Le “contrat de projet”, ou les prédateurs contre l’industrie et l’entreprise

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1La création d’un contrat de travail « de projet », sous ce nom qui sonne bien la modernité, est une régression économique qui va privilégier la rente et la spéculation aux dépens du travail créatif qui fait la réelle valeur de l’entreprise.

Dire qu’il faut se défaire d’un salarié quand il a terminé le projet auquel il contribuait, qu’il n’est plus qu’une charge, veut dire qu’il ne vaut plus rien, que sa seule valeur est celle de la main-d’œuvre, du travail physique qu’il représente. C’est là un raisonnement hérité du XIX° siècle quand le travail se ramenait à la transpiration du salarié vendant sa force de travail selon un schéma idéalement décrit par Karl Marx. Il semble qu’il ait échappé à notre jeune roi, et à son aéropage de conseillers aussi vertueux que modernes, que nous avons changé d’ère. Le principal capital de l’entreprise est immatériel, c’est le savoir-faire accumulé par l’entreprise qui va lui permettre d’innover, de s’attaquer à des marchés et des opérations de plus en plus complexes. A la puissance publique de fournir le financement nécessaire à ces innovations, ce qui est la règle aux Etats-Unis, analysée par Marianna Mazzucatto dans un livre passionnant The Entrepreneurial State[1], bien évidemment totalement ignorée par nos « élites ».

 

Avec l’entrée dans l’économie de la connaissance, le « cerveau-d ‘œuvre » remplace la main-d’œuvre, l’inspiration la transpiration, l’intelligence le muscle. En considérant qu’il est normal que l’entreprise se débarrasse de ses salariés après un projet, on l’incite à jeter le capital accumulé au fur et à mesure qu’elle le produit. Et cela est d’autant plus vrai si le projet en question est un échec car un projet raté est plus porteur d’enseignements – pour autant qu’une stratégie de retour d’expérience soit en place dans l’entreprise – qu’un projet qui réussit. Il est en effet plus facile d’identifier les causes d’un échec que celles qui ont fait que le projet est « tombé en marche » alors que tant d’aléas auraient pu le faire échouer.

 

Le malheureux qui aura pris des risques et innové va être la proie de quelque apparatchik de la DRH qui lui expliquera que compte tenu du caractère conjoncturel de la conjoncture et concurrentiel de la concurrence, il n’y a plus de place pour lui. Pays d’innovateurs, la France ne les a jamais particulièrement favorisés. On leur envoie désormais le message d’aller gagner de l’argent dans l’immobilier ou dans la finance par des montages douteux dont le mauvais exemple vient de haut, mais surtout pas de prendre des risques dans l’industrie.

 

En augmentant la charge fiscale sur le travail, en allégeant celle sur les traders et les activités financières prédatrices, en taxant l’immobilier (le seul bien des classes moyennes) à l’ISF et en détaxant le capital financier et avec ce « contrat de projet » ce gouvernement montre clairement son aversion pour l’entreprise, que n’ont jamais aimée, quoi qu’ils en disent, les libéraux. Une entreprise est avant tout une collectivité humaine porteuse d’une intelligence collective qui doit être gérée. Un véritable entrepreneur ne va pas licencier quand l’activité se ralentit, il va au contraire continuer à embaucher « pour en avoir sous le pied » quand l’activité redémarrera. Toutes choses étrangères à ceux qui réduisent l’entreprise à sa valeur boursière qui fluctue selon les potins du temps qui se contrefichent de la vraie richesse, le capital immatériel de connaissance accumulé par l’entreprise.

 

 

[1] https://marianamazzucato.com/entrepreneurial-state/ La traduction de ce livre a été refusée par les PUF après analyse par des « économistes » qui l’ont jugé non conforme aux canons de l’économie mainstream. On sait à qui malheureusement appartiennent maintenant les PUF.

 

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