La puissance avant l’opulence, ou comment les politiques publiques sont créatrices de valeur

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2.1      Plantons le décor : les cycles technologiques, de la machine à vapeur à la troisième révolution industrielle

L’existence de cycles économiques est connue depuis le XIXe siècle, sans qu’on puisse en donner une explication précise. Il y a les cycles courts observés par Clément Juglar pour l’activité commerciale, les cycles boursiers (une panique tous les dix ans au XIXe siècle aux États-Unis) que le père fondateur de la rationalité des marchés financiers, Irwing Fischer, expliquait par une synchronie avec les éruptions solaires[iv]. Mais c’est le statisticien soviétique Nicolas Kondratiev qui a observé les cycles qui portent son nom, d’une longueur de 40 à 60 ans, et qui correspondent à des changements d’ères technologiques, et surtout Schumpeter avec les cycles d’affaires. L’intérêt pour la politique institutionnelle est de comprendre, en fonction de chaque cycle, quelles sont les règles à mettre en place pour favoriser le développement.

Carlota Perez a considérablement fait avancer la connaissance des cycles et de leurs liens avec la dynamique institutionnelle, en faisant ressortir une dynamique constante en quatre phases depuis la première révolution industrielle. Selon elle, on peut regrouper ces cycles en deux périodes séparées par une crise :

  • la période d’installation :
    1. L’irruption : les inventions  arrivent sur le marché et créent de nouvelles occasions de croissance dans lesquelles s’engouffrent les capitaux disponibles ;
    2. La frénésie : vient ensuite une phase de généralisation des infrastructures, du type de celle que nous avons connue avec l’Internet ou, dans le cycle précédent de la production de masse, avec l’automobile. Dans cette phase, la divergence entre l’économie financière et l’économie réelle mène à une crise ;
  • la période de déploiement :
    1. le déploiement : une fois la crise résolue (ce qui peut prendre beaucoup de temps et coûter très cher : la crise de 1929-1931 n’est résolue que par la Deuxième Guerre mondiale), l’économie de production et l’économie financière se réconcilient. On entre alors dans une phase de prospérité durable du type « Trente Glorieuses » où l’économie financière est au service du développement et où la technologie répand ses bienfaits sur toute la société ;
    2. la maturité : les technologies sont alors à maturité et on entre dans des rendements plafonnants sinon décroissants, tandis que se développe le cycle suivant.

Dans la période d’installation, c’est le marché qui est moteur de l’évolution par sa capacité à transformer l’invention en innovation et par le rôle accélérateur que va jouer le capital privé, avec une montée en puissance de l’économie financière. Un accélérateur qui va jouer jusqu’à l’emballement, la finance se séparant de l’économie de production dans la phase de frénésie, avec pour conséquences les crises liées aux bulles spéculatives.

Dans la période de déploiement, c’est l’État qui reprend la main, une fois la crise passée, pour assurer la diffusion du progrès technologique à l’ensemble de la société. La finance est remise au service de l’économie de production.

La succession des cycles technologiques

Figure 0‑1 – La dynamique des cycles technologiques (d’après Carlota Perez)

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