Le tombeau de Bernard Maris
Bernard Maris est mort, assassiné par des fanatiques et des lâches, avec ses collègues de Charlie Hebdo au début du mois de janvier 2015. Il est, à ce jour, le seul économiste a avoir payé de sa vie ce qu’il écrivait. Un livre à sa mémoire sera publié en janvier 2016, et l’on m’a demandé d’écrire le chapitre sur l’économiste, que je connaissais bien. Mais, le texte que j’ai écrit pour ce Tombeau de Bernard Maris (comme on disait au XVIII ème siècle) s’avère être trop long. Je le publie donc ici pour saluer la mémoire de ce grand économiste qui fut aussi, et peut-être surtout, un ami.
Bernard Maris, économiste et pédagogue
Bernard Maris laissera le souvenir d’un remarquable professeur d’économie, d’un homme aux immenses capacités pédagogiques, qui savaient intéresser et même fasciner son auditoire, et qui entraînait sans peine les étudiants sur la piste des principaux concepts et débats de l’économie. Ses élèves, et ils furent nombreux, le diront tout à loisir. Il fut donc économiste par décision, pédagogue par vocation et journaliste par accident. Il lui arrivait d’en plaisanter, même s’il avait bien conscience de continuer cette pédagogie de l’économie quand il écrivait pour Charlie-Hebdo ou qu’il faisait différentes émissions à la radio.
Né dans l’immédiat après-guerre, en 1946, il fut un produit authentique de ce que le système d’éducation républicain faisait de mieux. Mais il fut aussi l’enfant de la reconstruction de la France. Le titre de sa thèse, soutenue en 1975, en témoigne : « La distribution personnelle des revenus : une approche théorique dans le cadre de la croissance équilibrée »[1]. On y retrouve tous les grands thèmes de l’époque, la croissance des revenus, la question d’un « sentier de croissance » équilibré comme l’on disait à cette époque. Il est probable que s’il avait étudié à Paris, il aurait rejoint le courant des « régulationnistes », ces économistes alliant Marx à Keynes, et pratiquant tous aussi bien l’étude empirique avec les outils que leur donnait leur formation initiale d’ingénieure que l’attrait pour la théorie. Mais, ce que l’on appelle « l’Ecole de la Régulation », dont Robert Boyer, Alain Lipietz, Michel Aglietta sont les noms les plus connus, fut largement au départ un produit parisien. Le toulousain dans l’âme qu’était Bernard Maris développa donc ses travaux de manière originale, en parallèle avec cette école, mais en approfondissant des aspects particuliers. Son attirance pour l’œuvre de Keynes et sa (relative) distance avec Marx sont très probablement plus le fait de la géographie, et d’un environnement intellectuel spécifique, que d’un choix réfléchi. Aurait-il été dès cette époque parisien, aurait il fréquenté les bureaux du CEPREMAP de la rue du Chevaleret dans le XIIIème arrondissement, que sa carrière aurait peut-être pris un autre cours. Mais il resta toulousain et cela explique aussi le cours qu’il donna à ses travaux par la suite.
L’économiste engagé
Je connaissais l’économiste ; je découvris l’homme quand, devant le refus[2] des éditions La Découverte de publier ce qui devait devenir le Trous Noirs de la science économique, je frappais en 1999 à la porte des éditions Albin Michel où il officiait. Porteur d’un manuscrit tiré de l’enseignement que je donnais depuis 1993 en Russie, dans le cadre du Haut Collège d’Economie[3], je venais à Maris avec mes préoccupations propres, et surtout le double héritage d’une pensée très tournée vers la théorie (et la méthodologie économique) mais aussi très influencée par ce que j’avais pu vivre en URSS et en Russie depuis la fin des années 1980. Cette rencontre exerça sur moi l’influence la plus bénéfique et la plus durable. Les conseils que Bernard Maris me prodigua permirent au livre, Les Trous Noirs, d’être ce qu’il fut, et ils expliquent une large part de son succès ultérieur.
Mais, les discussions longues et animées que nous eûmes ne furent pas à sens unique. Bernard Maris était fasciné par l’expérience de la transition en Russie. Ce que je pouvais lui en dire le confortait dans nombre de ses opinions. Il avait, certes, déjà écrit (en 1991) Les Sept Péchés capitaux des universitaires[4], où il dénonçait l’arrogance et l’intolérance de certains. Il achevait à cette époque son autre livre, Keynes ou l’économiste citoyen[5], qui fut publié en 1999. Et, dans la figure de John Maynard Keynes, de l’économiste engagé à la fois en théorie mais aussi en politique, de l’homme qui, de partisan du libre-échange dans les années 1920 va se transformer en défenseur du protectionnisme, dans le personnage du « libéral » (au sens anglo-saxon de « whig ») basculant vers le travailliste, il ne pouvait que voir l’opposition éclatante avec ce que de nombreux économistes occidentaux commettaient en Russie. Dans un autre livre, lui aussi publié en 1999, et écrit en parallèle avec son ouvrage sur Keynes, Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles[6], il s’attaquait aux mensonges proférés sciemment par certains économistes.
