Florange: la trahison du “socialisme” compassionnel

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FLORANGE: la trahison du “socialisme” compassionnel

1 décembre 2012

Par Jacques Sapir

La « solution » dont les négociations entre le gouvernement français et MITTAL ont accouché est probablement l’une des plus mauvaises qui soit. Elle revient à faire confiance au groupe MITTAL pour investir sur une période de 5 ans 180 millions d’Euros, alors que ce groupe n’a pas exactement bonne réputation sur ce point. Par ailleurs, MITTAL s’engage à reclasser les salariés de la « partie chaude » du site de Florange et à développer la « partie froide » ainsi que ses installations de Dunkerque. De fait, le gouvernement français a très peu obtenu de MITTAL, qui va pouvoir continuer de se désengager de son activité de production d’acier pour se désendetter et continuer de se tourner soit vers l’amont (les mines) soit vers l’aval (l’utilisation des métaux). Les salariés de Florange restent les otages de MITTAL, otages qu’il pourra sacrifier d’ici trois à quatre ans si sa logique, essentiellement financière, le conduit à une telle décision. En fait, le gouvernement n’a obtenu, au moindre coût pour lui, qu’une solution temporaire. Et de cela J-M Ayrault, Premier ministre, crie victoire ! C’est l’expédient élevé à la hauteur d’une stratégie.

Il faut ici rappeler quelles sont les méthodes de MITTAL. Lors de la privatisation de la sidérurgie Sud Africaine MITTAL, qui avait racheté environ 80% des capacités de production, n’a pas investi mais a augmenté les prix des produits laminés de 30%, tuant ainsi l’industrie automobile locale[1], et compromettant dans une large mesure la stratégie de développement adoptée par le nouveau pouvoir de Pretoria[2]. Ceci a provoqué une prise de conscience du gouvernement et l’élaboration de règles de plus en plus stricts encadrant la production d’acier. Dans les faits, le gouvernement de la République d’Afrique du Sud a cherché à se dégager de l’emprise de MITTAL[3]. Cet exemple montre bien que, pour MITTAL, seule prime la logique financière de court terme. Le groupe, aujourd’hui très lourdement endetté, n’a pas de stratégie dans la sidérurgie. Mais il en a une quant au développement de ses profits, ou plus précisément des dividendes de ses actionnaires, dont la famille Mittal à hauteur de 40%. On conçoit que ce précédent n’incite guère à l’optimisme quant à la pérennité du site de Florange.

Pourtant, il faut rappeler qu’une stratégie de développement des activités « chaudes » (les hauts-fourneaux) est parfaitement possible. On sait depuis des dizaines d’années que la production de fonte et d’acier dégage des gaz à hautes températures, qui n’étaient jusqu’à présent que source de pollution. Or, depuis environ dix ans se sont développées des activités permettant la réutilisation de ces gaz, soit pour produire de l’énergie, soit pour développer des productions chimiques à haute valeur ajoutée. Le haut-fourneau ne doit plus être envisagé comme une entité unique mais comme la pièce centrale d’un ensemble d’activités liées, on peut ici parler de « cluster », dont la somme dégage des profits importants, ce qui contribue à faire baisser fortement le coût de l’acier produit. Contrairement à une idée reçue, la sidérurgie n’est pas une activité du passé, mais une activité d’avenir entraînant dans son sillage des activités connexes à haute technologie. Mais, ceci implique des investissements importants, et une association entre la société productrice d’acier et des sociétés chargées de ces activités connexes. Or, cette logique est diamétralement opposée à la logique financière de MITTAL. Investir dans la création d’un « cluster » de ce genre à Florange, ce qui serait possible et rentable, reviendrait à immobiliser des investissements dans la sidérurgie au moment où le groupe cherche à se désendetter.

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