Au premier tour, les urnes ont parlé. Bien entendu, les castors du politiquement correct crient au fascisme et à l’extrémisme pour tenter d’obtenir un second mandat pour leur champion, plutôt que parler bilan et projet. Pourtant, pour qui prend le soin d’examiner les deux alternatives du second tour, aussi insatisfaisantes soient-elles, celle à laquelle il faut faire barrage est clairement le président sortant.
Macron 2, ce serait l’horreur au carré
En 2022, j’ai d’autant plus envie de prendre position qu’en 2012 et 2017, j’ai voté blanc au second tour de la présidentielle. Mais cette année, l’enjeu n’est pas le même qu’en 2017, pour trois raisons. D’abord, le second tour n’est pas joué, au contraire de 2017, où il y avait dix millions de voix d’écart. Le 24 avril, chaque vote aura de l’importance et nous pouvons encore avoir des surprises par rapport à ce que les sondages indiquent, eux qui avaient sur-estimé au premier tour le vote pour les partis oligarchistes et sous-estimé le vote pour les partis dits populistes. Ensuite, Macron est président depuis cinq ans, et son bilan totalement calamiteux est un élément fondamental de l’équation. La question qui se pose est simple : mieux vaut-il un second mandat de Macron ou sa défaite et l’élection de Marine Le Pen ?
Je suis d’autant plus à l’aise pour prendre une telle position que je n’ai jamais épargné Marine Le Pen, ni ai fait preuve de la moindre complaisance à son égard, c’est le moins que l’on puisse dire. Et dimanche prochain, notre pays se retrouve face à un choix important. Depuis plusieurs mois, plus je me pose la question de ce qu’il faut faire dans un tel contexte, plus j’arrive à chaque fois à la conclusion que c’est à Macron qu’il faut faire barrage, comme l’a remarquablement expliqué Tatiana Ventose en vidéo avant le premier tour, ou Régis de Castelnau sur son blog, deux personnes sincèrement de gauche, ou Génération Frexit, dont je partage beaucoup de convictions et d’analyses. Pour tout dire, je ne parviens même pas à trouver un seul sujet ou critère sur lequel je pourrais conclure que Macron vaut mieux que Le Pen. Et je suis prêt à débattre avec quiconque se pose des questions, de manière posée et factuelle.
Prenons les sujets un à un :
1- Bilan et programme : Macron, c’est tout à la fois un bilan calamiteux et un programme révoltant
- Macron, c’est d’abord l’injustice sociale erigée en principe, avec la reprise de la vieille théorie du ruissellement (les « premiers de cordée»), pourtant partout infirmée par la réalité, et illustrée par le choix, entre autres, de supprimer l’ISF et réduire les APL. Macron, c’est le président des milliardaires, premiers bénéficiaires de sa politique économique, alors même que nous sortons de décennies de politiques qui les ont favorisées.
- Macron, c’est aussi une politique de l’offre aberrante, en échec depuis 10 ans malgré de très coûteuses baisses d’impôt et trois déconstructions du droit du travail, qui n’ont pas empêché notre déficit commercial de battre des records en 2021. Et sur ce volet économique, même si elle est moins sociale qu’il y a 5 ou 10 ans, Marine Le Pen reste moins oligarchiste que ce Macron qui veut pousser l’âge de la retraite à 65 ans ou faire travailler ceux qui touchent le RSA à un salaire horaire 30 à 40% plus bas que le SMIC… Elle propose même de remettre en place l’ISF sur toutes les valeurs mobilières (en excluant l’immobilier).
- On peut également évoquer sa réforme calamiteuse du lycée et du baccalauréat, qui casse cet outil républicain qui mettait à égalité un élève des plus beaux quartiers avec ceux de la France déshéritée. Que dire également de sa volonté de faire travailler davantage les professeurs, alors qu’ils travaillent beaucoup, pour un salaire misérable au regard de leur qualification et de leur importance par rapport à d’autres pays ?
- Impossible de compter également sur Macron pour assurer la sécurité des Français, protéger notre culture ou réguler les flux migratoires… Et que dire de sa dernière sortie sur la beauté d’une femme voilée évoquant le féminisme, dans un en même temps bidon puisque le voile est par définition un signe de l’infériorité des femmes, comme l’a rappelé à propos Malika Sorel dans une tribune sur le FigaroVox
2- Défense de la France : encore un sujet où Macron est celui contre lequel il faut se mobiliser.