Il trouva donc dans mon texte de quoi alimenter la saine indignation qui le portait. Des discussions de cette période, je retiens tout d’abord celles portant sur la nécessité d’articuler une critique externe du discours économique dominant à une critique interne. Le fait de montrer que ce discours dominant est incohérent du point de vue de ses propres bases tant théoriques que méthodologiques lui semblait tout aussi important que de montrer la fausseté de ces mêmes hypothèses et les erreurs que l’on pouvait repérer dans la méthodologie des économistes du courant dominant. Bien sûr, il y dénonçait l’imposture d’un Alain Minc ou d’un Jacques Attali. Mais, la partie la plus intéressante, et celle qui nous rapprocha, fut le passage sur les « gourous » des marchés financiers, MM. Merton et Sholes, prix Nobel d’économie 1997, et qui furent emportés par la déconfiture du fonds spéculatif LTCM lors de la crise russe d’août 1998. Or, au-delà de l’anecdote, cette déconfiture marquait celle de la vision probabiliste de l’économie, ce qui était justement l’un des angles d’attaques de Keynes en son temps[7], et que je critiquais avec véhémence dans mon manuscrit. De fait, il y avait une convergence entre la critique que j’argumentais sur la base de l’expérience russe et soviétique et les leçons que Keynes avait tirées de ses premiers travaux[8], leçons que Bernard Maris m’incita à relire.
Sur ses conseils, je m’attelais à une réécriture du manuscrit, pour mieux l’adapter à un lecteur français. Ce fut très profitable. De fait le livre fut publié à quelques semaines de la publication d’une pétition d’étudiants demandant plus de pluralisme dans l’enseignement de l’économie. Ce mouvement, qui donna naissance à la revue Post-Autistic Economics et à la World Economic Association, contribua grandement au succès du livre et à la diffusion de ses idées. De fait, ces idées étaient communes, sur bien des points avec celles de Bernard Maris. Il suffit de lire les deux volumes de L’Antimanuel d’économie publié chez Bréal en 2003 et 2006 pour s’en convaincre.
La question de la méthodologie
Pourtant, l’un des terrains où nous eûmes les discussions les plus acharnées fut celui des bases méthodologiques que doivent se donner les économistes. L’économie tient aujourd’hui une telle place dans nos vies, et peut être plus encore dans les discours où nous baignons, qu’elle cumule les fonctions et mélange les rôles. Elle ne se contente plus d’être une tentative d’intelligence d’un certain nombre de phénomènes de nos sociétés; il lui faut prétendre être l’instance dictant les normes du souhaitable, et par là l’instance de prescription des médecines, souvent d’amères potions, destinées à nous aligner sur ces normes. Pour autant, on ne doit pas être dupe des facilités qui sous tendent les glissements entre ces registres. Il n’y a pas de liens nécessaires unissant la description de ce qui est à celle de ce qui devrait être. De même, déterminer ce qui devrait être n’ouvre spontanément aucun droit à dire comment on pourrait y aboutir. De cela, bien évidemment, Bernard Maris en était conscient, et une large part de sa production en livres et articles en témoigne.
Il adhérait, aussi, au constat que qui est jeu n’est autre que le statut de l’économie et de l’économiste. La question essentielle n’est pas de savoir si l’économie sera ou non une “science dure”. L’opposition entre des sciences réputées molles et celles qui s’affirment dures est déjà suspecte. La véritable distinction est entre les sciences de la nature, qui s’appuient sur des « régularités » induites par cette même nature, et les sciences sociales ou ces mêmes régularités ne sont induites que temporairement par les formes d’organisation que se donnent les hommes entre eux, c’est à dire par les institutions et les organisations. Le problème fondamental n’est pas en définitive le statut de l’économie comme science mais la compréhension par les économistes eux-mêmes des conditions dans lesquelles ils travaillent.
Mais, il avait – phénomène fréquent chez les économistes « hétérodoxes » – une certaine méfiance pour les discussions sur la méthodologie. Il tenait le sujet pour stérile, comme d’ailleurs une majorité des économistes orthodoxes ou « mainstream ». Ce point fut donc l’objet de longues discussions dans le cours de l’année 1999. Si Bernard Maris avait beaucoup de difficultés à concevoir l’économiste comme un scientifique, je défendais la position que ce n’est pas parce qu’une majorité d’économistes ne sont pas des scientifiques, et ne font que l’apologie du système économique en place, que l’on ne peut définir des règles d’une véritable pratique scientifique de l’économie.
L’économiste et la science
Il y a des démarches scientifiques, dont il faut définir les conditions, plus qu’il n’y a de science au sens normatif. Ceci implique une discussion sur les bases méthodologiques, terrain qu’évite soigneusement ce que l’on a appelé l’économie dominante[9].Ces stratégies d’évitement ne sont ni neutres ni fortuites. Elles ont des conséquences importantes en ce qui concerne l’aveuglement progressif des économistes sur leurs propres pratiques. Elles sont aussi fondamentales pour tout discours qui tente d’éviter une controverse en cohérence, autrement dit une vérification par l’extérieur des conditions de formulation et d’usage des énoncés par lesquels il prétend asseoir sa légitimité et sa prééminence sur toutes les autres sciences sociales.
L’objet de la méthodologie n’est pas d’enseigner une discipline, quelle qu’elle soit, mais de permettre au scientifique de jeter un certain regard sur sa pratique. En ce qui concerne l’arrogance, il est d’ailleurs clair que les économistes standards ne craignent personne, eux qui sont souvent suffisants mais rarement nécessaires. Par ailleurs, il est faux de dire que les débats méthodologiques sont stériles; on peut montrer qu’il y a des progrès, au moins sous la forme de détermination de problèmes spécifiques et d’évaluation de démarches différentes. On doit ici ajouter que ceux qui critiquent la méthodologie sont souvent les premiers à en faire, ne serait-ce que pour formuler des critères de “scientificité” dont ils se servent pour retirer toute légitimité à leurs contradicteurs. Enfin, on ne peut pas ne pas être stupéfait devant l’affirmation qu’il pourrait y avoir une connaissance sans critères de la validité de cette dernière. La connaissance de l’économie implique, par définition, que l’on ait une méthodologie, au moins implicite. En fait, il est infantile de croire que l’on puisse se passer de normes et de critères d’évaluation. Mais, si de telles normes et de tels critères sont nécessaires, alors en discuter devient légitime.
