Flexibilité et dévaluation interne : de dangereuses idées à la mode

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Flexibilité et dévaluation interne : de dangereuses idées à la mode

17 janvier 2013

Par Jacques Sapir

On parle beaucoup du « coût du travail », et il est évident que la compétitivité de la France, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la zone Euro, s’est dégradée. Ceci a lancé un débat sur le coût du travail, et a abouti aux discussions sur l’accord signé entre le MEDEF et la CFDT vendredi 11 janvier (Accord de securisation de l’emploi). Le problème ici est que ce qui apparaît comme de bonne politique à l’échelle de l’entreprise (échelle microéconomique) peut s’avérer parfaitement désastreux à l’échelle de l’ensemble de l’économie (échelle macroéconomique). Ceci conduit à regarder de manière comparée les effets de la dévaluation interne (baisse des salaires) qui ne touche pas au niveau nominal mais espère provoquer par un effet d’entraînement une baisse réelle des prix, et la dévaluation externe qui modifie brutalement la totalité des prix nominaux mais sans toucher, du moins en apparence, au salaire réel.

I. L’impact des politiques de baisse du coût du travail

À tout seigneur, tout honneur.

Soit une entreprise dont la fonction de production dépend du travail et du capital :

Y = aKvLu

On postule que v+u <0, mais cette hypothèse, nécessaire pour un calcul de maximisation du profit, est souvent battue en brèche dans le monde industriel. On la retiendra néanmoins par simplification. Il faut ajouter que dans le cas où l’on se trouve en présence de rendements croissants (u+v>1), tous les résultats auxquels on abouti ci-dessous sont encore plus évidents.

Les coûts totaux C dépendent de la consommation en matières premières, en capital et en salaires et donc :

C = paA + pkI + Lw   où A représente la somme des consommations intermédiaires (et pa leur prix), I le capital à remplacer et pk le prix du capital, et w le montant du salaire horaire.

A est fonction de Y, A = bY (avec b<0)

I est une fonction de K, donc I = dK (d<0)

C = pabY + pkdK + Lw

Le profit R = pyY-C = py aKvLu – pab aKvLu – pkdK – Lw,   on en déduit que

R = aKvLu  (py-pab) – pkdK – Lw

On suppose que le profit dans le pays (x) est plus faible que dans le reste du monde ce qui entraîne des délocalisations et/ou une baisse des investissements. Il faut donc pour accroître le profit, toutes choses égales par ailleurs, faire baisser w, ceci apparaît comme une « évidence ». C’est bien ce qui se dégage des discussions en cours depuis la fin de l’été et portant sur le « niveau des salaires ». Une autre manière de voire les choses est de considérer que si Y baisse, il faut alors faire diminuer la quantité de travail, ou L. Et là, tel est bien le sens de l’ « accord » conclu entre la CFDT et le MEDEF vendredi dernier1. Pourtant, ces « évidences » microéconomiques vont se heurter à un paradoxe au niveau macroéconomique. Dans le domaine macroéconomique, en effet, la somme des salaires ∑Lw détermine la dépense solvable interne Dint. Or on a, en matière de production, le fait que cette dernière sert la demande interne et la demande externe, donc : Dint + Dext = ∑Y soit le PIB du pays considéré. Si Dext est constant d’une période à l’autre, toute baisse des salaires (ou du niveau d’emploi) entraîne une baisse de Dint et donc de la production globale.

Nous avons séquentiellement :

T R(x) < R (reste du monde) donc baisse de w.

T+1 Baisse de w, mais L restant constant on a une baisse de Lw et : Dint T+1 < Dint  T

T+2 ∑Y (T+2) < ∑Y (T)

On constate qu’une politique « évidente » au niveau microéconomique ne l’est plus au niveau macroéconomique. En fait une baisse du salaire réel, ou une baisse de l’emploi, n’a des effets positifs que si elle améliore la compétitivité tant interne qu’externe et pas seulement les profits des entreprises.

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