- Les arbres du rachat des turbines Arabelle à GE, ou du veto fait au rachat de Carrefour, ne doivent pas cacher les innombrables rachats ou fusions que Macron, conseiller, ministre, ou président, a laissé faire en dix ans., Pourtant, ces deux exceptions montrent a fortiori qu’il était possible de faire autre chose pour Alstom, Alcatel, Technip, Essilor… N’oublions pas qu’il souhaitait privatiser ADP, dans une réédition de la scandaleuse privatisation des autoroutes, ce que la pandémie a empêché. Il accepte également la deconstruction du service public ferroviaire, alors même que les conséquences néfastes de cette déconstruction sont claires aujourd’hui sur le marché de l’énergie. Ici encore, il est raisonnable de penser que Marine Le Pen freinera bien plus le bradage de notre patrimoine, tant d’un point de vue idéologique qu’électoral, tant elle serait l’élue de cette France qui en a tant souffert…
- En matière de défense de la France, il est un lieu où Macron, ce président qui ne rechigne pas à remplacer le drapeau français sous l’Arc de Triomphe ou sur ses comptes des réseaux sociaux, semble totalement l’ignorer, c’est bien à Bruxelles. Par pure idéologie, comme la majeure partie de nos élites, il est prêt à tous les compromis pour faire avancer son agenda européen, fût-ce au détriment de notre pays. Quel meilleur exemple ici que le fameux plan de relance européen, si chétif et tardif, mais aussi si défavorable à nos intérêts : nous recevrons 40 milliards d’euros alors que nous en couvrons environ 70 milliards ! Pire, alors que nous sommes un contributeur net, nous devrons nous soumettre aux demandes de l’UE. Il aurait été plus simple de faire notre propre plan de 40 milliards et ajouter une nouvelle contribution à l’UE. Idem sur le possible futur avion de combat européen, le SCAF, où Paris semble prêt à tous les compromis, pour ne pas dire plus, avec Berlin, provoquant la colère de Dassault.
3- Sens politique de l’élection : c’est un autre point important pour choisir mon vote, comme le pointe justement Régis de Castelnau sur son blog. Que représenterait une victoire de Macron, et que représenterait sa défaite ? Sa victoire, ce serait une nouvelle victoire de la pensée oligarchiste, une nouvelle victoire de l’oligarchie rassemblée (du Medef, aux sportifs et artistes, dont beaucoup trop ne daignent même pas payer leurs impôts en France) contre le peuple et les classes populaires. Et, à moins qu’il ne perde les législatives, même un score très serré n’empêcherait pas le président sortant de faire ce qu’il souhaite, sans se soucier de ceux qui ont exprimé une autre opinion. Ce serait une victoire pour Attali, Minc, et tous les éditorialistes du politiquement correct, ceux qui avait soutenu Maastricht en 1992 et le TCE en 2005. Leur défaite et celle de Macron, ce serait un beau symbole, d’autant plus que ce serait alors la victoire de la France populaire et périphérique, qui vote RN depuis longtemps, face à la France des métropoles aisées.
4- Pour la démocratie : une défaite de Macron serait doublement une victoire pour la démocratie.
- D’abord, alors que l’expérience Macron montre bien la porosité idéologique du PS et de LR et place les quatre dernières décennies dans une forme de continuité politique, cela représenterait une alternance bienvenue dans tout système démocratique. Et cela est d’autant plus nécessaire que Macron a marqué un recul inédit dans notre pratique démocratique, d’innombrables manières. On pense au décalage contestable des dates d’élection, pour cette présidentielle, à l’exploitation indue de l’actualité (crise sanitaire, guerre en Ukraine) pour échapper au questionnement démocratique, et à l’évitement quasi-permanent des confrontations avec des journalistes un peu solides pour leur préférer des allocutions ou des interviews uniques avec un journaliste trop honoré pour être incisif.