Mais, une attaque contre la méthodologie est possible. Certains vont alors soutenir que, certes, des normes sont nécessaires, mais qu’elles sont toutes également justifiées. Telle est l’essence de l’argumentation de Deirdre McCloskey dans son livre sur la rhétorique de l’économie[10]. McCloskey accepte l’idée générale que la méthodologie a pour objet, entre autres, l’évaluation de la solidité des argumentations en fonction de critères donnés. Mais il défend deux thèses particulières, l’une selon laquelle l’adoption d’une méthodologie, quelle qu’elle soit, ne provoque aucun avantage en termes cognitifs, et l’autre qu’il ne saurait y avoir de bon raisonnement hors celui de la majorité. La Vérité étant pour lui une notion vide de sens, seul subsiste l’objectif rhétorique de convaincre le plus grand nombre. Toute argumentation qui a acquis cette capacité devient alors la vérité du moment. Cette thèse a même été poussée dans ses ultimes retranchements par Feyerabend qui prétend qu’il n’existe aucun argument pour choisir une norme ou un critère plutôt qu’un autre[11]. Cette vision extrémiste contient un aspect instrumentaliste (qu’importe les bases de mon raisonnement si la conclusion est opératoire) démarche qui constitue justement une des bases de la méthodologie néoclassique, et dont on peut comprendre que les auteurs qui la défendent souhaitent éviter d’être confrontés à une discussion sur ce point[12]. Daniel Hausman montre que le rejet du concept d’une Vérité transcendante n’implique nullement celui de la nécessité de procédures de vérification[13]. Ces dernières reposent bien entendu sur des partis-pris, mais elles contraignent alors celui qui les formule à un effort de cohérence. Il y a, en réalité, au mieux un grand simplisme, au pire une vision dévoyée de l’activité scientifique dans les démarches qui se parent de l’image du postmodernisme et de la critique radicale. Dire que tout n’est pas testable, qu’il y a du contexte et de la représentation sociale dans toute norme d’évaluation, affirmations qui sont exactes bien entendu, n’implique nullement de dire que rien n’est testable et que tout se ramène au contexte et aux représentations sociales.
Le testable et le non testable
Appliquée à l’économie, et particulièrement à la méthodologie de l’économie, la démarche dite post-moderne refuse de voir dans l’éclatement des normes et critères, dans les incohérences grandissantes au sein de certains argumentaires, un symptôme de la crise de cette discipline. Elle y voit au contraire un état normal des choses. Dès lors, seule compte l’opinion de la majorité, même si celle-ci est incohérente[14]. On peut ainsi proclamer le retour au consensus au sein des économistes, mais c’est au prix de la mutation de ce qui devrait être une démarche analytique en conformisme idéologique. Sheila Dow a ici entièrement raison d’y voir une intolérance de la tolérance[15]. Au-delà, quand on mesure que l’économie n’est pas un espace de pure spéculation mais un espace de pouvoir, qu’il s’agisse d’un pouvoir au sein des institutions universitaires et assimilées ou d’un pouvoir dans la cité politique, on devine l’aspect profondément pervers de ces discours réfutant par avance la possibilité d’une critique minoritaire d’une orthodoxie dominante. Si, comme le prétend McCloskey, il n’est pas de méthodologie mais seulement une rhétorique, les minoritaires ont tort par essence; s’ils avaient raison, ils seraient majoritaires Si, comme le prétendent les post-modernes, tout se vaut et tout s’équivaut, alors pointer des incohérences dans les raisonnements, chercher vérités et erreurs, sont des activités vides de sens. Les postures soi-disant hyper-critiques ne sont en réalité que des apologétiques, à peine honteuses, de l’ordre dominant.
Soutenir que la méthodologie est importante, qu’elle représente un pan de l’activité scientifique auquel on ne peut renoncer sans renoncer à la démarche scientifique elle-même, nous entraîne sur un autre terrain, celui de la vérification de conjecture et de leur testabilité. Le problème est ici particulièrement délicat en économie, et l’un des raisons en est la nature de conjectures utilisées. Un énoncé classique nous en donne un exemple. Pour un grand nombre de collègues il est évident que “L’inflation est partout et toujours un phénomène monétaire “. Ce qui était conjecture autrefois est devenu un dogme car, nous dit-on, largement prouvée par maintes études économétriques. La peur de passer pour un attardé s’efforçant de réinventer la roue est souvent suffisante pour clore sur ce point la discussion. Pourtant, les choses sont bien moins évidentes qu’on ne l’affirme. Outre quelques doutes que l’on peut avoir sur les travaux économétriques eux mêmes, le passage d’une observation à une affirmation devrait faire sourciller tout esprit un peu critique.
Cet énoncé vaut cependant mieux que sa mythification ou son rejet pur et simple; il fonctionne comme les poupées russes emboîtées, et le processus de démontage de l’ensemble est hautement instructif quant aux fondements de l’économie. Soutenir l’existence d’un lien étroit et mécanique entre les variations de la masse monétaire et celles des prix revient à affirmer deux choses différentes, car en vérité on se repose sur une autre conjecture qui peut ainsi s’énoncer: les agents ont des comportements tels qu’un accroissement de moyens de paiement, toutes choses égales par ailleurs, nous conduit à la dévalorisation de ces moyens en comparaison du stock de biens et de services disponibles. Ce qu’il faut alors élucider c’est l’origine de ces comportements. Soit, donc, on affirme qu’ils sont donnés aux agents économiques. Dans ce cas l’énoncé initial n’est rien d’autre qu’une conséquence d’une hypothèse sur des caractéristiques immanentes à la nature humaine. Il existe un personnage, l’homo economicus , programmé de telle manière que, effectivement, un accroissement de l’offre de moyen de paiement entraînera une hausse des prix. Soit on affirme que ces comportements sont déterminés par le cadre institutionnel dans lequel les agents se meuvent. Alors, l’énoncé initial n’a de validité que dans le cas où ces institutions sont réellement réunies. Cette distinction est extrêmement importante pour l’interprétation des résultats des tests économétriques.
