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Entretien avec Jacques Sapir (1/2) : la crise à Chypre et ses conséquences

26 mars 2013 

Cette semaine, nouvel entretien exclusif pour le blog, avec l’économiste Jacques Sapir que j’ai pu rencontrer cet après-midi pour recueillir son point de vue sur la crise européenne. A vrai dire, cet entretien était programmé depuis quelques semaines, bien avant le déclenchement de la crise chypriote, et j’avais prévu de discuter de façon assez large de la situation dans la zone euro et des alternatives qu’il propose aux politiques actuelles. Nous l’avons fait, et ce sera l’objet de la deuxième partie que je publierai bientôt, mais nous avons d’abord passé un certain temps sur Chypre, ce petit pays dont on se souvenait à peine qu’il était entré dans l’euro en 2008…et qui fait trembler l’Europe depuis 10 jours ! L’occasion était belle en tout cas d’en parler avec Jacques Sapir, car en dehors de ses travaux sur l’euro ou la démondialisation, il est aussi un grand spécialiste de la Russie. Dans cette première partie, il revient donc sur le plan B adopté dimanche, le décortique et en critique certains aspects tout en reconnaissant qu’il est meilleur que le premier qui taxait tous les déposants. Sa grande crainte concerne la fuite de capitaux qui semble avoir eu lieu avant l’adoption de ce plan, par l’intermédiaire de filiales des banques chypriotes, et qui pourraient se traduire par l’impossibilité pour Chypre de récupérer au final les 5.8 milliards prévus. Il évoque aussi les risques de propagation de la crise chypriote à d’autres pays similaires, comme la Slovénie ou Malte, et enfin s’inquiète de la gravité de la crise en Italie.

Nico : Selon vous, la crise qui se déroule depuis 10 jours à Chypre est-elle terminée et doit-on se réjouir au final du deuxième plan qui a été adopté ?

Jacques Sapir : Tout d’abord, il est extrêmement symptomatique qu’un pays dont le PIB ne représente que 0.2% du PIB de la zone euro, ait pu provoquer cette commotion généralisée sur l’ensemble de la zone. Cela veut dire que la zone euro est dans un état d’extrême fragilité et que la crise est très loin d’être terminée.

Le plan qui a été accepté par les autorités chypriotes dans la nuit de dimanche à lundi est certainement un progrès par rapport au premier plan du samedi 16 mars, mais il reste largement problématique. C’est un progrès car ce que l’on appelle les petits déposants, soit la majorité de la population chypriote, va être épargnée par la taxation qui ne s’appliquera qu’au-delà de 100 000 euros. On sait que dans ce plan, il est prévu en fait de fermer une banque, la Cyprus Popular Bank, de transférer les dépôts de moins de 100 000 euros vers la Bank of Cyprus qui sera elle nationalisée, et à ce moment-là d’appliquer une taxe relativement élevée, officiellement 30%, probablement nettement plus, sur les dépôts supérieurs à 100 000 euros issus des deux banques. Il y a bien protection des petits déposants, et c’est donc quelque chose de très positif  par rapport au premier plan. 

Mais le temps qui s’est écoulé entre les deux plans a provoqué des dommages probablement irréversibles dans toute une série de secteurs.

Le premier dommage qui est le plus évident est le dommage dans la confiance bancaire. La confiance bancaire aujourd’hui n’existe plus à Chypre, et elle est gravement en question dans une série de pays du sud de l’Europe.

Le deuxième dommage concerne l’évaluation de l’argent qui reste dans les deux banques de Chypre. Pour reprendre un peu le scénario, les banques ont été fermées la semaine dernière, et la BCE avait mis un blocus monétaire sur Chypre pour éviter la fuite de capitaux. Mais on se rend compte que cette fermeture ne s’appliquait qu’aux banques chypriotes, et ne s’est pas appliquée aux filiales de ces banques, qui peuvent exister à Londres, en Russie ou ailleurs. Ces filiales ont continué leurs opérations, et des schémas financiers extrêmement simples ont permis visiblement de sortir des sommes très importantes. On n’a pas encore de précisions sur les sommes, mais elles sont pour l’instant estimées, d’après mes sources à Londres et en Russie, entre 4 et 8 milliards d’euros. Je reconnais tout à fait que ce sont des estimations qui peuvent être fragiles, et il pourrait s’agir tout aussi bien de 10 comme de 2 milliards d’euros au final. Mais très clairement, des sommes significatives sont sorties de ces banques.

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