- Autre problème démocratique : avec Macron, les contre-pouvoirs ne fonctionnent pas. Le Conseil Constitutionnel n’a pas fait son travail sur les passes, n’hésitant pas à se contredire d’un avis sur l’autre pour autoriser les idées liberticides du pouvoir. Avec le PS et LR aspirés dans la majorité présidentielle, tous les leviers du pouvoir seraient aux mains de la même majorité, alors même que sa politique est impopulaire et qu’ils ne pèsent que 34% au premier tour des présidentielles, à trois partis… Idem pour trop de grands médias, et notamment le service prétendument public, qui sont trop proches idéologiquement de Macron pour véritablement exercer un quelconque contre-pouvoir, tant ils le servent. En revanche, on peut clairement imaginer qu’une présidence Le Pen serait bien plus questionnée par les grands médias, l’Union Européenne ou les différentes instances de contrôle du pays, depuis les Assemblées ou les différentes institutions du pays. Ce serait bien plus équilibré.
5- Pour les libertés publiques : Macron c’est aussi un recours exagéré à l’état d’urgence et aux règles d’exception, préférant un conseil de défense plus opaque qu’un conseil des ministres. C’est aussi une réaction aux crises très autoritaire, comme même nos voisins l’ont reconnu, évoquant un « absurdistan autoritaire » pour la gestion de la crise sanitaire, où Macron s’est distingué en étant sans doute le chef de l’Etat le plus autoritaire des pays dits occidentaux. Idem dans la crise des Gilets Jaunes, où la répression policière et judiciaire a franchi des niveaux inimaginables avant son élection, Todd soulignant a contrario la modération des forces de l’ordre en 2005 sous Sarkozy… On peut également rappeler ici la très oligarchiste loi sur le « secret des affaires », qui protège du regard démocratique certaines pratiques qui méritent pourtant l’attention des journalistes. D’ailleurs, Marine Le Pen a souligné plusieurs fois son opposition au caractère autoritaire de ce pouvoir, qui impose des attestations comme nulle part ailleurs, ou des passes orwelliens davantage dignes de régimes autoritaires… Et si l’élection de Le Pen était en fait le moyen d’un retour à un meilleur respect des libertés publiques, qui ont reculé sous Macron ?
6- Pour la personnalité : tout dans la personnalité de Macron est détestable et ces derniers mois ont bien montré que le pouvoir ne lui a rien appris. En décembre, il exprimait un quasi mea culpa sur ses propos polémiques, mais dès janvier, il recommençait sciemment en déclarant vouloir emmerder les non vaccinés. Ici le passif est lourd : « gaulois réfractaires », « ceux qui ne sont rien », « traverser la rue pour trouver un emploi », malgré le chômage de masse, sans oublier ses dérapages comme ministre. Macron manifeste un mépris pour les Français et les classes populaires inédit dans l’histoire de la Cinquième République. On peut évoquer dans son cas une « populophobie », pour reprendre le terme de Guillaume Bigot, une forme de racisme social extrêmement fort. Il se croit manifestement plus intelligent que tout le monde, au point que ses proches avaient osé évoquer un « président épidémiologiste », malgré un bilan très mauvais dans sa gestion de la crise sanitaire. Pire, il est terriblement autocentré et complètement hors sol
7- Pour les mensonges : Macron, c’est aussi un menteur pathologique, un chef de l’exécutif qui a accepté de faire dire que les masques n’avaient aucune utilité au printemps 2020 plutôt qu’expliquer que nous en manquions et qu’il fallait en réserver temporairement l’usage à ceux pour qui ils étaient les plus utiles… La vérité n’a aucune importance pour lui, et il n’hésite jamais à tordre les faits pour servir sa petite personne, telle sa défense de la stratégie d’approvisionnement de vaccins de l’UE, malgré l’incroyable retard par rapport à la Grande Bretagne ou aux Etats-Unis. Pourquoi ne peut-il pas admettre la moindre erreur et préfère-t-il mentir aussi souvent, au point qu’il n’est plus possible de lui faire confiance sur quoi que ce soit ? Dernier épisode en date : son discours ubuesque sur son bilan en matière de chômage, où il mélange les statistiques pour leur faire dire des choses totalement coupées de la réalité, sans guère de contradiction des grands média…