Dans le premier cas, l’établissement d’une et une seule relation entre monnaie et inflation suffit pour valider l’énoncé initial. Dans le deuxième au contraire, il faudrait établir cette relation pour la totalité des configurations institutionnelles existantes, passées et à venir, pour qu’il y ait validation. A défaut de tester chaque de ces deux hypothèses sur les comportements, l’établissement d’une relation entre monnaie et prix renvoie à une indétermination théorique. En tous les cas, cette relation ne peut certainement pas permettre de trancher entre les hypothèses de comportement.
La nécessité du dé-emboitage des conjectures complexes
Ceci permet de montrer un point fondamental pour la compréhension du discours économique. Il repose presque toujours sur des conjectures complexes ou emboîtées qui ne sont donc jamais directement testables. Pour pouvoir avancer, il faut dé-emboîter les conjectures, les déconstruire. Alors est-il possible d’en tester certaines, comme c’est le cas avec les hypothèses de comportement des agents. Mais cette possibilité est elle-même limitée. La testabilité des conjectures, dans un domaine ayant trait aux activités humaines, est toujours mise en cause par la multiplicité des paramètres et la nature de ces derniers.
Quand un enseignant en économie prononce devant ses élèves ou étudiants l’expression consacrée “toutes choses étant égales par ailleurs”, il ne fait que nier, à des fins pédagogiques ou démonstratives, cette multiplicité. Il suppose en effet que l’on puisse, dans les activités humaines, modifier un paramètre sans que l’ensemble des relations en soit affecté. Autrement dit que les opérateurs humains cessent de s’interroger sur leur propre futur et de se demander ce que pourrait impliquer pour eux un tel changement. Écrivant cela, on ne récuse pas d’emblée la modélisation, qui repose bien entendu sur cette clause “toutes choses étant égales par ailleurs”. Comme outil pédagogique, elle a bien des attraits. Mais, s’il faut utiliser une comparaison, un modèle n’est jamais qu’un simulateur. Et tout pilote qui s’entraîne sur un simulateur sait que le vol réel peut lui réserver bien des surprises, aussi perfectionnée que soit la machine dans laquelle il s’entraîne. La distinction entre un formalisme mathématique assis sur une axiomatique rigoureuse, et une approche permettant de rendre opérationnels des résultats, a fait l’objet d’un certain nombre de travaux en économie[16]. Ce qui est en cause ici, c’est le passage de la pédagogie à la démonstration. Il n’est d’ailleurs pas innocent que l’on puisse glisser aussi facilement du registre de l’enseignement à celui de la discussion et de la conviction. Dans une démonstration, on prétend emporter l’adhésion de ses égaux, alors que dans un enseignement on transmet dans un cadre hiérarchique des propositions que l’on est en droit de simplifier à loisir. User des méthodes de la pédagogie là où il y a discussion, c’est implicitement nier l’égalité initiale des statuts, et donc subvertir le principe même de la discussion.
Il faut donc se souvenir en permanence, surtout quand on parle de tests économétriques et donc de “preuves” statistiques, que les statistiques ne sont pas la réalité, mais une traduction normalisée de la réalité. Elles ne sont pas, non plus, une pure manifestation de l’imagination du statisticien, personnage en réalité plus honnête qu’on ne le croit, et que les économistes ne veulent l’admettre. Mais, elles ne font que traduire une certaine réalité en fonction d’une norme donnée. La question qu’il faut toujours se poser est de savoir si la norme utilisée a un sens compte tenu de la réalité que l’on veut traduire.
Qu’est-ce qui « fait science » ?
Il serait facile d’en déduire le non-lieu scientifique de l’économie. Mais une telle proposition, dont on peut comprendre les origines quand on observe à quel point le discours économique est instrumentalisé pour dire une chose et son contraire, repose en réalité sur une illusion: serait scientifique ce qui produirait de la Vérité. Or, et au contraire de la tradition issue de Karl Popper, il est difficilement admissible de croire en une progression régulière sur la base de l’interaction entre des conjectures réfutables et des expériences pertinentes[17]. De ce point de vue, la tradition méthodologique de l’économie standard ou dominante est lourdement fautive.
L’économie dominante s’est ralliée dès 1938 aux thèses de Karl Popper[18], et a voulu chercher dans le principe de réfutation, le falsificationisme, une garantie de scientificité. La démarche de Popper est en effet attrayante au premier abord pour une économie découvrant les délices de l’économétrie et supposant qu’elle pourrait bientôt tester la totalité de ses conjectures. Ceci permettait aussi d’esquiver le débat sur le réalisme des hypothèses initiales, débat porté par les courants contestataires qu’ils soient institutionnalistes ou marxistes. Enfin, cette démarche était cohérente avec le parti-pris de rigueur axiomatique introduit par Walras à la fin du XIXème siècle [19]. La référence à Popper va rester un point obligé pour les quelques économistes de ce courant intervenant dans le domaine de la méthodologie[20]. Le modèle visé étant ici la science physique[21], avec en particulier la proposition de Paul Samuelson de prendre comme base de départ l’hypothèse ergodique[22], et l’objectif affiché celui d’obtenir pour l’économie le statut d’une science “dure”[23]. Dans le même temps, elle fonde l’instrumentalisme de Milton Friedman, qui récuse d’emblée tout débat sur le réalisme des hypothèses[24].
