J’apprends avec stupeur le décès de Jean-François Pépin avec qui j’ai eu l’honneur et le grand plaisir de travailler pendant une vingtaine d’années passionnantes.
Nous nous étions connus lors de la parution de mon livre Managez vos associations dont il avait fait sa source d’inspiration pour mener à bien la transformation d’une grande fédération associative, la PEEP (les Parents d’élèves de l’enseignement public) où il venait de prendre ses fonctions comme directeur général. Sa démarche fut radicale: une aussi grande organisation qui aurait perdu sa raison d’être n’est plus qu’une bureaucratie sans raison d’exister. Nous lançâmes donc un atelier d’ampleur nationale sur le thème “Qu’est-ce qu’être parent d’élève dans l’enseignement public aujourd’hui?“. Le mode opératoire choisi était issu sur une simplification de la méthode KJ sur laquelle j’ai conduit beaucoup de recherche appliquée. Nous avons conçu et testé une méthode qui permet l’expression des idées de chacun partir des faits vécus et indépendamment des idéologies et des jugements sommaires. 16000 parents participeront à des ateliers qui, par une méthodologie rigoureuse conciliant créativité et rigueur, permit de faire émerger une raison d’être fédérative permettant d repenser le rôle et l’organisation du mouvement;
Cette expérience contribua grandement au développement de mes travaux sur les systèmes émergents et autorégulateurs que j’applique aujourd’hui au pilotage des villes.
Nous avions commis une grosse erreur avec Jean-François: ne pas porter assez d’attention à la prise du pouvoir et considéré que notre démarche avait créé un système suffisamment auto régulateur pour se passer d’un dirigeant pertinent. Les membres du conseil d’administration, pris dans leurs rivalités internes, élirent le plus médiocre et notre démarche de projet associatif s’effondra.
Mais nous avions développé avec Jean-François Pépin une théorie et une pratique du management associatif. Il fut licencié de la PEEP mais se présenta l’opportunité de recruter un nouveau délégué général pour le CIGREF, l’association des directeurs informatiques français. Jean-François ne connaissait absolument rien à l’informatique et parlait très mal anglais. Je défendis devant les administrateurs l’idée de recruter un véritable professionnel du management associatif et non un super informaticien de plus. Jean-François fut recruté et ce fut le début d’une nouvelle aventure au CIGREF où nous avons implanté une démarche participative permettant d’en concevoir une stratégie axée sur l’impact des technologies numérique sur le l’organisation et non sur la fascination sur les technologies. Il fit du CIGREF une véritable association vivante, nourrissant la vitalité stratégique de ses organisations membres, jusqu’à son départ en retraite en 2017.
Jean-François était un homme d’une exceptionnelle probité, d’une très haute éthique où son professionnalisme visait à développer les compétences des administrateurs des associations et non à les mettre sous sa tutelle. Un expert qui éduque et rend libre et qui ne soit pas obsédé par le pouvoir. Il restera pour moi un homme chaleureux modeste, très compétent, un modèle de dirigeant. Je continuerai à m’en inspirer dans mes travaux sur les systèmes émergents, la démocratie directe et la qualité des dirigeants.