Etienne Chouard est poursuivi par la LICRA, une des nombreuses officines de la police de la pensée. De quoi s’agit-il ? Dans un entretien avec Denis Robert sur la TV « le média » Etienne Chouard s’est fait piégé provoquant l’émoi des bien-pensants qui crurent trouver (enfin) matière à le faire passer pour un négationniste et un antisémite. Bien entendu, Etienne Chouard n’est rien de tout cela et n’a aucun lien ni aucune sympathie pour les propagateurs et les zélateurs de ces théories.
Etienne est un vieux copain chez qui je logeais quand je donnais mes cours à Aix-en-Provence. J’ai déjà raconté comme nous étions proches, comme nous nous sommes réciproquement enrichis, lui avec ses innombrables lectures et sa boulimie de connaissance, moi, le professeur qui vérifie les sources, objecte, reformule dans le souci de soutenir l’insertion de cette belle pensée hétérodoxe dans les circuits légitimes de la culture académique. Bien qu’il se présente comme un bouffeur de curé, Etienne est un humaniste chrétien qui croit que tout individu est rachetable, peut sortir de l’aliénation par une éthique de la discussion. Il considère chacun et tout le monde comme un être humain digne et capable de pensée. Pour Etienne, on doit tout lire, parler avec tous, ne rien accepter pour argent comptant, et surtout, et c’est là ce que lui reprochent les bien-pensants, ne pas tenir compte ex-ante de la posture politique des gens pour les qualifier ou les disqualifier sans les lire ou les écouter.
Le succès qu’il rencontre avec sa stratégie de construction d’une expression indépendante du peuple, et l’impossibilité de le récupérer, lui a vite attiré l’hostilité du gauchisme mondain. Comme contre tout ceux qui s’opposent au système, celui-ci ressort sa vieille massue : le procès pour crypto nazisme et racisme.
Dans cet entretien – dont la première partie est de bonne qualité et éclaire très bien sa posture et sa pratique -, Etienne a eu la bêtise de saisir un attrape-nigaud. Le thème de l’entretien n’avait absolument aucun rapport avec les chambres à gaz, d’où sa surprise quand la question est tombée. Surprise, mais aussi colère, sentant le piège de la réponse obligatoire et conforme. Il sent le piège mais tombe dedans. Il n’a pas les heures de vol du professeur Didier Raoult qui cloue le bec à un J.J. Bourdin qui, dans son désir de le discréditer, veut lui faire dire que les médecins qui n’ont pas prescrit la chloroquine à leurs patients les ont délibérément tués. La réponse qu’il a faite « je n’y connais rien » et « je n’ai rien lu là-dessus » est bien sûre outrancière, inacceptable et surtout inexacte, et, bien mise en scène, on comprend l’émoi – programmé -qu’elle a pu causer.
Ceux qui le connaissent savent le grand soin qu’il met à argumenter ses positions et analyses et son souci de ne se ranger à une position qu’à la condition d’avoir des références, des lectures, des expériences, en refusant par principe de se ranger à une orthodoxie. Il a toujours en tête les mots d’Edouard Saïd « Rien n’est plus répréhensible à mes yeux que cette disposition à fuir, cette désertion si caractéristique d’une position de principe difficile dont on sait pertinemment qu’elle est juste. Cette peur de paraître trop politique et revendicatif, ce besoin d’approbation de la part d’un tenant de l’autorité ; ce désir de maintenir une réputation d’objectivité et de modération dans l’espoir d’être sollicité, consulté ou de siéger dans quelque comité prestigieux, afin de se maintenir au sein du courant dominant, et de recevoir peut-être un jour un diplôme, un prix, une ambassade »
Il a, bien sûr, lu, certes peu, sur les chambres à gaz. Etienne n’est pas passionné par l’histoire de la II° guerre mondiale en général. J’ai eu l’occasion, dans nos, longs entretiens qui se terminaient tard dans la nuit, de lui faire découvrir des lectures comme le livre de Zalmen Gradowski « Des voix sous la cendre » qui rassemble des manuscrits enterrés sous la centre par les membres du sondercommando pour témoigner du processus d’extermination dans les chambres à gaz, qui l‘a saisi d’effroi.
La question des chambres à gaz est par nature sujette à toutes les manipulations puisqu’on a peu de sources – elles ont été soigneusement détruites par les bourreaux – et qu’elles sont discordantes. Raul Hilberg, auteur de l’ouvrage fondamental « la destruction des juifs en Europe », déclarait dans un entretien au Nouvel Observateur en 1982 « Je dirai que, d’une certaine manière, Faurisson et d’autres, sans l’avoir voulu, nous ont rendu service. Ils ont soulevé́ des questions qui ont eu pour effet d’engager les historiens dans de nouvelles recherches. Ils nous ont obligé́ à rassembler davantage d’informations, à réexaminer les documents et à aller plus loin dans la compréhension de ce qui s’est passé.” Les révisionnistes – dont aucun n’était historien, Faurisson était professeur de lettres – ont soulevé quantité de points de détail sur l’impossibilité technique et pratique de l’extermination par chambres à gaz homicides, qui ont dû être pris en compte par les vrais historiens.
