Michéa dévoile les mystères de la gauche

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Dans son dernier essai, Les Mystères de la gauche, qui sort en poche, Jean-Claude Michéa se livre à un salubre exercice d’intelligence critique.
Voici quelques semaines, Jean-Claude Michéa a eu «l’honneur» d’être épinglé dans un dossier du Point (propriété du milliardaire François Pinault, 46ème fortune mondiale) parmi les «néo-conservateurs à la française». Outre le caractère baroque de la liste noire (Jean-Pierre Chevènement, Marine Le Pen, Régis Debray, Eric Zemmour, Arnaud Montebourg, Henri Guaino, Jacques Sapir, Patrick Buisson…), le détournement de la notion de «néo-conservatisme» (courant venu des Etats-Unis et visant notamment à instaurer le marché et la «démocratie», y compris par la force comme en Irak) pour désigner des individus qualifiés d’«antilibéraux, antieuropéens et antimondialistes» (c’est-à-dire l’exact opposé des néo-conservateurs) rendait circonspect.

S’agissait-il donc d’une nouvelle illustration de la crétinisation généralisée n’épargnant pas les médias ou bien d’une grossière manipulation intellectuelle ? Sans doute un mélange des deux, bien que la seconde hypothèse justifie plus clairement l’opération. Depuis toujours, Jean-Claude Michéa n’a eu de cesse précisément d’analyser les concepts et les «étiquettes» utilisés par commodité et peu à peu vidés de leur sens. Se définissant par provocation comme un «anarchiste tory», un anarchiste conservateur à l’instar de son cher George Orwell auquel il a consacré plusieurs essais, Michéa s’attache dans son dernier livre à disséquer ce que la notion de gauche recouvre aujourd’hui.

Sans entraves

Prolongeant la réflexion initiée dans L’Enseignement de l’ignorance et l’empire du moindre mal : Essai sur la civilisation libérale ou Le Complexe d’Orphée, l’auteur dissipe nombre d’idées reçues. Après Marx et Engels, il rappelle que le capitalisme n’est pas une force conservatrice ni réactionnaire, mais totalement moderne, prônant la mobilité, le déracinement, la «révolution» permanente. Selon lui, le ralliement de la gauche au culte du marché et de la croissance illimitée n’est pas une parenthèse ou un dévoiement, plutôt l’aboutissement d’un processus qui naquit dans la «métaphysique du Progrès et du “Sens de l’Histoire“» héritée des Lumières. Michéa démontre clairement que le libéralisme est un bloc au sein duquel le volet «économique» est indissociable du volet «culturel» tandis que la gauche fait mine de déplorer le libéralisme économique et la droite le libéralisme culturel. Pour le philosophe et économiste Friedrich Hayek, le libéralisme (dont il était l’un des brillants défenseurs) réside dans le droit pour chacun de «produire, de vendre et d’acheter tout ce qui est susceptible d’être produit ou vendu». Une telle philosophie a été parfaitement intégrée par l’homme de gauche moderne, à l’image de Pierre Bergé qui déclara «Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ?». Érigeant en devoir «la transgression morale et culturelle sous toutes ses formes», le capitalisme a diabolisé les valeurs traditionnelles, les sentiments naturels d’appartenance, les frontières, le sens des limites, l’attachement à la transmission sous les termes de «conservatisme», de «réaction», d’«ordre moral» ou plus récemment de «néo-conservatisme».

Dans cette entreprise, le «progressiste» et «l’homme de gauche» ont été ses alliés les plus utiles.

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