L’Innovation, Keynes et Schumpeter

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Mes travaux sur l’innovation s’inscrivent dans la lignée de Joseph Schumpeter:  

  • C’est la capacité à comprendre le dynamisme de l’innovation et d’en créer les conditions qui est à la base du développement économique et des institutions.
  • Cela requiert une stratégie active de la part de l’Etat, dans un processus de co-évolution entre l’économie et les institutions: les activités économiques créent le besoin d’institutions qui doivent être fixées par l’Etat.
  • La base de l’innovation, c’est l’entrepreneur, et non la technologie comme le prétend l’économie néoclassique, qui serait un bien dont l’allocation universelle serait garantie par le bon fonctionnement du marché.
  • Il y a co-évolution entre l’Etat et les activités économiques: les bonnes institutions naissent de la pratique des bonnes activités économiques, et ces bonnes activités sont rendues possibles par des bonnes institutions.

Schumpeter est inclassable au sens des idéologies économiques. C’est à tort qu’on le classe dans les “Autrichiens” au seul motif qu’il avait commencé sa carrière en Autriche et avait étudié avec Böhm-Bawerk. Les libertaires tentent souvent ce hold-up sur la pensée de Schumpeter (comme dans cette page de l’Institut Coppet, d’une rare malhonnêteté) en jouant sur sa mésentente avec Keynes. 

Schumpeter, bien au contraire, a souligné l’antagonisme fondamental qui oppose l’entrepreneur et le prédateur:

En fait, la pensée de Schumpeter et celle de Keynes sont très complémentaires: Keynes s’intéressait au temps court et à la régulation contracyclique du capitalisme, et ralliait l’approche par le temps long de Schumpeter au motif “qu’à long terme nous serons tous morts“. Schumpeter restait préoccupé de ce que les politiques exclusivement court-termistes inspirées par la pensée de Keynes entraînent des interventions contre-productives de l’Etat qui détruiraient la dynamique de l’entrepreneur. Mais il a clairement montré qu’il n’y avait pas, dans l’histoire, de croissance sans intervention de l’Etat, non pas pour jouer directement un rôle dans l’économie mais pour en fixer les conditions du développement de l’innovation.

Schumpeter et Keynes avaient tout deux compris à leur manière que le capitalisme n’était pas un système auto-régulateur, comme le prétendent les libéraux, mais un système qui, laissé à lui-même, s’autodétruit. Pour Schumpeter, il garde une supériorité indiscutée sur son rival de l’époque, le socialisme, qui n’a pas su intégrer l’innovation et la dynamique de l’entrepreneur.

Giovanni Dosi, un des meilleurs économistes schumpétériens, fait le lien entre la dynamique schumpétérienne endogène de l’innovation et la stimulation par les politiques de la demande, typiquement keynésienne. Il développe son analyse dans ces deux entretiens:

Schumpeter n’était pas un partisan de la théorie de l’équilibre général de Walras ni un théoricien de l’équilibre spontané réalisé par le marché. Dans son premier ouvrage, La Théorie de l’Evolution Economique, il souligne que l’histoire est faite de périodes d’équilibre séparées par des phases de déséquilibre (les crises) qui demandent une régulation  avec en perspective le pilotage des grandes mutations engendrées par le développement cyclique de l’histoire.

On a également prêté à Schumpeter l’idée d’un certain darwinisme social par sa théorie de la “destruction créatrice” par laquelle il explique que l’innovation détruit des activités existantes pour en créer de nouvelles à plus forte intensité technologique. Mais cela n’est aucunement un déterminisme historique comme le prétendent les économistes néoclassiques. Ce sont des mutations socio-éconoiques globales qui touchent non seulement l’économie mais aussi l’ensemble des institutions: c’est l’ensemble des systèmes de régulation qu’il faut réinventer pour piloter la transition de ce que Carlota Perez appelle un paradigme techno-économique à un autre.

Keynes et Schumpeter ne s’entendaient pas car tout les opposait: Keynes était l’archétype de l’aristocrate dandy privilégié par la fortune, tandis que Schumpeter avait mené une vie dure – bien que sa jeunesse fut assez tumultueuse – marquée par le décès simultané de son grand amour et de sa mère, son émigration et la nouvelle que sa seconde femme, Elisabeth – qui deviendra sa compagne de travail – n’aurait pas d’enfant.

En tout état de cause, souligne son biographe Thomas Mc Craw dans Prophet of Innovation: Joseph Schumpeter and Creative Destruction jamais Schumpeter n’aurait cautionné la caricature de capitalisme financier indécent que l’on voit aujourd’hui telle qu’elle est illustrée par tous les économistes de cour.

Le courant néoschumpétérien aujourd’hui s’inscrit en réaction directe contre la domination de l’économie néoclassique et du courant néolibéral. Il est illustré par de économistes et des historiens disciples de Chris Freemann, le fondateur du SPRU, qui se sont regroupé à l’université de Tallinn: Erik Reinert, Carlota Perez, Rainer Kattel,… dont les working papers sont une source irremplaçable pour la reconstruction d’une pensée du développement sur les ruines de l’économie néoclassique.

Liens:

Une revue du livre de Thomas McCraw

Articles de Thomas McCraw

Innovation et développement chez Schumpeter: Un numéro spécial de la Revue Interventions économiques.


Cette page présente mes divers travaux sur le sujet, qui font le lien entre évolution de l’Etat, tant du point de vue des politiques publiques que de l’innovation au sein de l’appareil d’Etat, évolution de la technologie et innovation:

L’innovation, une affaire d’Etat

Schumpeter 3.0

Le rôle des politiques publiques et l’innovation dans l’administration

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Un sujet que je creuse en permanence!

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Innovation dans l’innovation: Schumpeter 3.0

les définitions de l’innovation ont évolué avec les modes de production, depuis l’époque de l’entrepreneur innovateur, puis à l’ère de la production de masse, pour prendre aujourd’hui une forme plus complexe dont il importe de comprendre la dynamique pour définir des stratégies pertinentes.
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