On passe alors, pour reprendre la formule de Bruce Caldwell à un empirisme logique qui succède au positivisme logique[25]. Cet instrumentalisme va se retrouver en dehors même du courant néoclassique; Oliver Williamson, l’un des “pères” du néo-institutionnalisme va ainsi encore prétendre en 1985 que le caractère potentiellement falsifiable d’une conjecture est plus important que son réalisme[26].
Or, le falsificationisme poppérien soulève plus de problèmes qu’il ne peut en résoudre. Il se heurte tout d’abord à la conjecture de Duhem et Quine[27]. Pour que la testabilité soit robuste au sens de Popper, il faudrait que l’on puisse tester les conjectures seules et que les méthodes d’évaluation des résultats ne soient pas chargées en théorie. Ce problème, déjà important en physique, devient rédhibitoire en économie où les agrégats utilisés pour quantifier ne font que normaliser une réalité à partir de conjectures théoriques implicites[28]. Un second problème tient à la nature des prévisions par rapport au mode de testabilité. Dans la grande majorité des cas les prévisions sont qualitatives (la création monétaire est source d’inflation), alors que la vérification est quantitative[29]. Un troisième tient à la manière même dont Popper utilise la réfutation et la falsification. Pour lui la falsification doit engendrer un rapprochement des théories avec la réalité, et le progrès théorique doit se mesurer à la capacité à expliquer des faits nouveaux. Or, non seulement Popper lui-même admet que le premier critère est invalidable[30], mais de plus l’économie vérifie toujours ses conjectures sur des événements passés[31]. Dans ces conditions, on ne doit pas s’étonner d’une très large remise en cause de l’applicabilité de la méthodologie poppérienne[32].
La crise méthodologique de l’économie dominante
Les limites de cette méthodologie ont entraîné un certain nombre d’économistes qui refusent d’abandonner l’empirisme logique à se pencher vers l’œuvre de Imre Lakatos[33]. Ce dernier propose de mettre l’accent sur des programmes de recherche qui seraient définis par un noyau dur d’hypothèses, réputées infalsifiables, et une ceinture protectrice d’hypothèses, elles falsifiables et réfutables, et pouvant être remplacées. La cohérence, et la scientificité d’un tel programme de recherche découlant de la capacité du noyau dur à engendrer des prévisions et de sa cohérence interne. Lakatos appelle ainsi dégénérescence d’un programme l’introduction, au sein du noyau dur, d’hypothèses ad-hoc. Une telle démarche présente tout à la fois des différences substantielles et des ressemblances avec celle de Popper. La notion de noyau dur, l’idée que le progrès scientifique puisse venir de la corroboration de conjectures et non de leur réfutation marquent les différences. Néanmoins, l’accent mis sur la testabilité, ou la falsification, ainsi que l’idée de prévision, renvoient clairement au cadre poppérien. Les économistes du courant standard, ou mainstream, ont rapidement vu l’intérêt d’une telle approche. Le noyau dur du programme de recherche qualifié alors de scientifique (ce qui implique que les autres ne le sont pas…) est alors caractérisé par la théorie des préférences de l’agent, l’hypothèse d’individualisme méthodologique et la maximisation sous contrainte[34]. La définition d’un tel noyau dur est cependant loin d’être facile, compte tenu des tensions internes de ce courant[35]
Néanmoins, avant même que ces économistes aient commencé à se référer explicitement à la démarche de Lakatos, d’autres travaux en avaient montré les limites. Ainsi, la part poppérienne chez Lakatos est tout aussi vulnérable que Popper lui-même au problème de Duhem-Quine, comme le montre l’impossibilité par exemple de trancher entre un programme de recherches monétariste ou keynésien sur la base des critères proposés par Lakatos[36]. Il faut aussi ajouter que, comme signalé à propos de Popper, le fait de l’économie procède par relecture successive de problèmes et d’événements et non par prévision et prédiction, rend inapplicable la méthodologie proposée par Lakatos[37]. Par ailleurs, si on applique cette méthodologie au courant dominant en économie, il est clair que ce dernier a procédé, depuis la fin des années soixante-dix, à l’introduction d’un certain nombre d’hypothèses ad-hoc dans son noyau dur, comme la prise en compte des institutions. En ce sens, on pourrait soutenir que, du point de vue de la démarche de Lakatos, le programme de recherche du courant standard ou « mainstream » est effectivement dégénéré. Dans ces conditions, on doit constater une crise méthodologique au sein du courant dominant.
Une crise et son enjeu
Sheila Dow, un auteur du courant keynésien radical qui était l’alma mater théorique de Bernard Maris, a montré[38] que les différents auteurs du “mainstream” s’opposent désormais entre un camp se réfugiant dans une axiomatique irréaliste, dans la tradition ouverte par Friedman en 1953, et un autre recourant à l’empirisme, mais sans garde-fous si ce n’est que techniques en matière de procédures de vérifications[39]. Dans un tel contexte, on comprend alors l’intérêt que suscitent au sein de ce courant les théories déniant toute importance à la méthodologie, qu’il s’agisse des thèses sur la pure dimension rhétorique de l’économie, défendue par McCloskey, ou des positions de type post-moderne se réfugiant dans l’hypercritique[40]. Or, comme on l’a indiqué, ces deux approches ont pour effet immédiat de transformer l’économie en pure apologétique. Les thèses de McCloskey sur la dimension rhétorique soulèvent un problème réel. Il serait naïf de nier une dimension rhétorique au discours économique. Il n’en reste pas moins qu’en en faisant la seule dimension possible, il aboutit à cette merveilleuse thèse panglossienne que, les bonnes conjectures étant les plus convaincantes, la majorité a toujours raison car elle a été convaincue. Peut-être est-il bon, alors, de rappeler cette citation de W. Jevons, que tout chercheur en sciences sociales se devrait de connaître par coeur: “Un calme despotique est le triomphe de l’erreur; dans la République des Sciences, la sédition et même l’anarchie sont dans le long terme favorables au plus grand bonheur du plus grand nombre“[41].
