissent une crise sociale, migratoire, identitaire, culturelle. Ils pensent qu’ils s’en sortiront mieux hors de l’UE. Nous verrons bien.
De son côté, que propose l’Europe ? Quel est son projet, son identité ? A-t-elle dégagé un socle de valeurs, un modèle politique, économique, social, culturel partagé par tous ses membres ? Une politique étrangère commune ? Une politique de défense commune ? Est-elle autre chose qu’un espace de libre circulation des biens, des services, des capitaux et des individus ? N’a-t-elle pas réussi à édifier un enchevêtrement de bureaucratie et de règlements ubuesques conciliant le pire du libéralisme et de l’étatisme ? Ces vingt dernières années, l’Union s’est lancée dans une marche en avant intégrant à tour de bras des pays, ayant si peu en commun les uns avec les autres, en misant sur une monnaie unique censée les fédérer. Quelle illusion ! L’Union est une petite tour de Babel dont on ne connaît guère les frontières et qui est incapable de mettre des visages sur les pièces et les billets de sa monnaie commune. De même, qui est capable de citer les 27 pays membres ? Aujourd’hui, on découvre que les Britanniques ne sont pas les Français, que les Hongrois ne sont pas les Allemands, que les Polonais ne sont pas les Espagnols… On aurait pu s’en rendre compte plus tôt. Certes, on peut gloser sur le «repli» des Britanniques, sur un pseudo-chauvinisme, sur la résurgence du nationalisme et autres motifs d’inculpation. Mais on ne peut guère empêcher des peuples de considérer leur nation comme le seul rempart crédible dans une Europe et un monde en crise. Elle est le dernier bien de ceux qui n’ont plus rien.
Le Brexit et les flammes de l’enfer
On ne peut évoquer les inepties énoncées lors de ce Brexit sans citer la caricature de ces élites mondialisées, aveugles et sourdes au réel, à la vie concrète des gens ordinaires de leur propre pays. Ainsi, l’inénarrable Bernard-Henri Lévy qui, dans une tribune parue dans Le Monde, avec des accents de prédicateur évangéliste fanatisé, voit dans le résultat du référendum «la victoire du souverainisme le plus sombre et du nationalisme le plus bête», «de la xénophobie, de la haine», de «l’Angleterre moisie», «la victoire des casseurs et des gauchistes débiles, des fachos et des hooligans avinés et embiérés, des rebelles analphabètes et des néonationalistes à sueurs froides et front de bœuf». Ne manquent que des pieds fourchus et des cornes à cette coalition maléfique ennemie du genre humain dans laquelle BHL enrôle Trump, Poutine, Marine Le Pen et Mélenchon. C’est encore la victoire de «l’ignorance», du «petit», de la «crétinerie», de «la grimace», de «l’éructation», de «l’incompétence», poursuit notre «philosophe» en dressant inconsciemment un portrait de lui-même.
A de tels «arguments» auxquels on pourrait reprocher une légère pratique de l’amalgame, on préfèrera l’analyse d’Emmanuel Macron voyant dans la décision des Britanniques «un non face à une Europe qui est peu efficace, perçue comme bureaucratique, insuffisamment démocratique et au fond ultralibérale». Constatant que les pays membres ont «trahi le projet européen initial», le ministre de l’Économie en appelle à un nouveau projet «qui ensuite sera soumis au vote des peuples». Emmanuel Macron a également dénoncé l’austérité et le pacte de stabilité, qui contraint les pays de la zone euro à ne pas dépasser le seuil de 3 % de déficit budgétaire en faisant s’effondrer la demande intérieure, tout en préconisant de «redonner des marges de manœuvre». Chiche !
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