8- Entourage et éthique : cela pourrait être un point de faiblesse de Le Pen, mais ce mandat a repoussé très loin les pratiques détestables du pouvoir. D’abord, la violence, à tous les étages. On pense bien sûr au chargé de mission de l’Elysée, Alexandre Benalla, pris en train de commettre des violences dans une manifestation, dont le traitement judiciaire n’a pas semblé particulièrement dur. Et que dire de ce député de la majorité qui a agresse très violemment un autre député à coup de casque de moto, nécessitant une hospitalisation de plusieurs semaines. Ce fait divers n’a pas bénéficié d’une grande couverture alors qu’on imagine bien ce qui aurait été fait si le coupable venait d’un autre camp… Et que dire de cette répression d’une violence inédite en plus de 50 ans ans d’un mouvement social avec les innombrables blessés parmi les Gilets Jaunes ? Le bilan de ce mandat ne permet pas de brandir une prétendue menace extrémiste pour les libertés pubiques. La menace, c’est cinq ans de plus de Macron. Et que dire des innombrables affaires qui ont entouré cet exécutif, la proposition de nomination au Conseil Constitutionnel par Richard Ferrand d’une juge liée au classement sans suite de l’affaire des Mutuelles de Bretagne atteignant un sommet dans les conflits d’intérêt. Plus globalement, il est aussi frappant de constatant l’abaissement du niveau des ministres et parlementaires avec cette majorité, culminant avec la présence de Castex à Matignon ou Castaner à l’Intérieur…
9- Chef en temps de crise : ce serait un des atouts majeurs de Macron pour le second tour ! Il aurait l’image d’un président à la hauteur pour gérer les crises. Au contraire, je pense que son bilan est très mauvais. Dans la crise sanitaire, il a toujours réagi en retard. Pour la première vague, nous n’avions pas de masques. Pour la seconde, nous n’avions pas de tests. Pour la troisième, nous n’avions pas de vaccins. Pourtant, d’autres pays, dirigés par des personnes que l’on présente comme moins compétentes, ont été prêts plus tôt : Grande-Bretagne, Etats-Unis, ou Allemagne ont été plus rapides. Idem sur les plans de soutien à l’économie : la France n’a pas été très rapide, suivant le mouvement avec retard, plutôt que montrant l’exemple. Le problème avec lui, c’est qu’il ne s’entoure pas vraiment de pointures, préférant souvent des seconds couteaux qui pensent à peu près tous la même chose, pas vraiment le signe d’un bon chef… Ici encore, on peut penser que Marine Le Pen, parce qu’elle a montré une plus grande ouverture d’esprit à des opinions différentes, serait sans doute une meilleure chef que ce dirigeant bouffi d’ogueil et de certitudes, très mal entouré, et finalement bien superficiel.
10- Union Européenne et Frexit : bien sûr, officiellement, le sujet n’est plus à l’ordre du jour côté Le Pen, malheureusement. Cependant, sur ce sujet, entre un Macron prêt à tout solder ou effacer en France au nom de l’UE, et Le Pen, il est clair que je préfère la seconde. Même si elle n’y changeait pas grand-chose, on peut penser qu’elle cèderait beaucoup moins. Mieux, son programme indique une volonté de remettre en cause la supériorité du droit de l’UE et elle aurait sans doute intérêt à entrer en conflit avec l’UE pendant sa présidence, ses électeurs y étant franchement hostile, comme la Hongrie et la Pologne. En outre, notre position de fort contributeur net et notre immense déficit commercial font que nous n’avons strictement aucun risque à entrer en conflit avec Bruxelles. Bien sûr, je préfererais un Frexit, mais il est clair que je préfère Le Pen à l’Elysée pour gérer notre rapport à l’UE que Macron.
Même si cela peut paraître paradoxal eu égard à certaines de mes prises de position du passé, voilà pourquoi il me semble étonnament évident de choisir Le Pen au second tour pour faire barrage à Macron. En outre, un second mandat, s’il gagnait les législatives, serait sans doute pire que le premier, tant le président sortant se sentirait fort après avoir été réélu sans cohabitation, pour la première fois depuis de Gaulle. Notre pays a besoin de mesure, d’équilibre, et de contre-pouvoirs et le moindre des paradoxes est que c’est une victoire de ce que l’on nomme l’extrême droite qui pourrait bien mieux l’assurer qu’une reconduction de l’extrême-centre super-oligarchiste. Voilà pourquoi il faut voter ler 24, et faire barrage à Macron.