Sur ce dernier point, nous nous rejoignîmes avec Bernard Maris. J’espère l’avoir convaincu de la nécessité impérieuse pour les économistes hétérodoxes de critiquer non seulement le discours de leurs collègues « mainstream » mais aussi les basses méthodologiques de ce discours qui permettent justement de présenter comme « scientifique » ce qui n’est qu’une vulgaire apologétique de l’ordre dominant.
Mais, je ne savais pas à l’époque que nous allions nous rejoindre avec Bernard Maris sur un autre sujet, aux conséquences considérables.
La rupture avec l’Euro
Je publiais un deuxième livre sous la direction de Bernard Maris, et bénéficiait aussi beaucoup de ses conseils. Cet ouvrage, Les économistes contre la démocratie, (publié en 2002), était en partie le résultat des nombreuses discussions que nous avions eues en 1999 au sujet de l’inconscient politique, largement anti-démocratique, de nombre de nos « chers collègues ». Bernard Maris était profondément convaincu de la menace de ce que nous appelions « l’expertisme » faisait courir à la démocratie. Nous en avions longuement débattu ensemble et ce n’est pas trahir sa mémoire que de dire qu’il voyait dans cet « expertisme » l’une des principales menaces pour nos liberté. Les événements de Grèce de l’été 2015 ont amplement validé cette crainte. Mais Bernard était mort, dans les circonstances que l’on sait, tombé sous les balles du fanatisme et de la stupidité au début de janvier 2015. Il est aujourd’hui le seul économiste à avoir été assassiné pour ses idées en France. Dès cette élection, immédiatement, se mit en place un bras de fer spectaculaire entre les institutions européennes et le gouvernement légitime de la Grèce. On sait, hélas, comment cette histoire de termina (du moins pour l’instant).
Cette évolution, il l’avait cependant anticipé quand, dans une série d’articles, il avait annoncé à la face souvent éberluée de certains de ses amis politiques (en particulier à EELV dont il était un des responsables) qu’il « virait sa cutie ». Car Bernard Maris, et c’était l’objet de nombreuses discussions entre nous, était resté tardivement un partisan de l’intégration européenne, même si ses doutes devenaient de plus en plus évidents au fur et à mesure que le temps passait.
En effet, en 2014, « oncle Bernard », pour reprendre le pseudonyme dont il usait pour ses chroniques dans Charlie-Hebdo, s’était prononcé pour une sortie de l’Euro dans une série de trois papiers qui furent publiés le 9, le 16 et le 23 avril 2014. Mais, cette prise de position importante, qui eut son retentissement dans les milieux qu’il fréquentait, on pouvait déjà la lire dans l’une de ses chroniques datant de décembre 2010. Il écrivait dès cette époque : « Moi-même, je pense qu’il y aura une nouvelle crise financière, que la zone euro éclatera, que l’Europe se balkanisera — elle est déjà balkanisée. Mais un certain nombre d’événements surgis depuis dix ans n’étaient pas prévisibles : la méga-crise financière, qui pouvait vraiment la prévoir ? Les Twin Towers ?[42]» Comment ne pas lire dès ce moment là les doutes qui le taraudaient ? Il y avait, aussi, la prise de conscience de la nature profondément tragique du monde. Bernard Maris était ici aux antipodes, lui le fils de républicains espagnols, de la vision du monde des « bisounours » qui caractérise, hélas, une bonne partie de la gauche radicale.
Il avait expliqué son changement de position dans ces 3 papiers qui furent publiés trois semaines suivantes. Dans le premier, il faisait l’autocritique de ses propres positions en faveurs d’un fédéralisme européen, non qu’il pensait que cet objectif fut nocif, mais parce qu’il admettait qu’il était inatteignable et qu’a se réclamer de ce qui était à l’évidence une utopie nous encourrions les plus grands dangers dans le monde réel. Il faut relire ce qu’il écrivait à cette époque car, tout comme sa chronique de 2010, les mots qu’il utilise sont prémonitoires : « J’ai voté oui à Maastricht, oui au traité Constitutionnel. Aujourd’hui je pense qu’il faut quitter la zone euro. Il n’est jamais trop tard (même s’il est bien tard) pour reconnaître qu’on s’est trompé. J’ai cru, pauvre nigaud, qu’une monnaie unique nous mettrait la voie d’une Europe fédérale.
Donc monnaie unique, pouvoir régalien de battre monnaie supranational, tout ça conduisait à un État fédéral. Idiot. (…)
Les français ont également payé affreusement la politique de l’euro fort. Pourquoi une politique de l’euro fort ? Parce que l’industrie allemande est heureuse avec un euro fort, et parce que les rentiers du monde entier sont heureux avec un euro fort. (…)Une monnaie forte est faite pour les prêteurs (les rentiers), une monnaie faible pour les emprunteurs (les ménages, les entreprises si elle sont situées en bas de l’échelle de production, si leurs produits sont en concurrence). L’euro fort a détruit l’industrie française. D’autres facteurs ont aidé : la nullité des patrons français, l’insuffisance de la recherche, le transfert massif des « intelligences » (sic) vers la finance au détriment de l’industrie.
Soit on reste dans l’euro, et on accepte qu’il n’y ait plus aucune industrie en France, qu’il ne reste que du tourisme et un peu d’industrie informatique liée aux média, mais ni avions, ni industrie pharmaceutique, ni biotechnologies, ni voitures évidemment, ni rien, soit ont sort de l’euro et on sauve ce qui peut être sauvé.
