Perspectives de l’économie russe et l’opportunité de la reconversion des mono villes

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Début février 2017 s’est tenu à Moscou le séminaire franco-russe d’économie dans les locaux de l’institut de prévision de l’économie nationale, rattaché à l’Académie des sciences de Russie. Jacques Sapir, initiateur de ce séminaire dont nous avons tenu la 52° session, en fait un compte-rendu détaillé. On peut en résumer les traits saillants: l’économie russe connait une forte croissance depuis la fin 2016, les sanctions n’ont pas eu les effets négatifs attendus par beaucoup, notamment sur les entreprises russes, et les contre-sanctions (interdiction d’importer des produits européens) ont eu un effet positif sur l’économie russe et ont réduit ses liens avec l’Europe au profit de l’Asie et des pays émergents.

Quand on étudie l’histoire économique, on voit que toutes les situations politiques qui ont réduit les échanges d’un pays avec l’extérieur (le blocus continental, les guerres napoléoniennes qui ont coupé le commerce des jeunes Etats-Unis avec l’Europe) ont eu un effet positif sur le développement de l’économie nationale, effet classique de substitution imports /exports (on produit au niveau national ce qu’on importait) et soutien au développement d’une industrie nationale aux dépens d’une économie de vente de matière première, qui était la base de l’économie russe avec la vente de pétrole et de gaz. Combinée à la chute des cours du pétrole, les sanctions ont eu dans un premier temps un effet dépressif sur la croissance russe en 2014. Mais au bout du compte, l’effet est positif: dans son intervention introductive le professeur Ivanter a souligné que:

 

“En quatre ans la production de viande de volaille a augmenté de 40%, de porc de 25%, de bœuf et de mouton de 10%. La production de blé a considérablement augmenté, et elle assure désormais son autosuffisance alimentaire. C’est la première fois depuis la collectivisation. La « sécurité alimentaire » est désormais assurée.

Dans le même temps, l’industrie de défense a connu un renouveau important, un renouveau qui irrigue maintenant l’ensemble de l’économie civile. Ce secteur militaire est traditionnellement un secteur de hautes technologies. Ces technologies de pointe se diffusent maintenant rapidement dans l’économie. Elles profitent à l’industrie des moyens de transport. Il est important d’accélérer ce processus car la poussée actuelle de modernisation des armements va s’éteindre à partir de 2020, une fois la modernisation des forces armées effectuée. La question de la reconversion de ce secteur se posera à nouveau.

Deux autres secteurs ont connu des progrès importants. Il y a d’une part la métallurgie. Ce secteur est certainement l’un des plus développés aujourd’hui en Russie. D’autre part il y a le secteur de la chimie et des polymères. Ce secteur a connu un développement lui aussi très important. Il convient de comprendre aujourd’hui quelles sont les leçons que l’on peut tirer du développement de ces secteurs.

 

Il s’ensuit un débat en Russie sur l’utilisation de ces excédents et le cours du rouble: investir dans l’industrie ou acheter des devises pour faire monter le cours du rouble? Jacques Sapir rappelle les enjeux du débat dans contexte où l’inflation a fortement baissé (entrainant une hausse des taux d’intérêt réels) il est urgent pour la Banque centrale de faire baisser les taux d’intérêt et évite une sur-appréciation du rouble.

Parmi les possibilités d’utilisation de ces investissements se trouve bien évidemment la reconversion des mono villes qui sont un poids pour l’économie russe.

Mon intervention a montré que le modèle économique du développement des villes intelligentes était à coût faible, si ‘non considère que le coût des technologies dites “smart” (en gros les architectures numériques) était faible au regard des couts d’une ville qui sont à plus de 90% des coûts de construction classique, à base de béton, de verre et d’acier. Construite intelligemment ne coute pas plus beaucoup cher que de construire bêtement et le retour est très rapide en terme d’économie d’énergie, de transport, de pollution et de développement de nouvelles activités.

J’ai notamment développé la comparaison avec Singapour, ville initialement aussi démunie et mal dotée quant à sa localisation que la tristement célèbre ville de l’arctique russe, Norilsk, la ville la plus polluée et la plus polluante du monde. Singapour a su stimuler et mobiliser l’entrée de capitaux étranger pour financer son développement. Mais contrairement à l’interprétation néolibérale du développement de Singapour – qui n’a rien d’un miracle mais est le fruit d’une politique publique délibérée – propagée entre autre par des journalistes cuistres comme Arnaud Leparmentier, le succès n’est pas du à l’ouverture de l’ile aux grands vents de la mondialisation et aux mécanismes miraculeux du marché, mais repose sur une stratégie d’accumulation du savoir, de connaissance stratégique, pilotée par un gouvernement intelligent.

C’est une voie dont peut s’inspirer la Russie: stimuler l’entrée du capital étranger pour financer les investissements dans les monovilles tout en transférant la technologie au profit d’une dynamique de croissance endogène.

La Russie vient d’ailleurs de créer un Fonds pour le développement des villes mono industrielles, avec lequel nous espérons développer un partenariat fructueux.

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