Rentrant d’expatriation, je me présentais à la crèche de ma municipalité communiste pour y demander l’admission de mes jumeaux, garçon et fille. Au cours de la conversation, il me vient l’idée stupide de faire remarquer que lorsque je mettais une poupée et une petite voiture dans leur parc, le garçon allait vers la petite voiture et la fille vers la poupée. « Vous n’allez pas me faire le coup de l’inné contre l’acquis ? » me rétorqua la vigilante gardienne de l’orthodoxie. Inutile de dire que je n’eus pas mes places en crèche.
Nous étions alors, dans les années 1980, en pleine polémique soulevée par le professeur Debray-Ritzen, un grand scientifique – présentant le vice irrémédiable d’être « de droite »- qui critiquait la théorie psychanalytique niant toute hérédité dans la schizophrénie et en reportant la cause sur une faute des parents.
Les milieux communistes de cette époque étaient encore sous l’influence des théories de Lyssenko qui s’était autoproclamé théoricien marxiste léniniste des sciences agronomiques avec l’appui de Staline et de Khrouchtchev contre la génétique. L’enjeu ? Montrer qu’il n’y a pas d’hérédité transmise par les gènes mais que le milieu environnant – donc la politique – peut tout changer. Lyssenko a éliminé l’école génétique soviétique, une des plus brillantes dans les années 1930 et fait emprisonner son représentant, N. Vavilov, qui en mourut.
Le lyssenkisme arriva en France en 1948 et les scientifiques communistes furent sommés de se ranger à ses théories. La génétique fut qualifiée de science bourgeoise et le lyssenkisme de science prolétarienne. Si les petits garçons vont vers les voitures et les filles vers les poupées, c’est uniquement sous l’influence des milieux et des idées réactionnaires de leurs parents, sans aucun caractère héréditaire.
Théorie de l’évolution et génétique se sont aujourd’hui rapprochées et on sait que le gène héréditaire évolue selon un pas de temps lent, celui des générations, par interaction avec son environnement.
“Ne tombons pas dans le ridicule de politiser les chromosomes”
La grande majorité des généticiens communistes français se rangèrent aux théories lyssenkistes. Seuls deux compagnons de route du PCF s’y opposèrent, Jean Rostand qui déclara « Ne tombons pas dans le ridicule de politiser les chromosomes » et Jacques Monod, plus tard Prix Nobel de médecine. Marcel Prenant essaya de trouver une voie médiane pour rétablir un peu de sérénité scientifique : il fut exclu du Comité Central en 1950.
La grande majorité des agronomes soviétiques, pays où cette science était des plus avancée, soutinrent Lyssenko. Ils le soutinrent pour préserver leur carrière et leur sécurité. En France on proclama que tout universitaire refusant de soutenir le lyssenkisme verrait sa carrière brisée.
Avec le recul, que fut le lyssenkisme ? Une pseudo-science, un pur produit idéologique qui rejetait le réel qui a fini – comme toujours – par s’imposer et à rejeter le lyssenkisme « dans les poubelles de l’histoire » comme on disait à l’époque, mais que de dégâts entretemps sur la science agronomique et ses conséquences sur l’agriculture russe qui se relevait des famines et de la guerre!
Ce qui nous amène à nous interroger sur l’utilisation de la science à l’appui de programmes politiques et notamment sur l’argumentation de « la majorité des scientifiques pensent que ». La grande majorité des scientifiques en URSS a soutenu Lyssenko, en France aussi, jusqu’à son effondrement final après la chute de Khrouchtchev.
“La majorité des scientifiques pensent que…”
Les progrès de la science n’a jamais été celui d’un fait majoritaire chez les scientifiques. La vérité scientifique est le fruit de controverses. Thomas Khun a montré que le changement dans les idées est le fruit d’une confrontation entre des idées dominantes autour desquelles se sont organisées des intérêts acquis et une progression de mises en cause par la réalité. Pour Thomas Kuhn le processus est analogue à un clou dans un mur qui est progressivement ébranlé avant de finalement tomber. Les changements dans les idées sont lents et doivent être soutenus par la liberté de critique scientifique. Historiquement, les pays qui se sont montrés les plus dynamiques dans ce processus sont aujourd’hui les plus avancés. Finalement, c’est toujours le réel qui finit par triompher mais que de temps perdu, que d’erreurs commises par idéologie et rejet du réel, que de dégâts souvent irréversibles !