Pourquoi faudrait-il sauver l’industrie, ducon? Parce que la recherche appliquée peut booster la recherche fondamentale : il y a une synergie entre les deux. Si l’on veut une recherche de qualité, il faut un minimum d’industrie (cela dit, on peut se foutre complètement de la recherche et dire « vive les Amish », ce que je comprends). Si l’on veut une « transition énergétique », il faut un minimum d’industrie.
Mais si on sort de l’euro, tout se casse la gueule, non ?
Et non[43] ».
On retrouve ici l’immense honnêteté, mais aussi l’immense courage, de l’économiste et de l’homme. Ils sont fort rares les économistes qui reconnaissent ainsi s’être trompés.
Il mettait le doigt sur les incohérences d’une certaine gauche radicale qui dit vouloir une autre politique économique et la transition énergétique mais qui a des pudeurs bien étrange dès que l’on aborde les conditions nécessaires à ces politiques. Mais, en prenant ces positions, Bernard Maris savait aussi qu’il brisait un tabou et surtout il reconnaissait, de manière extrêmement argumentée que l’Euro était incompatible tant avec le développement économique des pays de l’Europe du Sud et de la France qu’avec la démocratie.
Car, ces trois textes de Bernard Maris, il faut aussi les mettre en perspective avec le reste de sa production intellectuelle. Le Bernard Maris qui écrit cela est le même qui dialogue avec Houellebecq[44] sur la question des dérives du libéralisme et sur l’impossibilité de la démocratie dans un univers où désormais seules décident les normes et les règles. C’est le même Bernard Maris qui écrit aussi Et si on aimait la France, son livre posthume[45] ou, sans le dire, il revient sur la question nationale à partir justement de sa critique d’une certaine économie.
Il faut donc lire et relire Bernard Maris pour comprendre la profondeur de ses idées qu’il cachait, par humilité ou par timidité, sous une écriture souvent gouailleuse et toujours humoristique. Bernard Maris fut un grand pédagogue, mais il ne fut pas que cela. Il fut un grand économiste et sa voix, toujours chaleureuse, parfois goguenarde, nous manquera.
Notes
[1] Maris B., La distribution personnelle des revenus : une approche théorique dans le cadre de la croissance équilibrée, thèse pour le doctorat es Sciences Economiques préparée sous la direction de Jean Vincens, université de Touluse-1, Toulouse.
[2] Refus motivé par la mauvaise santé financière des éditions La Découverte fin 1998, ce que je comprenais parfaitement.
[3] Cet enseignement donna naissance à un livre publié en russe K Ekonomitcheskoj teorii neodnorodnyh sistem – opyt issledovanija decentralizovannoj ekonomiki (Théorie économique des systèmes hétérogènes – Essai sur l’étude des économies décentralisées) – traduction de E.V. Vinogradova et A.A. Katchanov, Presses du Haut Collège d’Économie, Moscou, 2001, dont la parenté avec les Trous Noirs de la Science Economique est évidente, mais dont l’organisation est radicalement différente car ce livre se veut un manuel.
[4] Maris B. Les Sept Péchés Capitaux des Universitaires, Paris, Albin Michel, 1991.
[5] Maris B., Keynes, l’Economiste Citoyen, Paris, Presses de Sciences Po, 1999.
[6] Maris B., Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles, Paris, Albin Michel, 1999.
[7] Keynes, J. M., Treatise on Probability, Londres, Macmillan & Co, première édition 1921.
[8] Ces leçons sont fort bien présentées dans Muchlinski E., « Épistémologie et probabilité chez Keynes », in L’Actualité Economique, Volume 79, numéro 1-2, mars-juin 2003, p. 57-70.
[9] Voir ainsi E.R. Weintraub, “Methodology doesn’t matter, but history of thought might”, in S. Honkapohja, (ed.), Wither Macroeconomics?, Basil Blackwell, Oxford, 1989.
[10] D. McCloskey, The Rhetoric of Economics, University of Wisconsin Press, Madison, Wisc., 1985.
[11] P. Feyerabend, Against Method: Outline of an Anarchistic Theory of Knowledge, Verso Edition, Londres, 1975.
[12] Pour une critique de la dimension instrumentaliste chez McCloskey, U. Mäki, “How to Combine Rhetoric and Realism in the Methodology of Economics”, in Economics and Philosophy, vol. 4, n°1/1988, pp. 89-109; Idem, “Realism, Economics and Rhetoric: a Rejoinder to McCloskey”, in Economics and Philosophy, vol. 4, n°1/1988, pp. 167-169.
[13] D. Hausman, The Inexact and Separate Science of Economics, op.cit., pp. 264-268.
[14] M. Bleaney, “An Overview of Emerging Theory”, in D. Greenaway et alii, (eds.), Companion to Contemporary Economic Thought, Routledge, Londres et New York, 1991.
[15] S.C. Dow, “Mainstream Economic Methodology”, in Cambridge Journal of Economics, vol. 21, n°1/1997, pp. 73-93, p. 87.
[16] Voir par exemple F.H. Hahn, “Keynesian economics and general equilibrium theory: reflections on some current debates” in G.C. Harcourt, (ed.), The Microfoundations of Macroeconomics , Macmillan, Londres, 1977. B.J. Loasby, The Mind ans Methods of the Economist: A critical appraisal of major economists in the XXth Century , Edward Elgar, Aldershot, 1989, en particulier chapitre 8. D.M. Haussman, The Inexact and Separate Science of Economics , op.cit..
[17] T.S. Kuhn, La Structure des Révolutions Scientifiques, Flammarion, coll. Champs, Paris, 1983, 2ème édition.