Cette question est aujourd’hui tranchée et les révisionnistes et leur « méthode hypercritique » qui excipe du fait que certains détails mineurs ne sont pas clairs pour invalider l’ensemble d’une analyse, apparaissent aujourd’hui pour ce qu’ils sont : des pervers de la pensée au service d’une idéologie bien précise.
Pour Etienne Chouard, qui n’est pas historien comme moi, la seconde guerre mondiale n’est pas son sujet. Son sujet est la nature des institutions. Mais le débat sur le nazisme nous permet de comprendre les idées qui ont permis qu’une large majorité de ce qui était alors considéré comme le peuple le plus cultivé de la terre, se convertisse à une idéologie totalitaire qui a permis et créé le processus d’extermination de masse. Comment un peuple peut-il renoncer à l’exercice de son pouvoir pour le confier à des tyrans, voilà un sujet de fond. Dans une série de conférences prononcées en 1941 aux Etats-Unis, le philosophe Leo Strauss – encore un qui ne rentre pas dans les cases de la pensée officielle et que des crétins gauchistes rendent responsables de la guerre en Irak alors qu’il est mort en 1963 – analysait le nihilisme allemand qui est au fondement du nazisme, comme le désenchantement face à une civilisation qui ne tient plus ses promesses.
Dans son entretien sur Le media, Etienne Chouard évoque les récits de Daniel Guérin qui a parcouru l’Allemagne à vélo juste avant la prise de pouvoir de Hitler. Il raconte ses conversations avec les jeunes conquis par le nazisme où ils trouvaient un retour de l’enchantement que l’Allemagne ne leur apportait plus. Fort pertinemment Strauss analysait le nihilisme comme cette déception d’une civilisation qui ne tient plus ses promesses, et notait que le nihilisme ne peut concerner que les peuples instruits qui ont connu la civilisation. Le nihilisme est un luxe de riches plongés dans les affres du déclin et du désespoir. Daniel Guérin remarquait que les arguments des jeunes nazis étaient justes et que leurs motifs étaient légitimes. Le Traité de Versailles était une grande bêtise et le comportement de l’armée française dans l’occupation de la Ruhr a inutilement blessé le peuple allemand. A-t-on le droit de le dire sans passer pour un apologiste du nazisme ?
Oui, il faut le dire au moment où la France subit un nouvel assaut très violent du nihilisme avec l‘arrivée au pouvoir par défaut des Verts à la tête de grandes villes, avec cette volonté de les couper du peuple arriéré des périphéries, de la régression industrielle, de détruire notre indépendance énergétique, de diluer l’identité française dans un magma mondialiste. On les voit s’allier avec la mafia de la famille Traoré sous le drapeau de la « lutte contre le changement climatique » avec ce besoin de s’agenouiller et de s’humilier au nom d’une culpabilité originelle supposée. On pourrait penser que c’est un nihilisme soft ? Non. Durant la campagne électorale des élections européennes, on a entendu Madame Claire Nouvian demander d’interdire toute contestation des théories autour du réchauffement climatique, qui doit devenir un délit de révisionnisme. Là encore une assimilation avec les crimes du nazisme.
Près de 30 ans plus tard, la loi Gayssot et les autres lois mémorielles n’ont fait ni reculer l’antisémitisme ni le négationnisme, on pourrait presque dire au contraire. Le fait d’avoir coulé une vérité historique dans le marbre de la loi, d’en avoir interdit le doute et le bon scepticisme qui est à la base de l’esprit scientifique. Pour de nombreux jeunes esprits, que la destruction de l’enseignement de l’histoire n’a pas préparé à l’examen des faits historiques, la contestation d’une théorie officielle apparaît comme « sympathique », une juste cause de révolte à moindres frais. Et Monsieur Castex, obscur technocrate sans âme, ose sans honte et sans être repris, se prétendre « gaulliste social ».
La manipulation de l’histoire par les « lois mémorielles », l’utilisation à toutes les sauces de l’antisémitisme, sont aujourd’hui une arme de destruction massive contre la liberté d’analyse et de pensée. Que l’on se remémore la mésaventure de Pierre Vidal Naquet qui a contesté pied à pied la quantité d’erreurs et d’impostures contenues dans un des premiers livres de Bernard- Henri Lévy « Le Testament de Dieu » digne « d’un médiocre candidat au baccalauréat » que Cornelius Castoriadis qualifia « d’industrie du vide »: face à l’accusation, soigneusement mise en scène, d’antisémitisme, rien n‘y fit et la presse « de gauche » se coucha et l’histrion pouvait faire carrière.
Grand pays de culture et de science, « mère des arts, des lettres et des lois », la France sombre dans le nihilisme violent. Un ordre terroriste s’installe, il a ses sections d’assaut qui s’appellent par antiphrase – comme Orwell l’avait annoncé – les antifas. Il a sa police politique qui s’appelle LICRA, MRAP et autres officines qui utilisent l’arme judicaire dont plus personne ne croit à l’indépendance.