« Il y a un impératif collectif, celui de croire à la catastrophe»
Pendant la campagne électorale de 2019, la journaliste et candidate Claire Nouvian prétendit invoquer l’argument de la science pour faire taire les « climato-sceptiques » parce que « c’est trop grave » de mettre en cause la théorie anthropique du changement climatique. Et de proclamer « Il y a un impératif collectif, celui de croire à la catastrophe». Nous sommes donc sommés de quitter le registre de la science pour celui de la croyance. Elle demande que le « négationnisme climatique » soit interdit d’antenne en attendant d’être pénalisé comme le négationnisme historique. Là encore, on invoque «97% des scientifiques soutiennent la théorie anthropique » comme critère massue de vérité.
D’une part le nombre n’est jamais un critère de vérité, c’est même plutôt l’inverse en science. Mais surtout, de quels « scientifiques » s’agit-il ? La climatologie est une discipline de synthèse regroupant des champs disciplinaires les plus variés. En en faisant le compte on trouve, selon les sources 2013 du Ministère, 64 professeurs auxquels il faut ajouter des maîtres de conférence éparpillés dans ces diverses disciplines. Ce qui représente une capacité de recherche très faible. Une situation inverse des pays anglo-saxons où la recherche est majoritairement universitaire, avec ses franchises, son indépendance et ses propres règles de gestion. Alors quand « 600 scientifiques » auto proclamés « climatologues » écrivent à leur ministre en 2010 pour demander des sanctions contre Vincent Courtillot, scientifique de réputation mondiale, pour avoir remis en cause la théorie réchauffiste basée sur le CO2, d’où viennent-ils ? Des institutions de recherche, ce ne sont donc pas des chercheurs académiques bénéficiant des franchises associées mais des fonctionnaires enserrés dans une hiérarchie qui gère leur carrière et leur budget. Comme au temps de Lyssenko, il fallait adhérer à l’idéologie officielle et dénoncer publiquement les déviants et les punir.
Ils obéissent aux injonctions du GIEC qui n’est pas, il faut le rappeler, un organisme de recherche mais une organisation politique chargé de fournir des arguments scientifiques à la théorie de l’origine anthropique du changement climatique et d’en fournir une brève « synthèse pour décideur ». Sa méthode de travail est donc profondément non-scientifique, ce qui est confirmé par les menaces proférées envers ceux qui en contestent les décisions, qui, comme au temps de Lyssenko, sont accusés d’être d’extrême-droite, néo-nazis et appelés à faire l’objet d’interdictions professionnelles en attendant les poursuites pénales appelées par la militante journaliste Claire Nouvian.
Le choix obligé de la croyance contre la science
Avec la réception de l’enfant autiste Greta Thunberg à l’Assemblée nationale par les députés LREM qui ne manquent aucune occasion de rabaisser les institutions, le choix de la croyance et de l’émotion contre la science devient un choix politique obligé.
C’est très grave. Non pas seulement pour l’effondrement de la culture et de la recherche scientifiques ramenées au temps de Lyssenko, mais pour les choix de politique publique en matière d’énergie avec la sortie du nucléaire – la seule énergie réellement renouvelable – qui va faire exploser le prix de l’électricité, mettre en cause notre indépendance énergétique au profit de systèmes polluants comme les éoliennes, dont rien n’est prévu pour le recyclage à commencer par les 1500 tonnes de béton de leurs socles qui contribuent à l’impermeabilisation des sols.
Mais aussi pour les libertés publiques. Comme l’analyse Eric Veraeghe, le neo-lyssenkisme climatique, fournit le cadre de la réaction thermidorienne de la caste bobo qui a senti le boulet passer très près avec le mouvement des Gilets jaunes. Un outil émotionnel qui peut être mis à toutes les sauces pour culpabiliser, accuser et surtout faire taire toute position et simple réflexion critique.
Claude Rochet