[18] Voir T.W. Hutchison, The Significance and Basic Postulates of Economic Theory, Macmillan, Londres, 1938.
[19] A. Insel, “Une rigueur pour la forme: Pourquoi la théorie néoclassique fascine-t-elle tant les économistes et comment s’en déprendre?”, in Revue Semestrielle du MAUSS, n°3, éditions la Découverte, Paris, 1994, pp. 77-94.
[20] Par exemple M. Blaug, The Methodology of Economics , Cambridge University Press, Cambridge, 1980.
[21] P. Mirowski, “How not to do things with metaphors: Paul Samuelson and the science of Neoclassical Economics”, in Studies in the History and Philosophy of Science, vol. 20, n°1/1989, pp. 175-191. Pour une critique plus générale sur le modèle de scientificité de la physique, P. Mirowski, More heat than light, Cambridge University Press, Cambridge, 1990.
[22] P.A. Samuelson, “Classical and Neoclassical theory”, in R.W. Clower, (ed.), Monetary Theory, Penguin, Londres, 1969.
[23] J. Cartelier et A. D’Autume (eds), L’économie est-elle une science dure?, op.cit..
[24] M. Friedman, “The Methodology of Positive Economics”, in M. Friedman, Essays in Positive Economics, University of Chicago Press, chicago, 1953, pp. 3-43.
[25] B. Caldwell, Beyond Positivism: Economic Methodology in the Twentieth Century, op.cit.. Voir aussi W. Mason, “Some negative thoughts on Friedman’s Positive Economics”, in Journal of Post-Keynesian Economics, vol. 3, n°2/1981, pp. 235-55.
[26] O.E. Williamson, The Economic Institutions of Capitalism, Firms, Market, Relational Contracting, Free Press, New York, 1985, pp. 391-2.
[27] P. Duhem, The Aim and structure of Physical Theory, Princeton University Press, Princeton, NJ, 1954. W. Quine, “Two Dogmas of Empiricism”, in W. Quine, From a Logical Point of View, Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1953, pp. 20-46.
[28] D.W. Hands, “Popper and Lakatos in Economic Methodology”, in U. Mäki, B. Gustafsson et C. Knudsen, (eds.), Rationality, Institutions & Economic Methodology, op.cit., pp. 61-75. J.J. Klant, “Refutability”, in Methodus , vol. 2, n°2/1990, pp. 34-51.
[29] D.W. Hands, “Popper and Lakatos in Economic Methodology”, op.cit., p. 64.
[30] K. Popper, Realism and the Aim of Science, Rowman & Littlefield, Totowa, NJ, 1983, p. xxxv.
[31] D.W. Hands, “Popper and Lakatos in Economic Methodology”, op.cit., p. 65.
[32] D.W. Hands, Testing, Rationality and Progress: Essays on the Popperian Tradition in Economic Methodology, Rowman & Littlefield, Latham, NJ, 1992. D.M. Hausman, “An Appraisal of Popperian Methodology” in N. de Marchi, (ed), The Popperian Legacy in Economics, Cambridge University Press, cambridge, 1988, pp. 65-85. U. Mäki, “Economic Methodology: complaints and guidelines”, in Finnish Economic Papers, vol.3, 1990, n°1, pp. 77-84.
[33] I. Lakatos, “Falsification and the Methodology of Scientific Research Programmes”, in I. Lakatos et A. Musgrave, (eds.), Criticism and the Growth of Knowledge, Cambridge University Press, Cambridge, 1970, pp. 91-196.
[34] E.R. Weintraub, General Equilibrium Analysis, Studies in Appraisal, Cambridge University Press, Cambridge, 1985. M. Blaug, “Ripensamenti sulla rivoluzione keynesiana”, in Rassegna Economica, vol. 51, n°3, 1987, pp. 605-634.
[35] G. Fulton, “Research Programmes in Economics”, in History of Political Economy, vol. 16, n°2, 1984, pp. 27-55.
[36] R. Cross, “The Duhem-Quine thesis, Lakatos and the Appraisal of Theories in Macroeconomics”, in Economic Journal, vol. 92, n°2, 1982, pp. 320-340.
[37] D.W. Hands, “Popper and Lakatos in Economic Methodology”, op.cit., p. 68. Voir aussi D.W. Hands, “Second Thoughts on Lakatos”, in , History of Political Economy, vol. 17, n°1, 1985, pp. 1-16.
[38] S.C. Dow, Dow, “The appeal of neoclassical economics: some insights from Keynes’s epistemology”, in Cambridge Journal of Economics , vol. 19, n°5, 1995, pp. 715-733, et du même auteur “Mainstream Economic Methodology”,op.cit, p. 80-81.
[39] Voir sur ce point la discussion in O. Hamouda et R. Rowley, “Ignorance and the Absence of Probabilities”, in C. Schmidt, (ed.), Uncertainty in Economic Thought, Edwar Elgar, Cheltenham, 1996, pp. 38-64.
[40] J. Doherty, E. Graham et M. Malek, (eds.), Post-modernism in Social Sciences, Macmillan, Londres, 1992; voir en particulier l’introduction à ce volume. B. Barnes et D. Bloor, “Relativism, rationalism and the sociology of lknowledge”, in M. Hollis et S. Lukes, (eds.), Rationality and Relativism , Basil Blackwell, Oxford, 1982, pp. 21-47.
[41] W. Jevons, The Theory of Political Economy, Macmillan, Londres, 1871, p. 266.
[42] In Charlie Hebdo, n° 965, 15 décembre 2010.
[43] Charlie Hebdo, 9 avril 2014, page 6.
[44] Maris B., Houellebecq économiste, Flammarion, 2014
[45] Maris B., Et si on aimait la France, Paris, Grasset, 2015