Les morts vivant du néolibéralisme

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Par Laurent Pinsolle

Jean-François Copé ne fait pas dans la dentelle. Certes, les Français expriment un véritable ras-le-bol fiscal que même Pierre Moscovici reconnaît, mais la feuille de route qu’il a récemment dessiné en cas de retour de l’UMP au pouvoir en 2017 représente un virage d’une brutalité sidérante.

Au secours, Thatcher et Reagan reviennent !

Impossible de ne pas penser à eux devant la radicalité des idées avancées. Il propose de réduire de pas moins de 130 milliards d’euros la dépense publique, dont la moitié servirait pour des baisses d’impôts pour les ménages et les entreprises. Ces dernières bénéficieraient de 40 milliards de baisse de charges sociales. S’il dit vouloir concilier « l’humanisme et la générosité », les 35 heures et le RSA seraient sérieusement remis en question. Il propose de « libérer l’éducation nationale », « libérer le marché du travail » (sur le temps de travail), réécrire les codes de l’urbanisme et du travail, ainsi que réformer notre modèle social (dégressivité des allocations, travail pour les bénéficiaires du RSA).

On ne pourra pas reprocher au président de l’UMP d’incohérence dans les propositions. Il s’agit d’un agenda très clairement néolibéral (même s’il s’en défend), qui fleure bon les années 1980 et le programme du RPR de 1986, qui lorgnait alors ouvertement vers Londres et Washington plus que vers Colombey-les-deux-églises. Il faut dire que les cures d’austérité créent un terrain favorable à de telles idées : hausse de l’endettement, maintien de déficits importants malgré les hausses d’impôt et les coupes budgétaires. L’Etat semble impotent, impuissant et obèse, de quoi provoquer une révolte fiscale et néolibérale sur laquelle Jean-François Copé semble parier, du moins, pour le moment.

Transformer Paris en Athènes

En effet, ce serait le résultat de la potion amère proposée par Jean-François Copé. Fin 2012, le FMI a publié des études sur les plans d’austérité menés en Europe. Avant, on pensait que le multiplicateur budgétaire était de l’ordre de 0,5, à savoir que quand l’Etat baisse ses dépenses d’un point de PIB, il provoque une chute de 0,5 point du PIB, ce qui démontrait théoriquement que l’austérité pouvait marcher. Mais les derniers travaux d’Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, démontrent que le multiplicateur budgétaire se situe entre 0,9 et 1,7, ce qui explique les échecs des plans européens en Grèce, au Portugal et en Espagne, où les gouvernements ne tiennent pas leurs objectifs.

Appliquée à la France, une baisse de 6,5 points du PIB de la dépense publique provoquerait une contraction du PIB de 6 à 11% !!! Bref, l’UMP semble vouloir transformer Paris en Athènes. Il ne manque plus que la baisse des salaires pour être plus compétitif pour compléter le tableau néolibéral, réduire la demande privée et alors, il pourra viser une baisse de la richesse nationale de 20%, comme en Grèce. Avis aux angoissés du poids de l’Etat : il vaut mieux jouer sur la croissance de l’économie pour le réduire que de chercher à le faire en taillant à la hache dans les dépenses car il est possible alors que le PIB chute aussi rapidement que la dépense publique, réduisant l’objectif à néant.

Il est effarant que l’UMP s’engage dans cette voie-là de la sorte. Par delà le manque de crédibilité du fait des deux mandats précédents, il s’agit d’un raisonnement à courte vue, qui, pour surfer sur un sentiment (pas totalement illégitime) de ras-le-bol fiscal, revient à proposer d’appliquer la potion grecque !

Laurent Pinsolle

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